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630927 ocvtobre 2023 (15H10) – J’ai bien souri et même un peu ri, et je m’en vais vous dire pourquoi. Je regardai une conversation à trois, Mercouris-Christoforou & Jeffrey Sachs lorsque, autour de la dixième minute, Sachs en super-forme d’attaquant, sort en rigolant un exemplaire du dernier ‘Foreign Affairs’ qu’il vient de recevoir (édition novembre-décembre 2023). Exultant, Sachs nous confie qu’il a trouvé, comme article de tête, un article de Jake Sullivan, le précieux conseiller du dynamique Biden, – d’ailleurs, un “essai” bien plus qu’un article, inculte et irrespectueux ne suis-je ! – dont le titre est, comme on l’avait déjà dit sans savoir qu’il s’agissais du titre d’un “essai” :
« Le Moyen-Orient n’a jamais été aussi calme depuis plusieurs décennis »
Bouclé le 4 octobre (d’après la date du texte) mais imprimé le 20-24 octobre, le titre devenait pas terrible, un peu gênant, pas très illustratif de la vision fulgurante du conseiller. Vous voyez pourquoi ? Sachs, lui, a vu pourquoi. Abonné privilégié, il a reçu l’exemplaire de l’impression originale, alors que vous verrez en consultant la revue que le premier “essai”, effectivement de Sullivan, a changé de titre (« Les sources de la puissance américaine ») et aussi un peu beaucoup de texte, avec cet avis discret en fin de texte, que je vous laisse en langue originale, en indiquant que le PdF donne un texte avec le titre modifié, – travail de faussaire trop hâtif, mais de toutes les façons les abonnés ont compris...
« EDITOR’S NOTE
» Before this article was posted online, a passage in it about the Middle East was updated to address Hamas's attack on Israel, which occurred after the print version of the article went to press.
» (Updated on October 25) A PDF of the print version, which went to press on October 2, is available here. »
Si vous voulez plus de détails, consultez donc l’irritant RT.com, qui consacre un article à ce tour de passe-passe pour défendre l’honneur jusqu’alors intact de la vista prospectiviste, ou plutôt journalistique, du conseiller de Biden. (Plusieurs lecteurs de cet article déplacé témoignent du fait qu’on a coupé certains passages un peu ridicules du texte initial, – censure pour l’honneur toujours, et certainement agréée, mon cher Jake.) Dans tous les cas, cette affaire somme toute légère par rapport au cœur de mon sujet nous a amenés au duo Mercouris-Christoforou, avec lequel nous allons rester un bout de temps. On comprendra alors que ce qui débuta d’une façon un peu bouffe cingle toutes voiles dehors vers la tragédie, – tragédie-bouffe, certes.
Je fais référence surtout à deux textes du type ‘TheDuran’, où les deux compères interviennent ensemble sur le même thème : un du 23 octobre (« Les neocon ne peuvent être stoppés, ils auront leur guerre »), un du 26 octobre (« La guerre neocon de Biden se fait assourdissante »). Les deux arrivent au constat que nul ne peut s’opposer aux neocon à Washington, où ils exercent une sorte de fascination magique (bien au-delà du seul fric, soyez-en sûrs) en plus d’un arrangement de pouvoir remarquable (Sullivan, Blinken, Nuland, Austin qui ne pense rien, Biden qui pense aux cornets à glace à lui promis en cas de victoire) ; que leur but désormais affiché est d’attaquer l’Iran directement et sans barguigner ; que les moyens de cette guerre sont en train d’être activés, avec l’envoi massif de forces et de renforts, et de deux groupes de grands porte-avions d’attaque supplémentaires. (Cela en fera quatre, quasiment un rassemblement maxi si l’US Navy veut maintenir une présence ultra-minimale dans deux ou trois autres points ultra-stratégiques des grandes mers et des vastes océans.)
... Et moi, c’est la première fois que j’ai entendu (le 23 octobre) ce dialogue des deux commentateurs, avec ces mots définitifs de Mercouris, l’hyper-diplomate par excellence qui pèse tous ses mots en phrases si prudentes, conduit à reconnaître avec force l’impasse et l’impuissance où l’on se trouve, – et à en tirer la terrible conséquence. Je vous retranscris un dialogue, et sans doute les termes ne sont-ils pas précisément exacts mais croyez-moi, l’esprit y est, et surtout cette phrase définitive de Mercouris “leur ficher une raclée” (« a bloody nose »)
« Mercouris : Les neocons sentent qu’ils perdent, – l’Ukraine, l’économie, l’influence...Leur grande dernière chance d’affirmer la prééminences américaines, évidement au prix d’une guerre générale... C’est le cas de gens que rien ne pourra freiner, rien ne le permettra... C’est tout ou rien...
