Les surprises du 24 février...

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Les surprises du 24 février...

• Habile et entreprenant, Macron annonce qu’il faudra préparer un accord de sécurité pour l’après-guerre en Europe, qui tienne compte des intérêts de la Russie. • Quelle bonne idée ! Quelle grande diplomatie ! • Passons aux choses sérieuses et voyons ce que le colonel Macgregor distingue comme “les deux erreurs de Poutine” expliquant comment la Russie a mal commencé son ‘Opération Militaire Spéciale’ en Ukraine avant de redresser la barre. • Dans ce cas, il faudra bien plus qu’un ou deux Macron pour espérer arriver à une pacification.

Nous allons ici envisager les possibilités “objectives” d’arrangement dans le cas de l’aboutissement de la guerre en Ukraine alors qu’un très grand nombre d’analyses de commentateurs, certains sérieux d’autres beaucoup moins, s’accordent à penser que ce conflit est à un point de bascule à l’orée de l’hiver. Nous disons “ possibilités objectives” car subjectivement notre avis souvent répété, – hier encore, – est à cet égard extraordinairement sceptique. Quoi qu’il en soit, jouons ce jeu un peu trop rationnel...

L’occasion nous en est donnée par une intervention de Macron (LCI, TF1) dans le plus pur style du “en même temps”, présentée de la sorte par les Russes de RT.com :

« Dans une interview accordée aux chaînes françaises TF1 et LCI, Macron a qualifié sa rencontre avec le président américain Joe Biden cette semaine de “succès”, ajoutant que les deux dirigeants avaient commencé à discuter de ce à quoi ressemblerait “la paix” après le conflit en cours.

» Macron a admis l'inquiétude du président russe Vladimir Poutine, qui craint que “l’OTAN ne déploie des armes qui menaceront la Russie”, et a déclaré que les membres de l'alliance dirigée par les États-Unis “doivent se préparer” à offrir des “garanties de sécurité de la Fédération de Russie” lorsque Moscou rejoindra Kiev et l'Occident à la table des négociations.

»Toutefois, si Macron s'est concentré sur le règlement de paix, il s'est engagé à “faire le maximum” pour renforcer l'armée de Kiev dans l'intervalle. »

Le “en même temps”, c’est par exemple “offrir des garanties de sécurité” à la Russie et, “en même temps”, “renforcer l’armée ukrainienne”, ornée par des bouffonneries insultantes de langage du type : inviter la Russie à “rejoindre Kiev et l’Occident à la table des négociations”. Ce dernier point est mis en évidence dans le fil ‘Telegram’, exprimant officieusement une critique russe :

« Macron se trompe de chronologie : la Russie est toujours prête à toute négociation. [...] C’est au bloc occidental de venir à la table des négociations. Les exigences russes sont connues depuis des années et clairement établis depuis la fin de 2021 dans un document noir sur blanc remis à l'OTAN à ce moment-là. »

Bref, cela confirme le jugement excellent de Bhadrakumar sur Macron, en fixant “en même temps” les limites pathétiques des tentatives occidentales, et celles d’une France prétendant sottement à l’originalité :

« Macron espère toujours être le dirigeant occidental qui acceptera les conditions de capitulation du président Poutine et entrera dans les livres d’histoire, mais en réalité sa crédibilité est en lambeaux en Europe et dans les cercles atlantistes en particulier, et même en France. »

Tout cela montre combien nous sommes loin d’une possibilité d’envisager de pouvoir apercevoir, au loin, dans la poussière, le début du commencement d’un processus ressemblant à une espérance sérieuse de négociation. Il vaut donc mieux procéder à l’inverse, en examinant les conditions qui ont précipité la guerre, et surtout les erreurs de calcul des Russes au début de la guerre, – cela permettant d’avoir une idée de ce que seraient a contrario leurs exigences, – pour ne plus permettre ces erreurs.

