Les sanctions contre l’Iran - la Russie à bord?

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La diplomatie occidentale, lorsqu’il s’agit des sanctions contre un Iran nucléaire dont nul ne sait s’il l’est et quand il le sera, et s’il le sera, tourne avec constance au grotesque le plus complet. Tout s’en mêle, les centrifugeuses qui pullulent, Israël et ses 200 armes nucléaires menacé d'être rayé nucléairement de la carte par un pays qui n’a pas d’arme nucléaire, l’Holocauste et sa négation à partir de traductions bidouillées de discours du président iranien, au point qu’on pourrait voir la chose (‘“négationnisme”, adaptation d’un bidouillage de traduction) comme un acte d’agression diplomatique, sinon un acte d’agression tout court (méritant une riposte nucléaire massive, pourquoi pas?). Tout cela pêle-mêle, et dans la plus extrême confusion, devait être prononcé par notre-Président Nicolas Sarkozy et ne l’a peut-être pas été dans ces termes – qui sait? – mais il a dû y penser très fort... La diplomatie occidentale – particulièrement la française, énervée à l’image de son président – est prisonnière de la paranoïa d’une direction israélienne totalement coupée des réalités, elle devient elle-même grotesque encore plus que paranoïaque dans cette affaire. Elle vaut donc Kadhafi à cet égard, qui a tenu l’assemblée de l’ONU éveillée, ou endormie c’est selon, pendant un discours de 90 minutes prises sur les 15 minutes autorisées, et tout cela loin de sa tente habituelle.

Ci-dessous, les explications françaises sur le brio diplomatique de l’intervention du président lors de la conférence de l’ONU sur la non-prolifération, qu’il présidait semble-t-il, dont on ne sait pas très bien exactement en quels termes elle (l'intervention) fut exprimée, sauf qu’elle était, bien entendu, extraordinairement dure et littéralement terrible. Ce texte AFP du 24 septembre 2009 mérite d’être offert en l’état par ce qu’il montre d’ordre de la perception, de rigueur de la pensée, de mesure dans l’action, de lucidité dans la résolution, tout cela caractérisant la diplomatie sarkozo-kouchnérienne avec la longue-vue de de Charles Gravier, comte de Vergennes. Une posture, comme on dit, bien parisienne, à défaut d’être française.

«La présidence française a prôné jeudi à l'ONU à New York “des sanctions massives dans les domaines financier et énergétique” à l'encontre de l'Iran s'il continue à vouloir se doter de l'arme nucléaire, comme Paris l'en accuse. “Avant la fin de l'année, si (l'Iran) n'a pas changé de politique” en matière d'armement nucléaire, il faudra “prendre des sanctions massives, dans les domaines financier et énergétique”, affirme l'Elysée.

»“Nous ne laisserons pas l'Iran imposer le fait accompli”, il faut "empêcher une catastrophe”, selon l'Elysée. Selon Paris, “l'Iran accumule les centrifugeuses et l'uranium enrichi. Il n'en a aucun besoin” et “développe son arsenal balistique qui menace déjà l'Europe, y compris la Russie”. L'Iran “menace de rayer de la carte un Etat membre des Nations unies tout en niant l'Holocauste”, poursuit-on de même source, en allusion à Israël.

»Ces déclarations figurent dans un texte distribué à la presse, que devait lire le président Nicolas Sarkozy, jeudi, lors du sommet du Conseil de sécurité sur le désarmement et la non-prolifération nucléaire.

»Finalement, selon l'Elysée, le président français n'a pas prononcé exactement ces paroles mais “nous ne nions en rien ce texte”, M. Sarkozy ayant fait des déclarations “encore plus dures vis-à-vis de Téhéran”, a assuré à l'AFP l'entourage du chef de l'Etat. Selon le texte du discours qu'il a prononcé et qui a été distribué plus tard à la presse, M. Sarkozy a déclaré: “je soutiens la main tendue des Américains” à Téhéran, mais “qu'ont amené à la communauté internationale ces propositions de dialogue? Rien“.

»Selon lui, il y a désormais en Iran “plus d'uranium enrichi, plus de centrifugeuses et de surcroît, une déclaration des dirigeants iraniens proposant de rayer de la carte un membre de l'Organisation des Nations Unies”. “Que faisons-nous? Quelles conclusions en tirons-nous? Il y a un moment où les faits sont têtus et où il faudra prendre des décisions”, a-t-il poursuivi. “Je comprends parfaitement les positions différentes des uns et des autres mais tous, nous pouvons être menacés, un jour, par un voisin qui se doterait de l'arme nucléaire”, a également affirmé M. Sarkozy.»

Précisons qu’en fait, les faits, lorsqu’ils sont des faits, sont toujours têtus, qu’ils ne le sont pas seulement “à un moment”. Mais soit… On notera tout de même une finesse toute diplomatique du propos, assortie d’un clin d’œil de connivence (clin d’œil souligné de gras), concernant la terrible menace iranienne: l’Iran «développe son arsenal balistique qui menace déjà l'Europe, y compris la Russie». (L’Iran se prépare-t-il d’ores et déjà à rayer de la carte la Russie, également?) Le clin d’œil a un sens, car rien n’est gratuit dans l’avisée et postmoderniste diplomatie française. Il s’agit de la nouvelle selon laquelle la Russie pourrait soutenir de nouvelles sanctions contre l’Iran, ce que Medvedev a choisi d’annoncer à Obama plutôt qu’à Sarkozy. (Drôle d’idée.)

Cela nous amène à la question sérieuse de la chose, qui est la position de la Russie vis-à-vis des nouvelles sanctions contre l’Iran qui se prépareraient.

@PAYANT On parle beaucoup, à la Commission européenne, de ces sanctions, auxquelles la Russie pourraient participer. La Commission européenne est effectivement embarquée dans un effort important d’évaluation de la politique des sanctions en général, qui est une arme affectionnée par la diplomatie occidentaliste, inspiration américaniste. A propos de la participation de la Russie dans les sanctions contre l’Iran, le propos qu’on entend est plutôt circonspect et désabusé.

L’essentiel de ces nouvelles sanctions porterait sur un embargo des livraisons d’énergie, essentiellement de gaz. On comprend combien la participation de la Russie est importante puisque 85% des livraisons de gaz à l’Iran sont faites par la Russie; elles sont faites par voie terrestre, ce qui rend assez difficile, sinon très difficile de contrôler la réalité de l’embargo. Du coup, le ralliement de la Russie aux sanctions est considéré d’un œil assez soupçonneux, et aussi bien comme une manœuvre russe que comme un engagement russe. Les deux peuvent d’ailleurs se conjuguer avec une grâce pleine d’élégance.

L’idée est que Medvedev joue, à bon compte, au bon prince, et cela avec une habileté consommée. Il ne cesse de répéter, comme il l’a fait après sa rencontre avec Obama (Novosti, le 25 septembre 2009), que l’abandon du système BMDE par les USA n’est nullement une décision “pro-russe” bien qu’il l’apprécie comme un geste de très bonne volonté. Donc, il ne s’agit pas d’une concession qui demanderait réciprocité. Néanmoins, pour montrer sa bonne volonté à lui, il envisage de participer à la décision de nouvelles sanctions contre l’Iran, dont l’essentiel du plus efficace sera le fait de la Russie, et assez peu contrôlable, ce qui permettrait à la Russie à la fois d’éventuellement doser ces sanctions et de certainement disposer d’un levier de pression tant vis-à-vis des Occidentaux que vis-à-vis des Iraniens.


Mis en ligne le 25 janvier 2009 à 15H17

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