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5211955-2011, plus de cinquante années pour qu’advienne la partition du Soudan, le plus vaste pays africain, l’équivalent de l’Europe occidentale. Un demi-siècle épuisant de guerres civiles larvées ou ouvertes s’est écoulé avec des accalmies dont un projet de large autonomie mis à mal par la découverte de ressources pétrolières au sud à la fin des années soixante-dix. Le clivage n’était pas religieux, seule 20% d’une frange de la population très au sud avait été récemment évangélisée sous la férule de missionnaires britanniques. La majorité est restée animiste, interdite de contact avec le Nord, ses prédicateurs et ses commerçants musulmans durant toute la période coloniale.
Sur fond de guerre froide et de mouvements des Non Alignés, des aides militaires affluaient au Sud Soudan pour prendre à revers l’Égypte nassérienne et le monde arabe en reconstruction.
Un document rédigé en 1971 par le Conseil mondial des Églises parvenait à l’hebdomadaire Afrique Asie. Il faisait état de l’acheminement par Israël d’armes et de munitions par DC3 sans signes distinctifs, pilotés par des Israéliens qui larguaient à l’Anya-Nya mitraillettes lourdes, bazookas, grenades, fusils de la dernière guerre mondiales et vieilles mines terrestres. Israël aurait assuré la formation de dizaines de cadres rebelles sur son territoire.
La naissance du 54ème pays africain du Sud Soudan après le référendum de janvier 2011 qui a validé la sécession n’a réglé en rien les problèmes de pauvreté d’un territoire potentiellement riche de son pétrole et les conflits menés par plusieurs factions armées ne se sont pas éteints. La mort de George Athor tué lors d’affrontements avec les forces gouvernementales en décembre 2011 qui a abouti à la signature d’un cessez-le-feu avec sa milice illustre la persistance de l’instabilité dans la région qui ne peut plus être attribuée aux Arabes et musulmans du Nord.
L’accord de paix de 2005 entre John Garang chef de l’Armée pour la Libération du Soudan et le régime de Khartoum qui prévoyait la consultation référendaire venait-il à peine d’être signé que la vaste opération hollywoodienne de sauver le Darfour a été lancée. La campagne médiatique qui affirmait le caractère faussement génocidaire d’une lutte réelle entre tribus nomades et agricoles pour la ressource essentielle d’une eau rendue de plus en plus rare par les transformations climatiques a été menée par des groupes évangélistes chrétiens et des associations juives sionistes. Cette partie occidentale du Nord Soudan regorge elle aussi de pétrole. La fragilisation de la position du président Omar Béchir, puni d’être relativement indépendant de Washington, en raison de son accusation par le TPI de génocide allait garantir la division du pays.
1980-( ?)2012, l’affaiblissement de l’Irak en vue de sa fragmentation a été entamée avec la guerre Iran-Irak menée sous un prétexte de litige frontalier par un Saddam Hussein grisé de ses soutiens occidentaux et pétro-monarchiques.
1,5 millions de morts dans les deux camps et plus de 80 milliards de dollars d’endettement après, l’Irak au bord de la banqueroute financière en raison de le destruction des infrastructures et d’un prix dérisoire du pétrole, ayant reçu l’aval (ou l’impulsion?) de l’ambassadrice des Us(a) Glapie April se lance dans une nouvelle offensive. Il veut annexer son ancienne province que la puissance britannique avait privatisée sous l’entité Koweit. La guerre de la coalition mondialisée menée par G. Bush contre le centre névralgique de cette Asie Arabe sera le deuxième moment de l’après effondrement de l’Union soviétique qui devait sceller la domination étasunienne du monde sans partage.
