Les projets européens si anti-américanistes d’une présidence française si pro-américaniste

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A l’occasion de la rencontre Merkel-Sarkozy, le ministre français Hervé Morin donne une interview à la FAZ (Frankfurter Allgemeine Zeitung). EUObserver.com d’aujourd’hui nous en fait un rapport succinct. La chose est dominée par une confirmation: la défense européenne sera un point central, fondamental, voire révolutionnaire de la présidence française de l’UE en juillet-décembre 2008.

«In an interview with German newspaper Frankfurter Allgemeine Zeitung, French defence minister Hervé Morin said that Paris will put defence high on the agenda when it takes over the rotating presidency of the EU in the second half of 2008.

»Mr Morin described European defence as an “absolute priority” which is at least as important for European integration as the EU's common currency, the euro.

»“With the common currency, we have created a strong symbol for Europe. But nothing can better express the European community of fate than common defence, a common sense of Europe's threats and security interests,” he said.

»“A kind of European conscience can grow over the question where, if need be, we want to defend our values with weapons,” he stated. “This is why during the presidency of the European Council in the second half of 2008 we would like to press ahead with a Europe of defence.”

»Mr Morin said Paris is still “co-ordinating” with its EU partners what its presidency agenda would mean in practical terms, but said “independent crisis capacities” for Europe would be one key goal.

»“An own planning staff in Brussels forms part of our ideas, as well as the development of a European security strategy for the coming years,” he said.

»“I could also imagine a sort of military Erasmus programme with an institutionalised exchange of professional soldiers within the EU. Of course this would require a harmonization of military education, at least at the start of careers.”»

L’article met en évidence les réactions de défiance des Britanniques devant ces projets, ce qui n’est pas pour surprendre. Toute idée d’état-major européen intégré (type-Tervueren, comme Français, Allemands, Belges et Luxembourgeois avaient envisagé en avril 2003) met en effet les Britanniques en transe. D’autre part, l’article rappelle la force de l’engagement de Sarkozy dans cette voie européenne, et combien cette intention est liée à ses intentions vis-à-vis de l’OTAN: «Speaking before the US Congress last week, Mr Sarkozy said “NATO cannot be everywhere...The EU must be able to act.” “I say it here before this Congress,” he stated. “The more successful we are in the establishment of a European defence, the more France will be resolved to resume its full role in NATO.”»

Le cas est exemplaire et il va devenir explosif. Ce président, le plus pro-américaniste qu’ait eu la Vème République, présente le projet européen le plus anti-américaniste qu’on puisse imaginer (même si personne ne le dit et si très peu osent le penser, – mais telle est bien la réalité: une défense européenne indépendant est un scandale non-négociable pour les USA). C’est une formidable illustration de l’ambiguïté de la présidence Sarko, et d’autant plus que sont liés les deux projets défense européenne-retour dans l’OTAN, deux projets également complètement antagonistes selon la liturgie atlantiste et la pensée servile transatlantique courante. Cette ambiguïté sarkozyste n’est nullement faussaire ou machiavélique. Elle ressort d’une conception logique et juste, mais complètement irréaliste en raison de la puissance et de la psychologie US, des rapports entre la France et les USA tels que voudrait les voir évoluer Sarko. Si les choses continuent à ce rythme, le président le plus pro-américaniste de la Vème République nous conduit à la crise franco-américaniste (et euro-américaniste, espérons-le) la plus dévastatrice des annales de la Vème République. Tout cela, en toute ingénuité.


Mis en ligne le 13 novembre 2007 à 13H23