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133724 juillet 2011 – Lorsque nous commençâmes à employer l’expression acronymique “BAO”, pour “bloc américaniste-occidentaliste”, ou “bloc BAO” , nous ne pensions pas précisément à la signification symbolique qu’impliquait précisément cette expression. (C'est à peu près à l’époque où la Chine refusa officiellement l’offre d’une domination partagée avec les USA, – voir au 19 novembre 2009, – que nous songeâmes à l'idée de la représentation de cet ensemble occidental, USA-UE, en un “bloc américaniste-occidentaliste”, ou BAO. On retrouve l'expression, dans un des premiers textes à en rendre compte, le 25 mai 2010.) En apparence, cette expression et cet acronyme paraissaient reproduire une vision hégémoniste de l’ensemble Europe-USA et, pour certains, d’une façon secondaire mais significative, en entérinant la soumission de l’Europe aux USA. Mais non, en vérité...
Le langage, même dans sa forme la plus crue comme l’est cet acronyme forgé de toutes pièces et assez barbare, a sa propre logique autonome. Ce que nous découvrons de plus en plus, mais aussi ce que nous réalisons d’une façon brutale comme c’est le cas avec cette analyse, c’est que cet acronyme marque en fait le déclin, voire l’effondrement de cette “vision hégémoniste”, – et, au-delà, l’effondrement du concept de “bonne gouvernance” ou de “global governance” si cher aux théoriciens du “bloc BAO”, – et là, Europe et USA à égalité, sinon une arrogance plus forte encore, par la profondeur de sa vanité, chez les Européens.
Les circonstances nous conduisent à ce constat, avec les crises parallèles en Europe (cas de la Grèce et de l’euro) et aux USA (cas de la dette et des négociations Obama-Congrès) ; et deux crise qui montrent, plus encore que la difficulté considérable des situations qu’elles recouvrent, l’impuissance remarquable, qu’on dirait ontologique, des dirigeants impliqués, non seulement à les résoudre durablement, mais à prendre des décisions communes et sages pour les résoudre, et à montrer la résolution pour tenter de les résoudre durablement. Fedor Loukianov, analyste indépendant publiant pour RIA Novosti, nous a beaucoup aidés pour le mécanisme de cette prise de conscience, avec son texte «Une irresponsabilité dangereuse», qu’il publie le 21 juillet 2011 sur le site de Novosti. Il s’agit en effet d’une vision excentrée, extérieure au bloc BAO, qui rend compte précisément de l’état de ce bloc et de ses prétentions à être un modèle de “bonne gouvernance” pour le reste du monde. Loukianov rappelle une conférence qu’il donnait en Allemagne en 2009, au cours de laquelle il exposait les difficultés de déterminer une politique étrangère stable (selon l’exemple russe, pour son propos) dans les conditions chaotiques de la grande crise mondiale. Il fut sèchement interpellé par un de ses auditeurs, un “politologue allemand” qu’il qualifie assez justement d’“arrogant” : «D’une manière édifiante, [il] a fait remarquer que dans l’Union européenne tout était connu à l’avance et se développerait progressivement en suivant un axe préétabli. Mes tentatives de remettre en question une prédétermination aussi absolue ont été vaines…»
C’était en 2009. Depuis, les événements ont rendu leur verdict. Les événements de ces dernières semaines (crise en Europe, crise aux USA) ont clairement et ignominieusement confirmé ce verdict. La faillite des “pouvoirs” européens et américanistes, ou américanistes-occidentalistes, constitue un fait politique remarquable par son ampleur, son évidence, sa force déstabilisatrice, – toutes ces situations n’ayant d’égales que les certitudes antinomiques des dirigeants du bloc de détenir la formule de la “bonne gouvernance”, si également choquantes par rapport aux situations exposées. Cela engage Loukianov à poursuivre…
«[En 2009, personne ne prédisait] que l’Occident deviendrait la principale menace pour la stabilité financière et économique mondiale. L’Europe s’est noyée dans ses problèmes internes, et l’euro (le projet ambitieux de la deuxième monnaie de réserve lancé à la fin du XXe siècle) est passé d’une alternative prometteuse à un casse-tête non seulement pour les européens, mais également pour le reste du monde. Les Etats-Unis ont clairement démontré le danger extrême que génère une hégémonie: les clivages entre les partis et la polarisation de la société dans un pays en particulier menacent de faire plonger l’économie mondiale dans une crise profonde.