L’on sait que les dix années d’embargo n’étaient que le prélude pour une invasion qui se solderait par l’éclatement du pays en trois petits territoires tribalisés, découpés selon des critères prétendument ethniques et religieux. Les prétentions séparatistes kurdes ont été largement subventionnées par le mouvement sioniste avant même la création d’Israël qui a maintenu vivant l’influx jusqu’à l’utilisation de ses relais pour l’élimination physique des intellectuels irakiens début 2003 et des chefs de la résistance tout au long de l’occupation. Le Kurdistan irakien, signe de sa souveraineté, attribue des concessions à des compagnies pétrolières étrangères sans en référer au gouvernement central.
L’éclatement de la Libye, organisé par les supplétifs des Us(a) britanniques et surtout français, aura pris beaucoup moins de temps, quelques mois. La présence d’un État central fort suscite toujours des tentatives centrifuges quand subsiste une diversité culturelle ou religieuse, preuve que le jacobinisme n’a pas réussi une homogénéisation parfaite qui ne s’est obtenue là où elle a eu lieu qu’au prix d’Inquisition et de bannissements linguistiques.
La Cyrénaïque peut légitimement souffrir d’une moins grande attention à son développement depuis un pouvoir concentré en Tripolitaine. Si la Corse récemment intégrée à la France prétendait à son autonomie ou son indépendance serait-il légitime qu’un État ou plusieurs tiers interfèrent dans la question en finançant ouvertement le mouvement séparatiste ?
L’intervention occidentale sous prétexte de devoir protéger la population civile libyenne d’exactions alléguées et non vérifiées est une pure violation du droit international qui a conduit à la disparition d’un État disloqué par une guerre civile continue, à la précarisation de millions de personnes et la mort de plus de cinquante mille. Elle a été menée sous la conduite d’un littérateur français qui n’avait aucun titre pour la mener que celui d’être juif et partisan acharné de l’État d’Israël.
Kadhafi n’avait cessé de vouloir unifier le monde arabe puis l’africain depuis 1969 et de le soustraire à sa subordination vis-à-vis de l’atlantisme. Il a été puni de ses interférences au Tchad, au Mali et en Érythrée qui ont contrarié les intérêts français, étasuniens et israéliens.
Les tribus Touaregs nomades souffrent de la sécheresse qui restreint leur territoire de migrations. Elles ont quelque raison de ressentir leur marginalisation politique dans les principaux pays concernés où elles nomadisent.
Approvisionné en hommes et en armes provenant de la Libye juste défaite, le Mouvement de Libération National de l’Azawed s’allie aux militants d’Ansar Addine. C’est le coup d’État militaire mené par un capitaine de l’armée régulière professeur d’anglais qui a facilité par la déstabilisation du régime central déjà bien précaire l’annonce de la sécession du Nord.
Toute l’affaire n’aura duré qu’un trimestre, quelques semaines.
Une fois le mécanisme de destruction enclenché, le dispositif fonctionne à plein régime.
Si l’effet domino imaginé par les néoconservateurs sionistes pour le dessin d’un nouveau ‘Moyen-Orient’ résiste à se produire dans l’Asie arabe, le Liban est encore intact et la Syrie malgré le conflit de basse intensité encore maintenu dans son territoire toujours amputé du Golan, le phénomène de déstabilisation et d’éclatement semble fonctionner en Afrique.
La lutte pour l’émancipation économique et la souveraineté politique a de beaux jours encore devant elle.
La nouvelle configuration mondiale issue de la fin de la guerre froide et l’expansion de l’idéologie du profit sans limites comme unique religion avec comme rituel canonique la défense intéressée des droits de l’homme, de certains hommes, précipite la fragmentation désordonnée de formations sociales pourtant anciennes.
Les effets même à court terme de ces bouleversements souhaités et passablement provoqués ne peuvent être prédits en raison d’un niveau de complexité trop important d’interactions entre les éléments du système que l’on voudrait enchaînés au seul objectif de la prédation étasunienne et sioniste.
L’introduction de doses mal calibrées de salafisme séoudien et haririen au Liban a conduit à une alliance patriotique vue comme impensable entre le Général chrétien Michel Aoun et le mouvement de résistance shiite du Sayed Hassan Nasallah.
