Les Russes à Varsovie à la mi-janvier: on parlera anti-missiles

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Si l’on considère les habitudes des rapports d’influence et les méthodes habituellement employées entre alliées occidentaux, c’est une nouvelle sensationnelle qui arrive de Pologne. Les Russes vont envoyer une délégation à Varsovie, sans doute à la mi-janvier, pour discuter de la question des anti-missiles US (le système BMDE). D’ores et déjà, cet énoncé doit nous paraître peu ordinaire et nous faire mesurer l’évolution de la situation: Russes et Polonais parlant ensemble d’un système de défense américain, sans les Américains.

AFP (Defense News du 28 décembre) présente l’information, avec d’autres précisions:

«“The delegation will arrive in mid-January,” Piotr Paszkowski, Poland’s foreign ministry spokesman, told AFP. A report in the Friday edition of Poland’s leading Gazeta Wyborcza daily pegged Jan. 14 as the arrival date.

»Led by Russia’s deputy minister of foreign affairs Sergei Kisliak, the officials are expected to discuss Russia’s vehement objections to the U.S. project, which Moscow has termed a grave threat to Russian national security. […]

»Poland’s new liberal government wants to “better understand” Russia’s arguments against the U.S. plan, Polish Foreign Minister Radoslaw Sikorski told Polish Radio on Dec. 28.

»The previous conservative administration of Prime Minister Jaroslaw Kaczynski refused to listen to Moscow’s objections, insisting Poland — an EU and NATO member — had the sovereign right to engage in negotiations with Washington on the project.

» “This is an American installation, and the United States have taken upon themselves the heavy task of convincing Russia,” Sikorski said Dec. 28.

»Elected in an Oct. 21 snap parliamentary ballot, Poland’s new liberal Prime Minister Donald Tusk told TVN24 commercial news channel he wanted to visit Washington when negotiations on the missile defense plan reach a significant stage.

»“I want to visit Washington at a moment when we will reach an (important) stage, so we can tell Poles something,” Tusk said. “I don’t foresee a public referendum on this issue, but I am committed to making a responsible decision, which Poles understand and accept.”»

Jusqu’ici, la situation de cette fausse-vraie crise des BMDE était confinée à un dialogue crispé USA-Russie, avec tous les acteurs européens figés dans des attitudes d’indifférence feinte ou/et de prudence mesurée, d’hostilité affichée (contre les Russes) et d’alignement automatique sur les USA. Curieuse situation pour une affaire qui concerne la sécurité européenne. Mais les Polonais ont complètement changé d’attitude, passant de l’hostilité anti-russe et l’alignement sur les USA, à une attitude autonome d’examen direct du problème, notamment avec ceux qui ont jusqu’ici le plus vigoureusement dénoncé les plans US. L’attitude polonaise est dictée par diverses considérations qui ressortent du réalisme, notamment la prise en considération de l’opinion polonaise majoritairement opposée au déploiement des anti-missiles. Des affirmations de Tusk sont fort ambiguës, notamment celle où il affirme qu’il n’ira à Washington que lorsque la question du BMDE aura atteint “un stade significatif”, – cela signifie-t-il un accord entre la Pologne et la Russie, ce qui serait un comble?

Quoi qu’il en soit, cette évolution crée une situation sans précédent. L’habitude au sein de l’alliance occidentale a toujours été que les grandes questions de sécurité collective européenne étaient directement et exclusivement traitées par les USA avec la Russie (l’URSS précédemment). Cela fait partie de l’habituelle tactique de la soumission européenne aux USA, peinturlurée d’arguments sur les impératifs de sécurité durant la Guerre froide. Il y a eu l’une ou l’autre dérogation fameuse, l’une ou l’autre “dissidence” venues en général d’une puissance européenne et plus ou moins bien supportées par Washington: les Britanniques, de façon très surprenante, avec un Churchill très vieillissant jouant un curieux jeu personnel avec Moscou en 1953-54; les Français, bien sûr, de façon systématique depuis de Gaulle; les Belges (qui ne sont pas une puissance européenne…) avec l'Europe de l'Est plus qu'avec la Russie, de façon épisodique et discrète, et également d’une façon très surprenante (à la fin des années 1960 et à la fin des années 1980); les Allemands depuis l’Ostpolitik de Brandt.

Dans le cas polonais, le retournement est spectaculaire parce qu’il est affirmé avec ostentation, qu’il est présenté publiquement et que tout cela apparaît finalement comme une affirmation d’autonomie vis-à-vis de Washington. Les Polonais laissent bien voir, là aussi sans complexes, qu'il s'agit d'une initiative à la fois de souveraineté nationale (polonaise) et de bonne conduite européenne. Il est possible que Washington, préoccupé par le Pakistan, ne se soit encore aperçu de rien.


Mis en ligne le 29 décembre 2007 à 10H22