»Dans les deux cas, les problèmes avant tout sont à caractère politique. L’incapacité de l’Union européenne à harmoniser l’intégration économique et politique (il est impossible d’avoir une seule monnaie pour 17 politiques économiques) a conduit à une résonance destructrice. Les Etats-Unis doivent faire face à une contradiction conceptuelle. Dans le contexte d’une prise de conscience progressive du fait que le leadership inconditionnel qu'ils avaient pris à la fin du siècle dernier n'est plus réaliste, on a assisté à l’émergence de la polémique traditionnelle sur la nature de l’Etat américain et de ses relations avec l’environnement extérieur et la société. Vu par le prisme de la mondialisation qui fait office de loupe pour tout processus, la polémique a pris une forme aiguë et intransigeante qui se répercute sur les négociations concernant le plafond de la dette publique. Et lorsque les Américains débattent sur leur propre sort, ils ne se préoccupent plus du reste du monde.»
Loukianov souligne que, face à la crise américaniste-occidentaliste, personne dans les “puissances émergentes” du reste du monde n’a voulu se précipiter pour proposer ou accepter une alternative de sauvegarde. En fait, comme on le voit notamment avec le rappel du cas du G2 et de la Chine, une telle alternative impliquerait nécessairement une coopération avec le bloc BAO, avec le principal effet de sauvegarder l’ordre américaniste-occidentaliste dont tout montre par ailleurs son vice fondamental et la pourriture avancée de ses conceptions et de ses fondements.
Loukianov conclut, fort justement : «Cependant, aujourd’hui on assiste à une situation paradoxale. Les politiciens américains et européens, c’est-à-dire ceux dont tout dépend, sont le principal obstacle au maintien du statu quo ou à la sortie prudente de la crise. Le moment pour l’épreuve de force, et c'est précisément le cas aux Etats-Unis, est très mal choisi, même si certains arguments sont fondés. Dans l’ensemble, la situation actuelle pourrait causer un préjudice plus important à la réputation et aux positions des Etats-Unis et de l’Europe que tous les événements antérieurs. Car l’irresponsabilité des élites occidentales et leur inadéquation à leurs propres ambitions déclarées des leaders idéologiques mondiaux ne s’étaient encore jamais manifestées d'une manière aussi évidente.»
…Il est vrai que le bloc BAO, dans sa complète arrogance perverse, ne peut que chercher ailleurs qu’en lui-même les causes de sa Chute, – ou disons les causes de ses difficultés puisqu’il ne peut imaginer qu’il y ait chute. On l’a vu dans cette extraordinaire parodie d’analyse, et palinodie de la perception, en quoi constitue la tentative de compréhension du “printemps arabe”, ou chaîne crisique. Les applaudissements ont été nourris, et les initiatives stupides et vides de tout sens (l’intervention en Libye) à mesure, pour saluer le triomphe du système du bloc BAO (démocratie, “droitdel’hommisme”) dans les pays concernés, et cela avec la cerise sur le gâteau de l’intervention de “la volonté populaire” (dans les pays arabes) appuyée sur les gâteries technologiques avancées du système de la communication, en mode Internet et “réseaux sociaux”. La réalité est évidemment contraire, que le “printemps arabe” n'est rien d'autre qu'une attaque contre la bloc BAO. La réalité est bien sûr qu’il s’agit d’une poussée très forte contre un montage du système du bloc BAO, c’est-à-dire l’organisation des régions suzeraines marginales du bloc appuyées sur les régimes habituels, style dictature de circonstance, de Ben Ali à Moubarak, tous “clients” et amis, avec autorisations et modes d’emploi en bonne et due forme. Faire l’impasse sur cette réalité vieille de plusieurs décennies dans l’analyse des événements du “printemps arabe” mesure le degré d’auto aveuglement auquel la direction du bloc BAO conduit ses serviteurs.
