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406Fin juin 2012, le conseil municipal d’une petite ville de 300 000 âmes de l’État de Californie, s’est placé sous la protection de la loi sur les faillites. Stockton, port fluvial à une centaine de kilomètres de San Francisco n’a plus payé ses créanciers et a lancé le processus de restructuration de sa dette.
Quelques jours plus tard, toujours en Californie, la ville de Mammoth Lake et moins d’un mois après celle de San Bernardino se sont déclarées en cessation de paiement.
Depuis janvier 2009, la 8ième puissance de l’économie mondiale qui est à la fois l’État le plus riche et le plus peuplé (35 millions d’habitants) des Us(a) a été déclarée au bord de la faillite, frappée par l’effondrement de la bulle immobilière et endommagé par la récession mondiale masquée temporairement par une intervention ex machina, injonctions de liquidités bernankiennes (*), accalmies recommandées auprès des grosses caisses et cymbales des agences de notation.
Les dispositifs de retard à l’effondrement ont jusque-là fonctionné pour amortir la chute.
L’acteur de cinématographe d’origine autrichienne qui faisait office de gouverneur néo-libéral a été remisé dans les coulisses, l’image lisse et bodybuildée entachée de surcroît par une petite affaire de mœurs.
Il a été remplacé par un démocrate, Jerry Brown qui vient de soumettre le 30 juin pour approbation en novembre la proposition de son équipe pour le prochain budget de l’État fixé à 92 milliards de dollars.
Le déficit de 40 milliards accusé en 2009 passerait à 15, moyennant une hausse des impôts et surtout des coupes drastiques dans les aides sociales de santé et d’éducation. L’encre du paraphe apposé par Brown était à peine sèche que la Chambre du Commerce des US(a), lieu de pouvoir économique donc politique étasunien autrement plus considérable que toutes les chambres de Représentants délégués et habilités par les lobbies, a payé 431 000 $ un spot publicitaire télévisuel contre l’éventuel rehaussement des impôts.
La Californie est engagée dans un cycle de faible croissance, faibles recettes fiscales, tentative de compenser le manque à gagner par des impôts plus élevés. La suite de la boucle de la faible croissance soutenue vient avec la domiciliation des entreprises dans des États à fiscalité plus conciliante et la fuite des emplois là où le droit du travail a été assoupli. Sur les 8 mégapoles étasuniennes où le taux de chômage excède 15% officiellement, 7 sont californiennes. Le rapport de l’écart de revenus entre les 10% les plus démunis et les 10% les plus opulents est de 12, significativement plus élevé que le ratio national. L’essoufflement de l’industrie du bâtiment a affecté plus durement qu’ailleurs la classe moyenne basse, diminuant la valeur du capital immobilisé dans leur résidence et faisant perdre 33% d’emplois dans ce secteur.
L’élite oligopolistique numérique de la Silicon Valley, Google (flotte de 8 jets privés), Facebook, Twitter, le site de jeux Zynga, est de plus en plus impliquée dans la politique locale et nationale. Zynga a contribué à l’élection du nouveau maire de San Francisco. Elle décidera le moment venu du devenir de la copie de Jerry Brown.
Doucement, presque imperceptiblement, avec ou sans l’agitation polie du mouvement Occupy, la Californie qui avait incarné l’utopie de la classe moyenne s’installe dans la récession.
Il sera peut-être difficile de dater la chute de l’Empire occidental.
La prise de Rome par Odoacre en 476 est la fin d’un processus qui a bien duré deux siècles, débutant par la défaite de l’empereur Valérien devant les Sassanides en 253 et trouvant un affaiblissement fatal par la perte de l’Afrique du Nord désormais aux mains des Vandales arianistes au début du cinquième siècle.
Le déclin irréversible de la Nouvelle Rome sera à situer à Sarajevo le 28 juin 1914 ou bien encore lors de la destruction de sa bibliothèque en 1992. Cette tragédie récente, prise pour emblème d’un certain infléchissement de notre espace-temps contemporain a alimenté le foyer de l’oeuvre lumineuse “Notre Musique” de Jean Luc Godard.
Dans cette atmosphère âcre où des livres brûlent, la Chambre basse de l’État de Californie a adopté la résolution H R 35, avec une majorité écrasante de 68 sur 80 sans même avoir été discutée publiquement.
L’essentiel de cette résolution définit toute critique de l’État d’Israël comme un acte antisémite. Une liste d’exemples est dressée parmi les comportements ou éléments de langage qui diabolisent ou délégitiment l’entité sioniste.
• discours, films ou expositions qui indiquent qu’Israël est coupable de crimes contre l’humanité comme le nettoyage ethnique ou le génocide.
• décrire Israël comme raciste ou pratiquant l’apartheid
• campagnes menées par des étudiants ou le corps professoral en faveur du boycott, désinvestissement et sanctions
• nier au peuple juif le droit à l’autodétermination
• soutien de groupes d’étudiants au Hamas et au Hezbollah….
Les étudiants des universités californiennes n’ont qu’à bien se tenir, l’Anti-Defamation League veille. Ce sont en effet eux qui sont visés par cette mesure d’autocensure forcée à l’heure où les montants des frais de scolarité sont de plus en plus élevés, transformant ces post-adolescents en futurs endettés à vie avec de maigres perspectives d’emploi.
Cette résolution qui institue le délit d’opinion va à l’encontre du Premier Amendement qui protège non seulement les opinions critiques à l’égard d’Israël mais aussi ceux qui voudraient tenir des propos haineux antisémitiques.
Le doyen de la faculté de droit de l‘Université Hébraïque de Jérusalem, Yuval Shany vient d’être nommé membre du Comité des Droits de l’Homme de l’ONU en remplacement du Mauricien Rajsoomer Lallah décédé le 3 juin. Il
Les juristes qui s’intéressent au droit international ou à ce qu’il en reste apprécieront.
Israël est l’État qui s’enorgueillit d’avoir outrepasser le plus grand nombre des résolutions de l’ONU. Shany risque d’obtenir que ces résolutions qui rappellent le droit inaliénable au retour des réfugiés et la restitution de leurs biens soient considérées comme non recevables car antisémites. Peut-être même que le mot Palestine devra être proscrit bientôt et que le problème de l’État de Palestine effacé, son évocation offensant la dignité de l’occupant.
Les lois abondent quand les malfaiteurs se multiplient.
Badia Benjelloun
(*) Aprénominales !