Le recours au mouvement religieux littéraliste musulman pour faire disparaître la Libye provoque un raidissement du gouvernement algérien jamais à court de fomenter une avalanche d’attentats déstabilisateurs des intérêts français.
L’intervention patente du bloc occidental en Syrie a généré en retour une union de la Russie et de la Chine menacées trop ouvertement sur leur flanc méditerranéen dans un premier temps puis le recrutement des BRICS contre cette politique d’ingérence.
L’instrumentalisation du mouvement kurde jugé indispensable pour déstructurer l’Irak et la Syrie indispose l’allié turc.
Israël, l’un des trois États théocratiques de la planète avec le Vatican et l’Arabie aux mains des Séoud, a quelque mal avec l’arrivée au pouvoir de partis musulmans en Égypte. Les Frères Musulmans avaient animé après le vote de la résolution du plan de partage de la Palestine par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1947 des manifestations massives en Égypte qui ont contraint le roi Farouk à envoyer des troupes très mal préparées au contingent arabe pour la défense de la Palestine. Le mouvement dissout par Nasser a sans doute été plus qu’approché par les Us(a) soucieux d’un contrepoids au nationalisme arabe nassérien.
Sans la formidable capacité d’encadrement discipliné des Frères, le mouvement de la place Tahrir aurait sans doute été réprimé avec aisance par la junte de Moubarak. Ils se sont montrés traversés de courants différents, une vielle garde enrichie voire corrompue, de nouvelles recrues parmi les classes moyennes et intellectuelles et une base pauvre, capable de contestation quand il sera demandé aux travailleurs en grève de mettre fin à leurs revendications.
Le voisin israélien inquiet à juste titre de la suite qui sera donnée aux accords de Camp David par la confrérie prépare la riposte. Elle vient de s’abattre sous une forme pernicieuse.
Le coton israélien est vendu en Égypte 500 guinées le quintal contre 2000 pour celui produit par les agriculteurs égyptiens. La manipulation des cours des matières premières est une arme puissante, car des centaines de milliers de paysans ne pourront replanter pour la prochaine récolte sans subventions massives.
Les marchandises ne sont pas arrêtées par des frontières et les franchissant, elles mettent en péril l’organisation sociale de millions d’Égyptiens.
Israël de son côté élève des murs, matérialisant sa sanctuarisation, le plus récent est celui qu’il édifie pour interdire aux migrants venus d’Afrique de s’y rendre depuis le Sinaï.
La plupart des postulants à l’immigration clandestine sont des Soudanais, ceux-là mêmes obligés de fuir le Sud Soudan et le Darfour dont l’embrasement est savamment entretenu par Israël et dont les effets dévastateurs dénoncés par les littérateurs germanopratins comme un génocide commis par des Arabes.
L’essence paranoïaque du sionisme s’il a pu être protecteur les premières décennies de l’existence d’Israël puisqu’il réussissait à détourner tout le métabolisme sécuritaire occidental à son profit financièrement et stratégiquement connaît la loi des rendements décroissants.
Comment convaincre l’Italie et la Grèce frappées de plein fouet par une crise économique de payer plus cher leur pétrole juste parce que l’Iran procure des angoisses métaphysiques aux membres du Likoud ?
Comment obtenir encore plus d’armements et de cession technologique gratuits des Us(a) enfoncés dans une dette qui dépasse son PIB et dont les obligations plus tellement appétissantes sur le marché ne sont reprises qu’en un circuit fermé par la Fed pour parer à une menace nucléaire iranienne reconnue inexistante depuis au moins 2007 par le renseignement américain ?
La syntaxe du processus est celle de la désintégration, et le temps en est un rythme soutenu qui semble s’accélérer.
Réduire la voilure, mettre à la cape sous tourmentin en ne craignant pas la fuite sans dérive, bref appliquer les consignes tant que tient la tempête.
On le voit derrière cet horizon, le beau temps n’est qu’à quelques miles.
Badia Benjelloun
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