D’une façon générale, les pays du bloc n’ont cessé, surtout à partir de 2008, d’appuyer et de développer leurs critiques contre le reste du monde sur les seuls arguments de l’idéologie de communication (démocratie, “droitdel’hommisme”), notamment contre des pays comme la Russie et la Chine. Il est significatif que ces critiques portent, bien plus que sur l'efficacité de cette idéologie, son adaptabilité et ses effets, voire sa légitimité, au contraire sur les seuls processus de cette idéologie au strict plan de la pratique américaniste-occidentaliste, ces processus considérés lorsqu'ils sont conformes comme les preuves de l’irréfutabilité de la vertu du bloc. Ainsi, les pays du bloc se cadenassent-ils dans une sorte de forteresse inexpugnable, puisque la condition sine qua non, voire nécessaire et suffisante, de la conformité au “modèle” présenté comme indépassable se trouverait simplement dans le fait d’être un pays du bloc américaniste-occidentaliste. Cette position fut généralisée effectivement à l’automne de 2009, avec le rejet officiel de la formule du G2 par la Chine, parce que ce refus impliquait en théorie qu’il deviendrait impossible pour ces pays du bloc de reprendre à leur compte, et pour leur propre vertu, les effets de ce qu’eux-mêmes considéraient déjà comme le “succès” de la Chine dans l’application du volet économique du Système.
Dans cette attitude de reporter de plus en plus massivement la justification, voire l’“excellence” du système américaniste-occidentaliste, dans un domaine considéré par définition comme tabou (l'idéologie réduite au processus), se trouve la formule de la “forteresse inexpugnable”. L'âme et son inspiration étant réduites au mécanisme, qui est détenteur de l’inspiration même d’une chose définie par essence comme vertueuse ne peut être mis en cause pour les ratés de l’application de cette chose puisque la faute en est aussitôt rejetée sur ceux qui tentent de l’appliquer, ou sont forcés de l’appliquer, et s’y prennent mal. On comprend par ailleurs, la chose ayant de plus en plus de ratés et s’entêtant à ne pas reprendre sa course exceptionnelle, que ce repli tactique sur la vertu idéologique intouchable devint très rapidement une position de principe fondamentale, – ainsi passe-t-on du tactique au stratégique en appliquant la méthode fondamentalement subversive de faire du tactique une stratégie ; et, aussi bien, dans un même mouvement, se replie-t-on dans cette “forteresse inexpugnable” qui autorise effectivement toutes les irresponsabilités dans les domaines de l’action, puisqu’on s’est soi-même adoubé de la responsabilité suprême dans le domaine de l’inspiration, avec la charge de la responsabilité de son application laissée aux autres. Ainsi en vient-on à tout se pardonner à soi-même, jusqu’à l’ignorance même de ses faiblesses, dont l'impuissance qui les résume toutes ; ainsi en vient-on à ne plus considérer le fait même de l’impuissance qu’on montre dans la direction des affaires, pour au contraire affirmer qu’il ne se peut concevoir qu’on puisse montrer quelque impuissance que ce soit dans la direction des affaires.
On notera que ce faisant, les directions du bloc BAO ne faisaient que montrer un conformisme exacerbé, voire une identification stupéfiante aux comportement du Système lui-même, – elles-mêmes, ces directions, exacts reflets du Système. Une fois passée la tempête de l’automne 2008 au cours de laquelle certains eurent la velléité de mettre en cause l’un ou l’autre fondement, – et l’on vit alors l’un ou l’autre dirigeant d’un pays du bloc se rapprocher d’une manière significative de l’un ou l’autre dirigeant d’une des puissances extérieures, comme Sarko avec Medvedev en octobre-novembre 2008, – tous rentrèrent dans l’ordre du Système et n’y dérogèrent plus. Ils tenaient les manettes de commandes et y exercèrent avec la force de l’hébétude que donne cette sorte d’allégeance, la pression constante de leur impuissance et de leur irresponsabilité. Leur mot de passe, leur “sésame” (démocratie, “droitdel’hommisme”), les dispensaient de tout.
Il y a presque une symétrie homothétique entre les rassemblements européens à Bruxelles et les négociations des dirigeants américanistes à Washington ; une symétrie homothétique et égalisatrice, naturellement par le nivellement irrésistiblement le plus bas… Le cas est évident avec les deux crises simultanées de la dette, celle de l’EU (la Grèce, certes, mais le reste, l’UE en son entièreté, avec son précieux euro) et celle de Washington (le plafond de la dette). Nous voulons surtout appuyer sur l’aspect symbolique par rapport au sujet examiné ici. Il n’est pas question de comparer les situations, et surtout pas d’un point de vue économique, – bien qu’il y ait du champ pour cette comparaison. Nous voulons mettre en évidence cette symétrie, illustrée par le propos de Loukianov : «[En 2009, personne ne prédisait] que l’Occident deviendrait la principale menace pour la stabilité financière et économique mondiale. […] [l’UE et les USA menaçant] de faire plonger l’économie mondiale dans une crise profonde.»