Christoforou : Qu’est-ce qu’il est en train d’arriver ?
Mercouris : Ce n’est pas freiner l’offensive, mais rassembler des forces pour attaquer... Même en Ukraine... Une vingtaine de missiles ont été tirés contre une base russe, mais 15 ont été abattus... Ce n’est pas confirmé mais on sent bien qu’une mobilisation massive...
Christoforou :Mais que va-t-il se passer ?
Mercouris : Ils vont avoir ce qu’ils veulent, leur vraie guerre.
Christoforou :Mais comment les arrêter, les freiner décisivement, comment faire ?
Mercouris : Simplement en leur donnant ce qu’ils veulent, leur guerre, et leur ficher une raclée (“bloody nose”)
Christoforou :Mais c’est terrifiant !
Mercouris : C’est terrifiant, mais ils n’entendent rien... »
Ainsi le jugement tend à se retourner selon l’orientation que prennent les évènements (ces évènements qui nous mènent, toujours les mêmes). Jusqu’alors, le freinage de l’offensive terrestre à Gaza était mis au compte soit de désaccords chez les Israéliens, soit de pressions US dans ce sens, soit les deux ; désormais on envisage l’hypothèse qu’il s’agit de laisser le temps aux américanistes d’amener leur quincaillerie, leurs batteries anti-aériennes, leurs missiles d’attaque, leurs gros porte-avions, – et à la grâce de Dieu pour les ‘Kinzhal’ – pour appuyer l’offensive israélienne.
Appuyer une offensive terrestre de cette sorte avec un tel matériel ? On en doute. C’est là qu’intervient l’hypothèse de plus vastes plans pour satisfaire les neocon, dans lesquels on trouve une intervention contre l’Iran. Ce cas est bien entendu tragique car une telle intervention amènerait non seulement une extension de la guerre mais la possibilité, sinon la probabilité d’une implication directe de la Russie, – une guerre régionale générale, peut-être bien pire....
L’argument, ou plutôt l’absence d’argument de Mercouris pour envisager une voie pour un certain arrangement, est une idée qui est fermement dans notre esprit, et encore plus profondément dans mon esprit. Elle se trouve symbolisée dans ces phrases fameuses que je ne cesse de remettre en ligne (braves lecteurs qui supportent ces répétitions), et des phrases qui viennent de personnalités (sauf une) profondément américanistes, profondément croyantes dans l’espèce de vertu exceptionnelle de l’Amérique ; et observez dans ces phrases combien ils embrassent parfaitement le destin de l’Amérique, manifestement en ne doutant pas, au fond d’eux-mêmes, de son issue.
« Si la destruction devait un jour nous atteindre, nous devrions en être nous-mêmes les premiers et les ultimes artisans. En tant que nation d’hommes libres, nous devons éternellement survivre, ou mourir en nous suicidant. » [Abraham Lincoln, président]
« Je le répète, la seule vraie nationalité des Etats-Unis d'Amérique, leur union profonde, si nous devons un jour affronter une crise, ne se trouvera pas dans la loi écrite (comme on le suppose généralement) ni dans l'intérêt particulier de chaque citoyen, ni dans l'intérêt matériel et pécuniaire commun à tous, mais dans l’‘idée’ fervente et exaltante qui, dans sa flamme puissante, fondra les éléments divers de ce grand pays et les transformera en force spirituelle.
» Les États-Unis sont destinés à remplacer et à surpasser l'histoire merveilleuse des temps féodaux ou ils constitueront le plus retentissant échec que le monde ait jamais connu”. » [Walt Whitman, poète]
« Il y a trois ou quatre scénarios possibles de l’effondrement de l’empire. Une possibilité est une guerre contre l’Iran... » [Thomas Naylor, néo-sécessionniste du Vermont]
C’est encore mieux, tout ça, si cela permet un atterrissage en douceur du Prophète, – ce projet, comme une idée développée par la CIA selon un scénario hollywoodien inspiré par Joe Biden. Cette tragédie est tellement de nos tristes-temps et cul par-dessus tête qu’il est bien difficile de la traiter comme un objet de dérision malgré les ingrédients qui y invitent.