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875Pour les Russes, la décision de l’OTAN de ne pas ouvrir la voie à une adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine est une “victoire géopolitique”. La même réunion de l’OTAN (ministres des affaires étrangères, 2 et 3 décembre) a décidé la reprise des contacts réguliers entre l’OTAN et la Russie, fermant la parenthèse de la crise géorgienne, ouverte le 7 août dernier, sans aucune des concessions essentielles que l’OTAN demandait aux Russes (notamment dans l'affaire de la reconnaissance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud). Les Russes ne cachent pas leur satisfaction, exprimée de diverses manières, plus ou moins diplomatiquement.
D’abord, la réaction du représentant de la Russie auprès de l’OTAN, Dmitri Rogozine (qui devrait rencontrer le secrétaire général de l'OTAN “dans les jours prochains”), – le 3 décembre, sur Novosti :
«La Russie est prête à relancer le dialogue avec l'Alliance de l'Atlantique Nord (OTAN) dans le cadre du Conseil Russie-OTAN, a déclaré mercredi à Bruxelles le représentant permanent de la Russie auprès de l'OTAN Dmitri Rogozine. “L'OTAN fait un pas vers la Russie et il serait irresponsable et irréfléchi de notre part de ne pas le noter”, a indiqué M.Rogozine commentant la décision des ministres des Affaires étrangères de l'OTAN réunis à Bruxelles de charger le secrétaire général de l'Alliance Jaap de Hoop Scheffer de reprendre les contacts informels avec les représentants de la Russie.»
Les échos sont également favorables du côté du ministère des affaires étrangères, du côté de Medvedev ou du côté de Poutine. Des sources moins “autorisées” ou moins officielles donnent des appréciations plus abruptes sur cette évolution occidentale.
Il y a les opinions d’experts interviewés également par Novosti, qui situent cette amélioration des relations avec l’OTAN notamment au niveau des pressions diverses exercées sur les Occidentaux. Il y a les affaires d’Afghanistan et des missiles Iksander que les Russes menacent de déployer à Kaliningrad, ces faits étant présentés comme les causes de l’évolution occidentale. (Selon une dépêche Novosti du 4 décembre.)
«“Si l'OTAN le veut vraiment, elle peut entamer une coopération réelle et intense avec la Russie. Dans le futur il faut mettre le cap sur l'édification d'un système solide de sécurité européenne avec la participation des deux parties, basé sur des décisions communes visant son perfectionnement”, a déclaré jeudi lors d'une conférence de presse à RIA Novosti le directeur du Centre russe des évaluations stratégiques Sergueï Oznobichtchev, citant en exemple la mission de l'OTAN en Afghanistan qui répond aux intérêts de Moscou et favorise la sécurité des frontières méridionales de la Russie.
»Cette opinion est partagée par le spécialiste de l'Académie des sciences de Russie Vladimir Evseev, qui avoue que la coopération avec l'Alliance en tant qu'organisation militaire n'est possible que si les intérêts russo-otaniens sont réciproques. “Il a suffi que la Russie se déclare prête à déployer des systèmes de missiles Iskander à Kaliningrad pour que les Etats-Unis fassent des concessions”, a-t-il noté.»
Nous signalons également des déclarations du président du Comité pour les Affaires internationales du Conseil de la Fédération Mikhaïl Marguelov, qui situent l'importance de l'enjeu et la position de l'OTAN (dans Novosti toujours, le 4 décembre encore).
«La décision de l'OTAN de relancer le dialogue avec la Russie et de refuser le MAP à l'Ukraine et la Géorgie signifie que l'Alliance est prête à des concessions considérables vis-à-vis de Moscou, estime le président du Comité pour les Affaires internationales du Conseil de la Fédération Mikhaïl Marguelov. “L'initiative du dialogue émane de l'OTAN, Bruxelles a donc besoin de coopérer avec Moscou”, a indiqué jeudi à RIA Novosti M.Marguelov.