Cette vision extérieure au bloc BAO de Loukianov est intéressante parce qu’elle nous donne une appréciation synthétique de la situation “globale” du bloc. A la lumière de cette appréciation, les interrogations si souvent entendues en Europe, critiques ou enthousiastes c’est selon, sur les relations transatlantiques et, plus précisément, sur la soumission de l’Europe aux USA, tendent à s’estomper. Si l’on parle de “bloc BAO”, selon l’expression que nous utilisons, c’est aussi qu’il est question de la vision extérieure et générale d’un “bloc”, et que cette vision prend de moins en moins compte la perception des rapports plus ou moins empreints de malaise entre l’Europe et les USA pour se rapprocher d’une perception d’une intégration de plus en plus évidente. Cela est d’autant plus possible que les USA, depuis 2008, ont perdu beaucoup de leur position dominante, qu’ils ont montré leur affaiblissement et leurs faiblesses à la fois, qu’ils se sont plongés eux-mêmes dans une crise de “gouvernance” qui vaut bien celle de l’Europe, qui la dépasse même. (Il est aujourd’hui au moins aussi difficile de trouver “le numéro de téléphone” de “qui dirige à Washington” qu’il l’était hier, Kissinger regnante, de trouver “le numéro de téléphone” de l’Europe.) Le malaise de la soumission (européenne) perd de son acuité au profit de l’égalité de la proximité catastrophique.
On découvre, avec ce point de vue nouveau, suscité par celui de Loukianov, qu’il y a effectivement une façon de voir, qui pourrait suggérer une évolution de la vérité de la situation dans ce sens, que les USA et l’UE sont dans une nouvelle phase où la proximité européenne des USA n’est plus celle de la soumission mais celle de la symétrie et de la solidarité, et bien entendu au-dessus de tout cela, celle de l’aveuglement, avec comme référence commune le Système. C’est une nouvelle situation qui renvoie au reclassement qui s’est effectué depuis 2008, que nous signalons régulièrement (encore dans notre F&C du 22 juillet 2011), où les références géopolitiques sont remplacées par des références psychopolitiques, où les proximités tiennent moins compte des antagonismes d’hier, des visions classiques des intérêts, des ambitions et des regroupements ; une nouvelle situation, où les spécificités des nations, les hypothèses sur des alliances ou des puissances respectives, des spéculations sur la puissance de l’un ou l’autre (l’Allemagne ou la France en Europe, par exemple), n’ont plus de raison d’être parce que l’enjeu et les conditions de l’enjeu ont largement et irrésistiblement dépassé tout cela.
Ainsi apparaît une situation où il existe une véritable “alliance” entre les USA et l’Europe (ou l’UE), mais, bien entendu, fondée sur une communauté indiscutable d’échecs catastrophiques, de structure crisique en pleine ébullition de désordre, d’impuissances absolument structurelles et équivalentes des pouvoirs en place. Ce sont les références essentielles de l’alliance transatlantique désormais accomplie, l’alliance de la catastrophe commune, dont la principale référence est d’une part notre proximité indiscutable du Système (nous en sommes le cœur), d’autre part notre part indiscutable de paternité du Système (le Système est né de nous, de notre civilisation devenue “contre-civilisation” avant de nous dévorer). L’alliance tant réclamée et tant chantée entre l’Europe et les USA est faite, et elle s’est faite en un tournemain sur le constat commun de l’échec et de l’effondrement d’elle-même, – puisque cette alliance, ce bloc BAO, c’est aussi le Système.
C’est dire qu’en présence d’un tel phénomène s’estompent, – non, s’effondrent toutes les prétentions qui vont avec ; nous parlons aussi bien du “modèle européen” (et le concept d’Europe unie, certes) ; de l’hégémonie totalitaire des USA et de sa stupéfiante prétention civilisatrice (“chaos créateur” et le reste) ; de l’idée conjointe des deux d’un modèle offrant au monde, sans craindre la contradiction, le schéma libérateur pour chacun d’une “bonne gouvernance” et l’ambition écrasante pour tous d’une “global governance” d’inspiration BAO. Tout cela ressemble désormais à de vaines et dérisoires spéculations, devant le spectacle qu’offre le bloc BAO au reste du monde.
