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12 janvier 2004 — La surprise est moyenne, d’apprendre que l’administration US et GW lui-même voulaient la chute de Saddam depuis leur arrivée au pouvoir, en janvier 2001. Ce sont des révélations de Paul O’Neill, qui fut secrétaire au trésor de GW pendant deux années avant d’être chassé pour opinions inconvenantes (désaccord avec la politique de GW).
O’Neill parraine un livre de souvenir, avec l’auteur Paul Suskind, qui a écrit The Price of Loyalty retraçant l’expérience de O’Neill dans le gouvernement, à partir du témoignage de O’Neill bien sûr. Nous avons donc, retracée, le genèse de l’attaque. Aucune surprise : tout le monde voulait abattre Saddam parce que, c’était déjà l’argument, c’est manifestement un homme mauvais. Restait à savoir comment l’éliminer. O’Neill a confié certaines des révélations et précisions qu’on trouve dans le livre, au journaliste Lesley Stahl, dans un entretien avec la CBS.
« “From the very beginning, there was a conviction that Saddam Hussein was a bad person and that he needed to go,” O’Neill tells Stahl. “For me, the notion of pre-emption, that the U.S. has the unilateral right to do whatever we decide to do is a really huge leap.”
(...)
» [Book’s author]Suskind says O'Neill and other White House insiders he interviewed gave him documents that show that in the first three months of 2001, the administration was looking at military options for removing Saddam Hussein from power and planning for the aftermath of Saddam's downfall — including post-war contingencies such as peacekeeping troops, war crimes tribunals and the future of Iraq's oil. “There are memos,” Suskind tells Stahl, “One of them marked ‘secret’ says ‘Plan for Post-Saddam Iraq.’”
» A Pentagon document, says Suskind, titled “Foreign Suitors For Iraqi Oilfield Contracts,” outlines areas of oil exploration. “It talks about contractors around the world from...30, 40 countries, and which ones have what intentions on oil in Iraq,” Suskind says.
» In the book, O'Neill is quoted as saying he was surprised that no one in a National Security Council meeting questioned why Iraq should be invaded. “It was all about finding a way to do it. That was the tone of it. The president saying ‘Go find me a way to do this,’”'' says O'Neill in the book. »
“Surprise moyenne”, disons-nous, car il faut avoir une fort grande naïveté pour croire que la vindicte anti-saddamienne de l’équipe au pouvoir répond à une logique mesurable et quantifiable à partir de l’attaque du 11 septembre 2001 ; qu’elle serait née d’actes précis, de nécessités identifiées, d’appréciations stratégiques et humanitaires rationnelles. L’attaque contre Saddam s’apparente à une vendetta, une obsession défoulée, un acte-réflexe, une expression d’une affirmation exacerbée de puissance. Tout cela était à l’oeuvre bien avant 9/11 et avant l’élection de GW Bush, et avait envahi notamment tous les domaines de la droite républicaine (puisque c’est elle dont il est question, — les autres n’étant pas à épargner pour autant). Les néo-conservateurs avaient leurs plans, d’autres ne pouvaient pas imaginer autre chose que Saddam pour objectif d’une politique extérieure d’affirmation de puissance, d’autres encore identifiaient Saddam à une vindicte personnelle. Étaient à l’oeuvre les sentiments habituels, et certainement pas les analyses rationnelles, qui marquent un pouvoir en décadence : l’arrogance et la vanité, la rancune, la construction fantasmatique et l’idéologie utopique.
Il n’empêche, bien sûr, et pour en revenir aux réalités politiques : les révélations de Paul O’Neill font un peu désordre par rapport aux montages divers construits autour de l’attaque 9/11 et des affirmations diverses concernant les liens de Saddam avec Al Qaïda, les armes de destruction massive, etc. D’autre part, tous ces arguments égrenés depuis 9/11 se sont avérés faux avec une lumière extraordinaire, sans pour autant priver l’administration GW de son aplomb dans ses affirmations stratégiques et politiques. Dans ce contexte, les révélations de O’Neill complètent le tableau. Tout juste est-on intéressé d’apprendre qu’il existait, dès janvier-février 2001, un plan secret pour l’Irak d’après-Saddam. On aimerait en connaître la teneur, pour la confronter avec la situation sur le terrain.
Une autre confirmation apportée par les révélations de O’Neill concerne le désordre régnant dans l’administration GW, où une telle décision d’attaquer l’Irak semble n’avoir fait l’objet d’aucune appréciation particulière, d’aucune évaluation. On semble apercevoir une sorte de conciliabule général où tout le monde s’accorde sur le but de la chute de Saddam, sans s’attarder au “pourquoi” et en s’inquiétant du seul “comment”. Le désordre est confirmé par ailleurs, en même temps qu’un jugement extrêmement sévère à l’encontre de GW lui-même, mais aussi de son entourage. Ce point est repris partout, dans ce que le Financial Times qualifie de « remarkable personal attack » :
« President George W. Bush's performance at cabinet meetings resembled that of “a blind man in a room full of deaf people”, according to Paul O'Neill (pictured), who was fired as Treasury secretary in 2002.
» In the CBS Sixty Minutes interview Mr O'Neill, the former chief executive of the aluminium company Alcoa, says there was little constructive dialogue between officials and the president.
» Speaking about his first meeting with Mr Bush, which lasted about an hour, Mr O'Neill says: “I went in with a long list of things to talk about and, I thought, to engage [him] on. I was surprised it turned out me talking and the president just listening . . . It was mostly a monologue.” »
Confirmation là aussi sur la personnalité de GW : absent, peu intéressé par les grands problèmes inhérents à sa fonction, d’une faible personnalité de dilettante sans envergure, etc. Le tableau est connu. Le malheur est que cet homme immature, qui aurait pu prendre une autre direction dans d’autres circonstances, s’est trouvé confronté à l’exaltation patriotarde du 11 septembre qui l’a transformé en un prophète du Bien contre le Mal, c’est-à-dire ajoutant le simplisme apocalyptique de la prédication à son immaturité fondamentale.
Dans tous les cas, ces révélations éclairent d’une étrange lumière la scène de la soi-disant autorité d’une époque qui se veut assurée de son avenir et de sa puissance, et cet éclairage parfois avec des mots shakespeariens (on gardera celui-ci de O’Neill sur les réunions du cabinet, mettant après tout en accusation bien plus l’entourage de GW que GW lui-même : « a blind man in a room full of deaf people