Les quatre vérités de Karzaï

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Le président Karzaï fait flèche de tous bois. Ses interventions sont désormais caractérisées par une critique implicite virulente du comportement de ses alliés occidentaux. D’une façon générale, les seuls qui semblent échapper en partie à sa vindicte sont désormais les… talibans. Cette attitude répond à des critiques diverses et nombreuses, lancées contre lui par ses alliés justement, notamment et précisément par les USA. Tout cela rend compte de l’habituelle évolution de la situation, où les “partenaires” réunis par leurs intérêts chaotiques, des rapports de corruption et d’allégeance achetée, un catéchisme de valeurs “morale” sans la moindre substance et une totale absence de sens politique, n’ont entre eux aucune solidarité politique, aucune coordination tactique, et émettent en général des jugements caractérisés par le mépris et l’incompréhension réciproques.

L’interview que Karzaï a donné le 2 juin au Spiegel est d’un réel intérêt. Les questions sont incisives, les réponses à mesure. Karzaï ne cache pas les pratiques diverses de corruption, les interférences de ses “alliés” et une certaine admiration qu’il professe pour les talibans. La personnage n’en est pas grandi pour autant mais, après tout, il ne vaut pas moins en substance que la plupart de nos bonshommes politiques; et lui, au moins, ne nous accable pas d’ennui et de médiocrité avec un discours chargé d’une vertu standardisée et homogénéisée, absolument insupportable.

Nous choisissions ce passage avec ces quelques questions. On y trouve suffisamment d’éléments pour nous offrir une bonne description de la situation en Afghanistan. On y trouve l’admiration de Karzaï pour les talibans en tant que soldats, les critiques de Karzaï envers les Occidentaux (les USA) pour avoir soutenu et renforcé les positions des “seigneurs de guerre” corrompus jusqu’à la moelle, la justification par impossibilité d’agir autrement de cette même corruption utilisée pour entretenir ces mêmes “seigneurs de guerre”. On peut comparer l’interview avec les jubilations triomphantes des généraux de l’OTAN si contents d'eux-mêmes et commencer à se demander s’il y a pas, quelque part dans cette affaire, quelque chose de pourri.

SPIEGEL: «Some of your closest aides are suspected of stealing land, drug smuggling and having illegal militias, among them respected governors and police chiefs. Your attorney general, Abdul Jabar Sabet, just named a few of them, including the governor of Nangarhar. Why do you still protect these people?»

Karzai: «I am not protecting anybody. We are trying to govern Afghanistan and bring peace and stability. I know about the problems with the police. The international community finally agreed after two years of very intense and angry negotiations that the police are a problem and in the middle of 2007 they began to work with us. The checkpoints on the roads, for example, were developed during the years of the Soviet invasion, a time when the country became lawless and each local commander set up his own checkpoint to collect money.»

SPIEGEL: «During the Taliban times there were no checkpoints at all.»

Karzai: «That was the best aspect of the Taliban. They did a lot wrong, but they also did a few things right. I wish I had the Taliban as my soldiers. I wish they were serving me and not people in Pakistan or others. When we came back to Afghanistan, the international community brought back all those people who had turned away from the Taliban …»

SPIEGEL: «… you mean the brutal commanders who fought in the civil war …»

Karzai: «… who then became partners with the foreign allies and are still paid by them today for their support. It is not always easy for me to find a way that can enable Afghanistan's administration to function. »

SPIEGEL: «Dirty deals are still necessary for the stability of Afghanistan?»

Karzai: «Absolutely necessary, because we lack the power to solve these problems in other ways. What do you want? War? Let me give you an example. We wanted to arrest a really terrible warlord, but we couldn't do it because he is being protected by a particular country. We found out that he was being paid $30,000 a month to stay on his good side. They even used his soldiers as guards …»


Mis en ligne le 5 juin 2008 à 19H17