Les USA et la Syrie  : phase dépressive...

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Les USA et la Syrie  : phase dépressive...

La situation du bloc BAO, surtout des USA, vis-à-vis de la Syrie suit l’habituel rythme qu’on pourrait qualifier de maniaco-dépressif tant cette posture psychologique caractérise bien les perceptions humaines et le rythme des événements dans cette époque totalement dépendante d’une communication écrasante et incontrôlable. L’attitude générale des USA vis-à-vis de la Syrie est entrée en phase dépressive après une phase hypomaniaque de quelques jours suivant l’intervention israélienne de communication (peut-être type falseflag) des 22-23 avril pour faire accepter l’idée de l’utilisation de l’armement chimique par le régime Assad et faire progresser l'idée d'une intervention.

Le dernier commentaire en date de l’administration Obama concernant l’utilisation d’armement chimique en Syrie (si possible par les gens d'Assad) vient du vice-président Biden. Il s’agit d’un aveu complet d’ignorance (plutôt que d’inconnaissance) à propos de cet événement, ou de ce non-événement, de l’utilisation de l’armement chimique. C’est le commentaire le plus élaboré à ce jour dans la mesure où il expose la “stratégie de communication” de l’administration dans cette matière, qui est de ne pas renouveler les erreurs des guerres en Irak et en Afghanistan, le plus souvent engagées sur la foi de renseignements qui se sont révélés faux, ou être tout simplement des montages de groupes intéressés.

Le commentaire de Biden est contenu dans une interview au magazine Rolling Stone, dont Russia Today reprend les éléments essentiels sur la question envisagée. Il s’agit d’une intervention de communication prudente bien qu’officielle du plus haut niveau. Rolling Stone, qui a parfois des positions contestatrices du Système, n’est pas une source souvent consultée ou citée dans le réseau de la communication-Système. Par contre, le fait qu’il s’agisse d’une intervention d’une personnalité du niveau de Biden montre que l’administration Obama veut donner à ces informations, quoique avec une diffusion limitée, un très haut degré de crédit pour informer de sa position sur le problème. C’est une attitude bien dans la manière de cette administration : faire passer avec une certaine discrétion un message important, – puisque cette déclaration de Biden est certainement le “message” le plus élaboré de l’administration Obama vis-à-vis de l’emploi du chimique dans la séquence actuelle commencée fin avril ; et “message” qui signifie : “Nous ne faisons aucune confiance aux renseignements dont nous disposons, donc nous ne savons rien et il est hors de question que nous agissions pour le moment, et il est bien peu probable que nous sachions jamais quelque chose de précis”.

Russia Today, le 10 mai 2013 : «Due to the foggy intelligence emanating out of Syria, it is unclear whether president Assad authorized the use of chemical weapons if the rebels had used them, US vice president Joe Biden said stepping back from the unanimous rhetoric of the recent days. His comments, delivered in an interview with Rolling Stone magazine, were a step back from a recent report speculating that Obama administration officials were preparing to arm Syrian rebel forces. It has been widely reported that top US government officials believe Assad responsible for the choking clouds.

»“We don’t have a chain of ownership,” Biden said. “We don’t know for certain whether they were used by some of the opposition, including the radicals who have aligned themselves with Al-Qaeda. It’s probable, but we don’t know for certain, that they were used by the regime.”

»The vice president admitted that the country’s recent - and disastrous – wars in Iraq and Afghanistan have made White House officials nervous about entering into open combat in Syria, despite vocal criticism from Congressional leaders that the American military should get involved. “With all the credibility we’ve gained in the world, we don’t want to blow it like the last administration did in Iraq, saying ‘weapons of mass destruction,’” he continued. “We know that there have been traces found of what are probably chemical weapons. What we don’t know yet – and we’re drilling down on it as hard as we can – is whether they were accidentally released in an exchange of gunfire or artillery fire, or blown up or something.”»

Le constat ci-dessus concerne l’armement chimique mais il reflète en réalité une phase dépressive qui affecte toute la politique US vis-à-vis de la Syrie. Mais, pour suivre la logique choisie, nous devrions plutôt parler de la psychologie de la direction américaniste vis-à-vis de cette question syrienne, qui est à nouveau incorporée dans la perception du désordre complet caractérisant la situation des relations internationales. C’est là un caractère intéressant de ces “phases” activistes (celle du 22-23 avril) qui semblent lancées, d’ailleurs souvent d’une façon qui ne répond pas à une logique ou à une planification humaines, pour tenter de précipiter la crise à un niveau supérieur de gravité et d’intervention (et en parlant de la “guerre syrienne”, on pourrait aussi bien parler de toute autre crise). Ces phases, effectivement hypomaniaques, se transforment très vite en phases dépressives devant l’extrême difficulté de pouvoir distinguer dans la pression de la communication les éléments d’une situation claire et contrôlable. Assez rapidement émerge l’argument de l’attentisme, que même les partisans hypomaniaques de l’intervention (dans le cas de Washington, les parlementaires hyper bellicistes type Graham-McCain), eux-mêmes touchés par l’humeur dépressive, n’ont plus la force de contrarier. Ce rythme maniaco-dépressif, avec la prépondérance incontestable pour la phase dépressive dépourvu de la moindre capacité de résilience à cause de son emprisonnement aux lubies de la phase hypomaniaque lorsqu’il s’agit d’agir, convient parfaitement au phénomène d’embourbement crisique qui témoigne de la vigueur extraordinaire de l’infrastructure crisique (voir notre Glossaire.dde du 30 avril 2013 sur le “facteur ‘crisique’”).

