Les Russes déminent en Libye (et ailleurs…)

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Des sources russes dans notre bonne “capitale européenne” (Bruxelles) ont donné des indications générales intéressantes sur l’état de la mission russe de conciliation en Libye. Ces résultats sont satisfaisants et les Russes se montrent optimistes sur l’évolution de la situation, du moins de leur point de vue et pour ce qui concerne cet aspect de la crise, – les négociations elles-mêmes.

(La situation militaire elle-même est considérée de plus en plus comme bloquée. Une analyse de UPI du 17 juin 2011 présente une appréciation typique de la situation, sous le titre peu encourageant de « NATO, Europe face impasse on Libya». Le point de vue est tout à fait différent, on le comprend, de celui des négociations, sinon opposé ; la paralysie grandissante de la situation opérationnelle renforce l’option des négociations.)

Les sources russes indiquent que des négociations entre rebelles anti-Kadhafi (CNT) et le camp Kadhafi sont en cours, qu’elles sont actives et qu’«elles marchent bien». Les appréciations données par ces sources sur le sort de Kadhafi sont assez vagues et parlent même d’éventualités telles que celle de trouver au dirigeant libyen, au moins temporairement, une sorte de “poste honorifique” qui sauverait la face de son côté tout en satisfaisant le camp opposé. Il semble d’autre part que le côté du CNT doive de plus en plus mesurer la relativité du soutien occidental (de l’OTAN), qui tarde évidemment à donner des résultats décisifs avec ses paralysies bureaucratiques, ses faiblesses opérationnelles et sa confusion politique, qui est de plus en plus entaché de diverses incertitudes (la situation à Washington n’est pas la moindre de ces incertitudes).

Les Russes estiment qu’ils ont en général le soutien des Africains dans leurs démarches, voire d’autres pays jouant un rôle intermédiaire peu favorable au principe de l’intervention (éventuellement, un pays comme la Turquie). D’une façon générale, on distingue, selon l’appréciation des Russes, des positions qui commencent à être différentes dans le camp des interventionnistes américanistes-occidentalistes. Les négociateurs russes n’apprécient guère la position britannique, qu’ils perçoivent comme bloquée, arrogante, complètement improductive («Il est vraiment très difficile de parler avec eux»). On retire plutôt l’impression d’une direction politique (britannique) bloquée sur ses préjugés, sur le souvenir d’une diplomatie efficace et influente, voire des illusions impériales ou des illusions anglo-américanistes, une direction habituée à une position dominante, qui ne parvient pas à s’adapter à la situation d’un pays frappé par la crise et effectivement privé d'une grande partie de sa capacité traditionnelle d’influence. Les Britanniques gardent donc précieusement leurs défauts (arrogance, sentiment de supériorité, etc.) en n’ayant plus guère de leurs anciennes capacités et qualités d’action. (On appréciera dans le même sens la sortie de Cameron affirmant lors d'une séance aux Communes que les Malouines resteront britanniques “point final”, avec la réaction furieuse et méprisante de la présidente argentine Kirchner [«Kirchner said Britain “continues to be a crude colonial power in decline”»], alors que le Royaume-Uni est aujourd’hui totalement incapable de mener une campagne similaire à celle de 1982.) Le côté US est, lui, paralysé par le conflit intérieur à Washington, entre l’exécutif et le Congrès, justement à propos de l’intervention US dans le conflit libyen.

Les Français devraient commencer à évoluer vers une position plus conciliante, résultat du blocage de la situation opérationnelle entraînant une sorte de “fatigue libyenne”. Il est probable que Sarkozy, qui agit sur des impulsions aussi courtes d’effet qu’elles sont agressives sur l’instant, soit également en train d’évoluer, – “fatigue libyenne” là aussi, avec sans doute l’argument supplémentaire que BHL va partir en vacances. D’autre part, les Français, y compris Sarkozy, ont constamment cherché à ménager les Russes dans l’affaire libyenne, et sont donc attentifs à la mission russe de conciliation. (Ce climat favorable est encore renforcé, après la signature, vendredi, du contrat définitif pour la livraison de deux porte-hélicoptères type Mistral, avec la précision que les Français acceptent le transfert de technologies qu’exigeaient les Russes.)

Si les négociations menées par les Russes continuent dans le sens évoqué, il arrivera donc un moment où se posera la question de l’arrêt, au moins sous la forme d’un cessez-le feu temporaire d’abord, des hostilités, et notamment des bombardements otaniens. Il s’agirait d’un moment bien délicat, puisque, selon cette approche théorique et à moins d’événement imprévu, Kadhafi pourrait être, toujours ou encore, dans une situation de direction. C’est une perspective intéressante, qui risque de poser un problème de prestige politique dans le camp américaniste-occidentaliste, d’attiser les désaccords dans ce camp, d’introduire une situation délicate au sein de l’OTAN. Il est évident que les Russes, et les autres, songent surtout à ce moment, qui constituera le double négatif des quelques jours “exaltants” de l’engagement contre la Libye, autour du 19 mars. On aura alors la vision exactement inverse de l’image dynamique et entreprenante, extrêmement rapide et décisive, qu’a voulu alors donner le bloc BAO, France en tête, à cette occasion. Ce sera un retour aux réalités d’une situation de crise générale, d’une diplomatie paralysée, de la vanité du recours à la force excessive et précipitée, tout cela caractérisant effectivement la situation américaniste-occidentaliste.

Du côté russe, il semble que l’évolution actuelle, le rôle des Russes dans les négociations tel qu’il est perçu, contribuent à rétablir l’image d’une diplomatie russe retrouvant sa ligne indépendante suivie depuis les années 2005-2006 après quelques incertitudes en 2009-2010, et assez efficace pour cela. Il nous semble également évident que les événements des dernières semaines ont joué leur rôle dans ce sens, avec notamment la mise en lumière graduelle, pour la partie russe, que les USA autant que l’OTAN jouent un jeu extrêmement dissimulé et nocif pour eux dans l’affaire des anti-missiles en Europe (BMDE), qui a retrouvé toute son caractère déstructurant pour la situation en Europe.


Mis en ligne le 21 juin 2011 à 08H39

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