Il n’y a aucune certitude sur l’identité de ces “erreurs russes”, – car il y en eut, à notre sens, cela expliquant les hésitations et difficultés au début de l’“Opération Militaire Spéciale”. Nous prenons donc sur nous de choisir l’analyse spéculative qui nous paraît la plus adéquate. Elle nous vient de l’analyste US, le colonel Douglas Macgregor, présent sur de nombreux sites et chaînes, en plus de son propre site. Macgregor est certainement l’un des analystes disons “antiSystème” les plus appréciés, tandis que ses jugements s’appuient sur une expertise de toute première qualité et sur des sources certainement nombreuses et dans des positions intéressantes au Pentagone.

Dans une de ses récentes vidéos, refaisant l’historique de l’actuel conflit, il s’est arrêté à ce qu’il considère être les deux principales erreurs de Poutine au départ, qui expliquent notamment le volume des forces qu’il a affectées à l’OMS, les tactiques suivies et la stratégie générale, et certainement le jugement faussé qu’il avait au départ du développement de l’opération. (Lorsqu’on dit “Poutine”, on suit le langage de Macgregor et l’on symbolise bien entendu l’analyse générale de la Russie de la situation ukrainienne en place et en développement).

• Premièrement, Poutine ne s’attendait pas à ce que l’Ukraine soit si complètement et opérationnellement “otanisée” (ou “américanisée”, si l’on veut), notamment dans ses structures militaires, dans son organisation, dans son commandement, etc., quasiment dans son ontologie même...

• Deuxièmement, Poutine ne s’attendait pas à ce que l’“Ouest collectif” (l’OTAN, le bloc-BAO, mais bien sûr surtout les USA) livrât autant d’armements, d’équipements, d’aides militaires et financières de toutes sortes à l’Ukraine, de contingents d’instructeurs et de “volontaires”, jusqu’à permettre à ce pays de supporter des chocs importants, et même de se retrouver dans certains cas en situation offensive comme si l’Ukraine était l’OTAN elle-même bien entendu.

Il va de soi, comme on le comprend, que ces deux jugements se complètent l’un-l’autre. On doit comprendre parfaitement l’importance que Macgregor leur attribue en se plaçant du point de vue russe (et l’on suppose qu’ils sont aussi les siens, comme ils pourraient être les nôtres par rapport à la situation générale objective, pour bien en juger),
• d’abord parce que le résultat est, dans la pratique même, dans l’évolution de l’Ukraine au moins depuis 2014, réellement impressionnant ;
• ensuite parce que la préparation de ces deux opérations d’“otanisation” en même temps que la résolution politique (nous dirions plutôt : bureaucratique) qui les a préparées et accompagnées ont été mises en place et développées avec la plus grande discrétion et la plus grande efficacité.

En acceptant ces jugements de Macgregor, on en vient à conclure que Poutine, comme la direction russe, tiennent comme essentiel le fait que ces deux domaines conditionnent tous les autres pour ce qui concerne la matière de la sécurité nationale de la Russie, par rapport à l’Ukraine comme par rapport à tout autre pays adjacent à la Russie, – mais pour l’Ukraine essentiellement, puisqu’il s’agit d’elle présentement. Par conséquent, c’est sur ces deux domaines que devraient porter les exigences les plus catégoriques des Russes si devait un jour se présenter l’opportunité d’une négociation pour établir un modus vivendi garantissant une sécurité réciproque (du type de la sécurité collective réciproque, – dans ce cas, l’analogie peut être citée, – existante ente entre les deux Corées à partir d’un accord datant de 1953).

Comme on le comprend aisément, cette hypothèses des “deux erreurs de Poutine” selon Macgregor reposent plus sur une mauvaise évaluation d’un ensemble de faits que sur des renseignements bien précis et infondés. Il apparaît clairement, dans ce contexte, que la direction russe n’a pas envisagé que la résolution et le travail de réorganisation des diverses forces et services du bloc-BAO étaient aussi affirmés et aussi efficaces. Pour faire court en résumant le principal enseignement de la chose, les Russes n’ont pas envisagé que la volonté de menacer directement et aussi radicalement la Russie, sinon de l’attaquer, était aussi affirmée et aussi productrice d’actions décisives en Ukraine.