»Selon le sénateur russe, le refus d'intégrer l'Ukraine et la Géorgie au MAP est une concession géopolitique. Prochainement, les Etats-Unis, leader de l'OTAN, auront un nouvel ennemi: l'Afghanistan prendra la place de l'Irak. “Mais, sans de bonnes relations avec la Russie, les opérations à côté de ses frontières resteront sans succès”, a fait savoir M.Marguelov. Selon lui, le couloir de transport qui part de l'Europe et traverse la Russie pour rejoindre l'Afghanistan ne peut pas être remplacé.»
Nous ne signalons pas ces diverses déclarations pour former un corps d’information précis mais pour caractériser un climat chez les Russes. Pour cela, la consultation de sources variées est utile, et la concordance des analyses est révélatrice. Pour les Russes, les décisions de l’OTAN sont une victoire qui provient aussi bien de la fermeté de leur politique que des atouts dont ils disposent, qui ont pris tout leur poids à cause des risques inconsidérés pris par les Occidentaux.
Plus encore, le ton des déclarations, celles-ci et d’autres, les assurances données de divers côté, notamment du côté de Medvedev, que l’on va vers une amélioration des relations, non seulement avec l’UE mais avec les USA, conduisent à penser que les Russes ont des garanties. Ils semblent notamment avoir des garanties de la part de la nouvelle administration Obama, pour une détente de la situation en Europe et dans les rapports entre les USA et la Russie. Il y a certes la question de l’Afghanistan, où les USA voudraient l’aide des Russes s’ils en font leur front principal, mais il y aurait surtout la volonté du President-elect d’avoir les mains libres partout où il le peut pour mieux se concentrer sur la crise intérieure des USA.
C’est l’analyse des Russes et, jusque là, tous les éléments disponibles semblent la conforter et la justifier. La situation est telle que la Russie commence à apparaître comme le grand vainqueur de la crise entre elle et l’Occident, à la suite de la crise géorgienne. Le constat est alors inévitable de mesurer la vacuité et la sottise de la politique, ou l’ersatz de politique suivie par le couple OTAN-administration Bush durant la crise géorgienne, basée sur la vanité et l'illusion, la dénonciation tonitruante et insultante, les menaces sans moyens de les mener à bien, etc.; ersatz de politique provocatrice appuyée sur aucune force réelle, désapprouvée par nombre des “alliés” initialement contraints de s’engager dans cette dynamique, et qui ont déserté en masse depuis, jusqu’à ces décisions de l’OTAN qui constituent son enterrement définitif. On a du mal à choisir entre la complète maladresse et l’aveuglement entêté pour définir une telle politique, – politique de force sans force, politique d’accusation sans preuves, politique de croyance virtualiste à sa propre propagande, politique de soutien absurde et inconditionnel à un président géorgien suspect et irresponsable, qu’on abandonne ensuite sans armes ni bagages, comme on l’a fait mardi à Bruxelles, au siège de l’OTAN.
La façon dont l’Occident a donné à la Russie les cartes principales pour assurer la position de force qu’elle a aujourd’hui dans les relations que l’Occident doit reprendre avec elle est un chef d’œuvre de non-diplomatie, un artefact exemplaire d’une politique conçue “par un idiot et qui ne signifie rien”. On se demande si le soupçon d’“agent de Moscou”, que de fidèles penseurs en humanisme et fins limiers de la stratégie postmoderne songeraient à décerner à Sarkozy, n’irait pas mieux à Bush et aux stratèges “neocons” et “néo-Guerre froide” de la clique atlantiste. Ceux qui limitent les dégâts dans cette opération sont bien sûr les Européens qui, les premiers, ont voulu rétablir le dialogue avec la Russie (la France d’abord, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, etc.), instaurant une orientation politique avec un sens et une logique.
Mis en ligne le 4 décembre 2008 à 18H18
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