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18 juillet 2003 — Le cas des relations entre les USA et le Royaume-Uni, célébrées par la médaille qu’a reçue Blair au Congrès, constitue un exemple particulièrement frappant des situations contrastées qu’établit aujourd’hui la virtualisation de la politique. Le contraste est frappant parce qu’il s’établit dans une situation de guerre qui est évidemment une situation de tension où les relations sont soumises à l’épreuve de la réalité. Ce contraste concerne effectivement la construction virtualiste des néo-“special relationships” entre Blair et GW Bush, essentiellement selon la volonté arrêtée de Blair de poursuivre coûte que coûte cette politique, par rapport à la situation réelle en Irak où les deux armées opèrent côte à côte.
• Le choix politique, essentiellement britannique, est frappant. La guerre d’Irak a provoqué encore une accélération du processus de rapprochement des Britanniques vers les Américains. Tout indique que c’est le conflit irakien et la politique suivie en fonction de ce conflit qui ont conduit Blair à modifier sa position sur BAE et l’industrie de défense britannique, jusqu’à envisager qu’une part essentielle de cette industrie, par le biais de BAE, soit absorbée par les Américains. La situation est semblable dans les projets structurels des forces armées britanniques, avec l’annonce le 27 juin par Geoffrey Hoon que les forces britanniques évolueraient vers une intégration effective dans les forces US. Le texte de George Monbiot reproduit par ailleurs sur ce site, met bien cela en évidence.
« But by far the most significant event passed without comment. Two weeks ago, the defence secretary, Geoff Hoon, told the Royal United Services Institute that he intends to restructure the British armed forces. As ''it is highly unlikely that the United Kingdom would be engaged in large-scale combat operations without the United States'', the armed forces must now be ''structured and equipped'' to meet the demands of the wars fought by our ally. Our military, in other words, will become functionally subordinate to that of another nation. »
• On ne peut que constater l’extraordinaire contraste entre ces décisions, qui renvoient directement à l’expérience de la guerre en Irak, et les conditions de cette guerre en Irak. Un texte de Brendan O’Neill publié le 17 juillet par le Christian Science Monitor met en évidence ce contraste. Les exemples sont nombreux, on les a suivis tout au long du conflit et depuis la fin de ce conflit, dans le désordre de l’après-guerre : les forces américaines et les forces anglaises ne s’aiment pas, opèrent mal ensemble, se soupçonnent l’une l’autre et ainsi de suite. Cette situation est bien résumée par cette anecdote citée par O’Neill : « British Lt. Alex MacEwen told The Times of London that his family had been right when they had warned him: “Don't worry about the Iraqis, it's the Americans you want to watch.” »
« The disparity between Bush and Blair's “joint commitment” over Iraq and the spats on the ground captures an essential truth of the Iraqi war — it looked good on paper, but the reality has been a lot uglier and more complicated.
» It is one thing for Bush and Blair to conjure up solidarity on the White House lawn, in a smiling ''coalition of the willing'' for the assembled press and photographers. But solidarity on the battlefield is a different matter. Soldiers need more than words and handshakes in order to feel united. In the midst of war, they need aims and goals, missions and time scales, to build wartime trust, friendship, and solidarity. Yet these things have been missing in the confused mess that is postwar Iraq — leaving coalition troops in disarray, squabbling like schoolchildren over who messed up most. »
Le plus étonnant dans ce contraste est qu’il y ait un lien de cause à effet qui soit établi entre ceux qui décident de la politique à Londres et l’enseignement du conflit irakien ; que les uns et les autres présentent quasiment comme un enseignement de la guerre en Irak la nécessité pour les forces britanniques et tout l’appareil de défense et de sécurité du Royaume-Uni de se rapprocher jusqu’à une quasi-intégration de l’appareil américain. (Le cas est semblable du côté de l’industrie d’armement : il semblerait que c’est à partir de l’expérience du JSF où ils n’ont rien par rapport à leurs espérances, en fait de coopération fondamentale, que les Britanniques jugent qu’il faut encore plus se rapprocher des Américains, — c’est-à-dire, là aussi, leur céder encore plus jusqu’à la totalité en matière de souveraineté nationale et d’autonomie). On voit bien l’extrémité absurde de la logique de cette politique : le jour où le Royaume-Uni sera le 51e État, peut-être les Britanniques seront-ils bien traités par les Américains puisqu’ils seraient alors traités en Américains.
Le raisonnement habituellement suivi pour apprécier une politique est, dans ce cas, complètement impuissant. Ce qui est à juger n’est pas la politique elle-même (fondée ou pas, juste ou pas) mais la méthodologie appliqué. Il s’agit d’un cas d’une complète virtualisation d’une politique de sécurité, déjà signalé par ailleurs, dans une autre situation montrant que cette démarche touche la bureaucratie britannique elle-même — on pense certes au cas signalé par Charles Grant, qui concerne l’évaluation de la politique britannique vis-à-vis de la France pendant la crise de l’ONU de janvier-mars 2003. Cette diversité des situations confirme qu’il s’agit de méthodologie et non pas des seules relations avec les USA, puisque Grant décrit le cas des relations avec la France. Là où les USA sont constamment présents, et la cause essentielle de la virtualisation de la politique britannique, c’est dans l’image virtualiste qui en est entretenue par les Britanniques. L’affaire irakienne est exemplaire : on dirait que l’équipe Blair a tiré comme leçon de la guerre en Irak que l’Amérique est effectivement une puissance extraordinaire à laquelle rien ne résiste, et que l’intérêt britannique est de s’y rallier de toutes les façons. Tirer cet enseignement de ce qui s’est passé et de ce qui se passe en Irak depuis le 19 mars décourage effectivement toute discussion. Les Britanniques raisonnent aujourd’hui hors de la réalité du monde. C’est du virtualisme pur. La seule question intéressante est de savoir s’ils vont revenir à la réalité, et, si la réponse est positive, de savoir quand et comment cela se fera.