(D’une certaine façon, Poutine a cela reconnu en affirmant devant des épouses de soldats de l’OMS en Ukraine qu’il avait commis une erreur en ne lançant pas cette opération dès 2015.)

Ce constat qu’on propose est par exemple confirmé par l’assurance, – toujours du point de vue de Macgregor, mais se retrouvant en général chez les analystes de sa trempe, – que les USA contrôlent absolument tout dans la direction ukrainienne. Cela est apparu clairement lorsque la direction ukrainienne a brusquement rompu des négociations avec les Russes, sur ordre direct des Anglo-Saxons (Boris Johnson, de passage dans la région). Ainsi, l’Ukraine apparaît comme un pays encore plus, beaucoupplus “otanisé” que n’importe quel autre pays de l’OTAN.

Cet autre constat, de la même veine que celui de l’affirmation d’une aide extraordinaire de l’OTAN à l’Ukraine, aboutit à des contradictions remarquables dans les faits, – quelles que soient les affirmations de convenance, – lorsqu’il est affirmé que tout doit être mis en œuvre pour assurer que l’Ukraine reste un État souverain et indépendant, alors que l’aide massive et de tous ordres, y compris celui de la prévalence de l’autorité, font de ce pays un “membre de ‘OTAN” entièrement sous la coupe de l’OTAN, c’est-à-dire des USA. C’est donc la logique habituelle (“détruire un village [au Vietnam] pour sauver ce village”) qui fait qu’on prend en main et d’une main de fer la souveraineté et l’indépendance d’un pays pour sauvegarder sa souveraineté et son indépendance (et tout de la doit être considéré sur le long terme, comme le souligne aimablement Stoltenberg, depuis 2004-2014, et même depuis 1989-1991 avec passage du type-clin d’œil par ‘Le Grand Échiquier’ de Brzezinski) :

« Bien que Stoltenberg ait souligné que l'OTAN n'est “pas une partie au conflit en Ukraine”, il a déclaré que le bloc fournit un “soutien sans précédent” à Kiev pour qu’il “prévale en tant qu'État souverain indépendant”. Il a noté que l'aide occidentale est bien antérieure au début de l'offensive russe en février, soulignant que les forces de l'OTAN ont formé des “dizaines de milliers de soldats” depuis 2014, contribuant à rendre l'armée ukrainienne “beaucoup plus grande, beaucoup mieux équipée et beaucoup mieux dirigée”. »

La conclusion générale de l’examen de l’hypothèse présentée par Macgregor, et celle-là examinée d’une façon rationnelle, ne donne guère plus d’espoir que notre jugement “subjectif” et débordant vers l’irrationalité. La question centrale revient à la confiance existant entre les partenaires, –dans ce cas, chose très différente des deux Corées qui n’ont nul besoin de confiance entre eux, étant des acteurs de secondez zone “tenus” par leurs “parrains”. Les “erreurs de Poutine selon Macgregor” tiennent d’abord, lorsqu’elles sont analysées du côté russe, à une absence de défiance face à des “partenaires” qui ne sont tenus à aucune restriction, ni règles, ni rien du tout, et ne méritent donc absolument aucune confiance.

Ce constat sera nécessairement à la base de toute posture de négociation des Russes. Les Russes ne refuseront certainement pas de négocier, mais ce sera pour affirmer une position et des exigences extrêmement dures. La position de Poutine à la tête de la Fédération de Russie en dépend, car cette position est aujourd’hui sans aucun doute collective et s’il n’est pas assez dur il se trouvera chez lui, au Kremlin, en mauvaise posture. Comme l’on voit, l’approche “objective” du problème ne diffère pas de l’approche “subjective”.

 

Mis en ligne le 4 décembre 2022 à 17H55