La curiosité du domaine est que ce même bloc BAO, avec tous ceux qui le composent, s’il offre ce spectacle si voyant, est lui-même incapable de le voir dans sa totalité, ni même, souvent, pour chacun, dans les détails qui le concernent. Les dirigeants européens restent très satisfaits de la formule européenne, dont ils vous disent qu’elle a “sauvé” la Grèce («un accord historique», dit le ministre Barouin), sans s’aviser qu’ils sont eux-mêmes le microbe mortel qui est cause de tout et le médecin au diagnostic si incertain que la Grèce pourrait bien “mourir guérie”. Pour Washington, au milieu de l’enfer kafkaïen des négociations en cours peuplées d’antagonismes haineux et de paralysies furieuses, le modèle de “gouvernance” des USA continue à être acclamé comme le fleuron de la modernité, Founding Fathers à la boutonnière.
Pour en arriver à ce degré d’inconscience, il faut que le degré d’impuissance et d’irresponsabilité soit considérable. Il faut observer alors que le dernier domaine dans lequel le bloc BAO excelle, c’est bien celui de la production accélérée d’un virtualisme d’une puissance sans égale, mélange de narratives, de mensonges “vraies” tant ils sont dits de bonne foi, d’auto-persuasion, d’une vision étrangement provincialiste et repliée sur elle-même, d’une volonté délibérée de se priver de toute mémoire qui soit quelque peu édifiante sur les responsabilités originelles des uns et des autres.
Le système de la communication alimente de toute sa puissance cette création virtualiste si réussie et imperturbable. L’enjeu n’est donc pas d’intervenir dans la réalité, disons éventuellement dans ce qui pourrait être la vérité du monde dont le bloc BAO fait partie comme une pandémie absolument catastrophique, mais de maintenir cette réalité virtualiste de toutes les façons possibles. La logique qui en découle n’est pas celle de la vérité mais celle de la réalité virtualiste, et qu’elle conduise à récompenser les responsables directs des catastrophes, comme dans le cas des banques pour l’automne 2008, cela ne présente plus aucune sorte de contradiction et n’a certainement pas besoin d’un complot pour être expliqué. L’essentiel est la survivance de la narrative selon laquelle le bloc BAO est un succès, et sa “gouvernance” un modèle du genre.
Bien entendu, toute cette description ne prétend pas rendre compte d’une nouvelle dictature ou d’un ordre imposé de force au reste du monde (au monde), mais plutôt des modalités de l’effondrement en cours (la Chute), conduite sans la moindre hésitation par le bloc BAO. A ce point, la remarque de Loukianov («[En 2009, personne ne prédisait] que l’Occident deviendrait la principale menace pour la stabilité financière et économique mondiale. […] [l’UE et les USA menaçant] de faire plonger l’économie mondiale dans une crise profonde»), cette remarque ne doit plus être la marque d’un étonnement, mais l’expression logique d’une évidence. Le bloc BAO est nécessairement la cause de l’effondrement d’ores et déjà en cours, il en est le premier producteur, le premier détonateur, le premier acteur.
La dernière “chance” d’échapper à ce triste destin s’est évanouie avec la crise de l’automne 2008, où l’ébranlement du Système à cause des tares irrépressibles du Système, a conduit tous les dirigeants du bloc, comme dans le flux d’une logique naturellement perçue dans une complète inversion, à la conclusion que le Système était la meilleure et la seule (TINA) formule possible pour l’avenir du monde. (On l’a vu, les velléités d’une pensée différente ont vite été étouffées par la bassesse et la médiocrité des personnages qui se sont tournés vers elle un instant.) Maintenant, nous devons observer la façon dont la catastrophe qu’ils continuent à favoriser et qui se poursuit sous nos yeux s’emploie à aggraver la pathologie de leurs psychologie à un point proche de l’insupportabilité, jusqu’à l’insupportabilité elle-même, – avec peut-être d’étranges comportements comme effets, avec déjà des mouvements convulsifs aux conséquences peut-être intéressantes de la part des citoyens menés par ces étranges directions. C’est, comme l’on sait, le temps de l’“indignation”.
Pour le reste et plus largement considéré, nous dirons évidemment que le schéma en cours est absolument conforme à l’évolution générale des choses du Système et du Systèmes lui-même, notamment au schéma du développement conjoint d’une dynamique de surpuissance et d’une dynamique d’autodestruction. A un moment, la dynamique d’autodestruction prend le pas sur la dynamique de surpuissance et utilise toute cette surpuissance dans le but de l’autodestruction. Nous avons passé et largement dépassé ce cap.
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