Dans cette sorte de phase dépressive apparaissent des textes qui résument la logique de l’attentisme suggéré par l’humeur dépressive. Aucun ne l’exprime mieux, pour ce cas, que ce texte très court de Zbigniew Brzezinski, qui ressemble plus à une fiche très condensée, type-feuille de route, destinée à un Obama qu’à un article. (Ce pourrait être le cas, Brzezinski jouant le rôle épisodique de conseiller extérieur d’Obama dans certains cas critiques). Dans l'hebdomadaire Time du 8 mai 2013, Brzezinski détaille d’une façon très brève, très concentrée et impérative, les raisons pour lesquelles les USA ne doivent rien faire en Syrie. On notera ce constat implicite, assez inattendu chez cet adversaire viscéral de la Russie, que seuls les Russes sont capables de faire quelque chose et qu’il faut les laisser faire. Brzezinski avance l’“espoir” que l’issue soit des élections contrôlées par l’ONU (ce que veulent effectivement les Russes) où l’on pourrait espérer qu’Assad soit “persuadé” de n’y pas participer, – sans doute parce qu’il aurait de fortes chances de les remporter ? (Brezinski ajoute, presque ironiquement par référence à l’incohérence de la politique du bloc BAO, l’expression “par chance”, – «The only solution is to seek Russia’s and China’s support for U.N.-sponsored elections in which, with luck, Assad might be “persuaded” not to participate.») Implicitement, le constat nous conduit à observer la situation de paralysie (embourbement crisique, certes) où se trouvent les USA. Si les Russes y échappent en partie, c’est bien entendu parce que leur politique est fondée sur le respect de principes structurants, ce qui leur permet effectivement d’échapper à l’étouffement des pressions de la communication qui mordent essentiellement sur les positions affaiblies par la déstructuration.

Brzezinski présente donc la “guerre syrienne” comme une “guerre de sectes” dans une région volatile et explosive , guerre au potentiel d’expansion vertigineux, dans laquelle les intérêts US déjà menacés ne pourraient l’être que davantage si les USA intervenaient. Tous les schémas d’interventions qu’on a évoqués ne peuvent que faire empirer la situation, en la rendant plus complexe, plus menaçante encore pour la position stratégique des USA, estime-t-il. On ne peut que prier pour que les Russes et les Chinois, qui détiennent la clef de la crise, participent à un effort pour permettre à l’ONU d’obtenir une cessation des combats et l’organisation d’élections, et prier encore un peu plus qu’Assad soit “convaincu” de n’y pas participer...

«...The struggle is between forces funded and armed by outside sponsors, notably Saudi Arabia, Qatar and Iran. Also participating are foreign religious groups not directly controlled by the sponsors, namely the Sunni Salafists and Iranian-aligned militias, not to mention intensely anti-Western al-Qaeda fighters. American involvement would simply mobilize the most extreme elements of these factions against the U.S. and pose the danger that the conflict would spill over into the neighborhood and set Jordan, Iraq and Lebanon on fire.

»That risk has been compounded by the recent Israeli bombing of weapons sites inside Syria. Whatever their justification, the attacks convey to some Arabs the sense that there is an external plot against them. That impression would be solidified if the U.S. were now to enter the fight, suggesting a de facto American-Israeli-Saudi alliance, which would play into the hands of the extremists.

»Broader regional fighting could bring the U.S. and Iran into direct conflict, a potentially major military undertaking for the U.S. A U.S.-Iran confrontation linked to the Syrian crisis could spread the area of conflict even to Afghanistan. Russia would benefit from America’s being bogged down again in the Middle East. China would resent U.S. destabilization of the region because Beijing needs stable access to energy from the Middle East.

»To minimize these potential consequences, U.S. military intervention would have to achieve a decisive outcome relatively quickly through the application of overwhelming force. That would require direct Turkish involvement, which seems unlikely given Turkey’s internal difficulties, particularly its tenuous relations with its substantial Kurdish minority...»

Le “Docteur” Zbigniew Brzezinski semble éprouver une satisfaction presque sadique à décrire tous les verrous du désordre syrien garantissant cette situation de désordre du conflit, en ajoutant que la superpuissance US ne ferait qu’ajouter quelques verrous de plus à ce désordre en intervenant. Le vieux routier cynique et “réaliste” de la politique extérieure US ne fait là que développer sa condamnation constante de cette caricature absolue de l’ordre international qu’est devenue la politiquer extérieure, notamment et principalement celle des USA. Il le fait de concert avec son vieil ennemi, alter ego en, crapulerie, Henry Kissinger, les deux hommes dénonçant et haïssant l’affectivité et l’infraresponsabilité qui sont la référence constante de cette anti-politique développée comme l’un des facteurs principaux de la politique-Système engendrant le désordre. Bien entendu, cela n’élude en rien leurs responsabilités passées (celles de Brzezinski et celle de Kissinger) dans l’établissement des conditions qui ont conduit à la situation actuelle, – par exemple et exemple d’actualité, Brzezinski comme principal architecte de la formation de cet artefact de la modernité naufragée qu’est la narrative de l’islamisme extrémiste ; mais cela leur donne une position critique, de connaisseur en quelque sorte, qui, dans les épisodes dépressifs comme celui qui se précipite ces derniers jours, permet de mieux éclairer le champ de ruines et de mesurer l’état de la psychologie.


Mis en ligne le 11 mai 2013 à 12H06