Les neocons n’avaient pas tort : le désordre s’étend

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Les neocons n’avaient pas tort : le désordre s’étend


21 novembre 2003 — Le plus étonnant reste le spectacle d’un Jack Straw, ministre UK des affaires étrangères, nous annonçant que les attentats d’Istanboul montrent que la menace du terrorisme est bien réelle, donc que la guerre était justifiée. C’est comme si l’incendiaire venait vous annoncer que la menace du feu est bien réelle puisque l’incendie qu’il a allumé fait rage.

Avec les attentats d’Istanboul, la guerre d’Irak est entrée dans sa troisième phase opérationnelle et sa quatrième phase tout court. Les attentats en Turquie, pays limitrophe de l’Irak, n’ont lieu aujourd’hui que parce que la bouilloire irakienne existe et que le désordre ne cesse d’y gagner.

Les phases de la guerre contre l’Irak sont les suivantes :

• La phase diplomatique (septembre 2002-mars 2003) au cours de laquelle l’annonce de la guerre est faite, les préparatifs sont accélérés. Pendant ce temps, les opposants à la guerre tentent de stopper cette évolution en convaincant le futur agressé qu’il doit montrer sa bonne foi en se laissant inspecter, éventuellement en se laissant désarmer. Le caractère complètement surréaliste du conflit est d’ores et déjà affirmé.

• La phase hollywoodienne : l’attaque du 19 mars qui se termine en triomphe le 9 avril avec la chute programmée, filmée, préparée, etc, de la grande statue de Saddam. C’est la guerre en dentelles, la fleur (des sables) au fusil. L’Occident triomphe, les mauvais n’ont qu’à bien se tenir puisqu’on prépare activement l’attaque contre les suivants (Syrie, Iran, Somalie, etc). Le 1er mai, à bord du USS Abraham-Lincoln comme par hasard au large de San Diego, GW vient faire son discours du Mission Accomplished. Pour les américains, la messe est dite, il n’y a plus qu’à laisser faire.

• La troisième phase a commencé le 10 avril, chevauchant la seconde. C’est la phase d’organisation puis d’affirmation d’une résistance, — soit revanche (pour les proches de Saddam), soit révolte (pour les adversaires des Américains), soit opportunistes (divers mouvements terroristes attirés par l’aubaine  : un pays où le désordre grandit et où les Américains deviennent des cibles). Les Américains réussissent l’impensable : désorganiser absolument la paix, l’empêcher, créer objectivement et volontairement (relent de doctrine trotskiste du “chaos créateur) toutes les conditions du chaos. C’est ce que nous avons désigné comme leur “plan Schliefen”.

• La quatrième phase de la guerre a commencé hier, avec l’attaque terroriste contre la Turquie. Cette attaque n’est possible que dans la mesure où existe désormais une base arrière pour les terroristes. La Turquie est visée, comme pourraient l’être l’Arabie, le Koweït, la Jordanie, l’Égypte, etc. Tous ces pays sont désormais à portée de voitures piégées de ce qui devient le centre mondial du terrorisme, organisé sous l’égide de l’U.S. Army : l’Irak. La guerre d’Irak sort de ses frontières et c’est désormais toute la zone qui est menacée. A lire et à relire, et à méditer, ce court commentaire du meilleur spécialiste mondial de ces questions de “guerre asymétrique” : Martin van Cleveld.

Pour conclure sur un mode ironique : les néo-conservateurs l’ont emporté par KO technique, c’est-à-dire par l’absurde. Ils ont effectivement transformé la région en chaos, ce qui était leur intention. Du chaos, disent-ils, naîtra la démocratie. Peut-être, dans quelques siècles, — en attendant, comptez les attentats et priez pour l’équilibre psychologique de la grande civilisation occidentale qui se fabrique à grands coups de missile guidé son Frankenstein grandeur nature.