Les nouveaux “négationnistes” (israéliens) et la dissolution du monde

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Les nouveaux “négationnistes” (israéliens) et la dissolution du monde

Suspens… L’esprit vigilant, conformiste et policier du temps accepterait-il de prêter le qualificatif pour qu’on puisse les désigner comme “négationnistes” ? Pourtant, ils nient effectivement, et ils sont anciens chefs du Mossad (voire chef actuel du Mossad), ou ancien chef des forces armées israéliennes (IDF, pour Israel Defense Forces). Ils nient en général que l’Iran soit la “menace existentielle” qu’on dit, bien que cette “menace” soit généreusement associée à des déclarations richement caviardées du président iranien sur l’Holocauste et une soi-disant volonté affichée de l’Iran d'anéantir Israël. . Comme le discours-Système sur ce cas est d’équivaloir par conséquent la “menace” iranienne contre Israël à un nouvel Holocauste, ceux qui nient cette “menace” peuvent très bien être qualifiés de “négationnistes” par anticipation et en toute conscience de la chose, – crime encore plus grave, nous semble-t-il à la réflexion, que celui des négationnistes standards..

La dernière initiative dans ce sens vient de l’ancien chef de l’IDF, le général Dan Halutz, parlant à un séminaire à Herzliya. C’est le site YNet.News.com qui rapporte cette intervention, le 6 janvier 2012. (On notera avec la plus grande attention, pour se référer à notre introduction, que Halutz repousse effectivement et explicitement toute analogie entre la menace iranienne telle qu’il la juge et l’idée d’un nouvel Holocauste, – cela, souligné par nous en gras dans la citation.)

«Contrary to statements made when he was in office, former IDF chief Dan Halutz now negates “doomsday scenarios” vis-à-vis Iran. “Iran does not pose an existential threat to Israel,” former IDF Chief Dan Halutz said Friday. […] “Iran poses a serious threat to Israel, but there is difference between ‘serious’ and ‘existential,’” he said. Halutz' current position on the matter stands in stark contrast to the one he held when he served as the chief of staff.

»“We may find ourselves facing an existential threat if Iran continues to pursue its nuclear ambitions… it's the only existential threat I can perceive for Israel,” he said in 2006. In October of 2006 he reiterated his position, saying: “(Israel) cannot remain indifferent to Iran, it has a combination of radical ideology with an intense desire to obtain nuclear weapons and the desire to destroy Israel.”

»Six year later and Halutz now sports a more moderate position: “I don't think there's room for any doomsday scenarios or comparisons with the Holocaust. I also don't think Israel should be the one to lead any operation against Iran.” An existential threat, he explained “is defined as the other side's ability to obliterate us off the face of the earth. That doesn’t apply nor do I think it will.” “I don't think we should sit idly by, but I don't think Israel should be leading the issue – Israel should make sure it remains a high priority on the international agenda, but Iran is a global problem – not just Israel's problem.” The public debate on the matter “has crossed the lines. Some things should have never been said,” he added.»

Bien entendu, ces déclarations d’Halutz doivent être placées dans le contexte d’une tendance qui a été inaugurée puissamment par l’ancien chef du Mossad, Meir Dagan, dès juin 2011 et, depuis, largement confirmée par un rassemblement qui se fait autour de lui (voir notre texte du 10 novembre 2011). Plus encore, cette tendance peut être également perçue comme figurant dans un mouvement plus large, affectant une certaine catégorie de hauts fonctionnaires et dirigeants de sécurité nationale, notamment dans les pays du bloc BAO. Cette catégorie d’analyse et de pensée se montre de plus en plus inquiète des fondements de la crise générale du Système, notamment de facteurs fondamentaux comme la délégitimation des pouvoirs politiques et de l’Etat, et de plus en plus hostile à l’interprétation partisane et opportuniste qu’en font des directions politiques ignorante de ces fondements en tant que tels, attirées par souci de communication électoraliste et manque d’ampleur de vue par des appréciations réductionnistes et fractionnistes de ces fondements. (Voir notre F&C du 2 novembre 2011.) Cette hostilité à l’encontre des directions politiques est d’ailleurs alimentée par le comportement de ces mêmes directions, qui accentuent elles-mêmes leur délégitimation par leur comportement, aggravant ainsi le mal qui les frappe en prétendant lutter contre lui. Il est bien entendu intéressant que ce phénomène se manifeste publiquement surtout en Israël, comme on le constate lorsqu’on décompte le nombre de hauts fonctionnaires de la sécurité nationales ou de chefs militaires qui ont pris position contre l’obsession iranienne.

Le changement de jugement d’Halutz, entre 2006 et aujourd’hui, n’est pas simplement une question d’opportunisme, même si la chose a certainement compté. Il s’agit également d’une évolution objective, tenant à la prise de conscience qu’on signalait dans ce F&C du 2 novembre 2011 déjà référencé. Il est d’ailleurs du plus grand intérêt d’observer que Halutz rejoigne dans ses déclarations un autre ancien chef du Mossad, Efraim Halevy, déclarant (voir le 4 novembre 2011) que la véritable “menace existentielle” contre Israël est posée par les religieux juifs extrémistes, dans leurs comportements exclusifs, notamment contre les femmes. Pour Halutz, même s’il restreint son propos à la seule situation de l’armée, cet activisme-là est potentiellement un facteur de déstructuration explosif, – “pire”, dit-il, “que le terrorisme”, – autre obsession balayée pour l’occasion…

«Halutz also addressed the recent phenomenon of excluding women from the public sphere and called it: “Worse than any form of terrorist as it divides and weakens.” “We cannot have an army within an army; where every group has a different patron.” He added that this created uncertainty over the correct chain of command and authority on a day to day basis. He believes that this situation is worse than “the war of Gog and Magog.”

»Halutz added that the situation was very challenging for the IDF: “It's divisive and it causes us to be weaker. Now it's the singer on the stage, tomorrow it's the female fighter pilot. What happens if the female pilot will have to fly with a yarmulke wearing pilot? We might reach a point where we have to exclude from there as well.”»

Cette évolution du sentiment d’urgence et du danger des menaces déstructurantes et dissolvantes des cohésions internes constitue, là aussi, un exemple exceptionnel de la situation que nous voulons décrire, bien sur parce qu’il s’agit d’Israël qui est un pays dont les spécificités sont bien connues, et dont l’existence tient à la nécessité d’une interne cohésion de fer. La question de “la survie d’Israël” est un des principaux moteurs de la politique extérieure générale de déstructuration et de dissolution lancée par le Système, dans le chef des USA et des extrémistes idéologiques qui soutiennent tout cela (les neocons, principalement) ; ainsi est-il bien possible, selon un phénomène d’inversion désormais bien identifié, que cette politique destinée à “sauver Israël” de la destruction conduise à une situation de dissolution intérieure de ce même Israël. Il est en effet évident que ces mouvements extrémistes, y compris et particulièrement religieux dans ce cas, s’inscrivent dans l’extrémisme général de la politique autour et à propos d’Israël ; leurs obsessions renvoient à l’obsession iranienne des extrémistes israéliens, que dénoncent désormais des généraux et des chefs du Mossad… La tendance à la dissolution est générale et se répand dans tous les sens, en exposant des contradictions internes de plus en plus insupportables au sein même des bastions du Système (dito, Israël pour ce cas).


Mis en ligne le 9 janvier 2012 à 05H39