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935Avant-hier, nous avons déjà vu une analyse (de William S. Lind) concernant l’hypothèse d’un courant de déstructuration (“éclatement”) des USA avec la proposition d’une solution pour éviter le pire des effets (une “G4G de haut niveau”, ou “guerre civile”) par une recomposition en une fédéralisation hyper-décentralisée (proche de la formule de la sécession), avec des enclaves de sécession à l’intérieur de certains États. Aujourd’hui, nous publions un texte présentant moins une formule de déstructuration-restructuration des USA qu’un constat en forme de plaidoirie implicite pour la tendance à la sécession. Elle vient d’une autre plume que nous jugeons à la fois honorable, de qualité et d’une réelle influence, dans les milieux “dissidents” et antiSystème conservateurs-libertariens. Président du Rockwell Institute qui est l’un des principaux centres d’influence du mouvement libertarien le plus conforme aux principes de ce courant qui n’a cessé de gagner en influence intellectuelle ces dernières années, Lew Rockwell est beaucoup moins un isolé que William S. Lind. On peut apprécier la puissance de son Institut en consultant le blog du site, et notamment les noms des collaborateurs, essentiellement la crème des historiens libertariens. Lew Rockwell est un proche de Ron Paul, donc antiguerre, adversaire du “centre” fédéral, du principe statiste, etc., et son influence est avérée.
Si l’idée de la sécession n’a jamais quitté l’esprit de ce type d’intellectuels, elle n’est jamais apparue comme aujourd’hui, comme un prolongement naturel, direct, voire extrêmement rapide de la crise actuelle, quasiment comme la seule formule permettant d’en sortir (de la crise). C’est cette généralisation grandissante de l’idée de la sécession/de l’éclatement, etc., que nous voulons mettre en évidence, ici, en commentaire du texte de Rockwell. Ce n’est pas la vertu de la sécession elle-même qui est la cause de cette évolution mais le désenchantement complet, quasiment ontologique de la forme d’organisation et de gouvernement des USA, c’est-à-dire pour nous du Système tel qu’il se représente opérationnellement sous la forme des USA actuels : « En d’autres mots, écrit Rockwell, un certain nombre de gens semblent en venir à la conclusion que la totalité du système est pourri et doit être abandonné ».
Rockwell prend bien soin de noter que ce n’est pas nécessairement les militants de la gauche (ce que nous nommons progressistes-sociétaux) qui en viennent à cette conclusion, même si c’est leur action qui y pousse paradoxalement. Il s’agit pourtant d’une observation tout à fait logique puisque la gauche est statiste jusqu’à autoriser le soupçon chez certains d’être “socialiste” voire “marxiste” (le “marxisme-culturel”, selon Lind notamment), c’est-à-dire favorable à un centre étatiste fort parce que la question sociale devenue de plus en plus sociétale la préoccupe particulièrement et que son règlement ne peut venir sinon être imposée, selon cette approche, que par un centre fort. Le paradoxe conjoncturel extraordinaire que nous notions plus haut (“leur action pousse paradoxalement“ à l’idée de la sécession) tient évidemment à ce fait que le pouvoir central, ce “centre” bien-aimé de la gauche, est aujourd’hui haï par la Gauche puisque Trump en est la tête et le locataire abusif. Le paradoxe devient alors éclatant sinon stupéfiant lorsqu’il s’avère que les plus grands adversaires de toute forme de sécession et de décentralisation en viennent à des positions inverses par simple détestation de Trump ; après tout, c’est bien la Californie gauchiste (les conservateurs la surnomment “Comiefornia”, pour “Californie-communiste”) qui parle le plus de sécession, ce sont les villes dirigées par les démocrates également “gauchisants” qui se proclament “villes-sanctuaires”, refusant d’avance les lois de l’administration Trump (du “centre“) contre l’immigration.
Les plus ardents adversaires de toute forme de sécession deviennent donc, dans certains cas, des contestataires qui réclament ce statut pour eux. Rockwell rappelle cette évidence que la Gauche n’est pas contre le système (système américaniste, opérationnalisation du Système) mais contre certaines personnes représentant, selon elle, de tendances politiques inacceptables : « Le problème dans leur façon de voir est seulement que ce sont les mauvaises personnes qui sont au pouvoir », écrit Rockwell. Mais dans cette situation où l’emportement et la passion infectent absolument la psychologie et emportent tout, le pouvoir, le “centre” qui tient le système de l’américanisme (le Système) et qui est tenu par ces “mauvaises personnes” est finalement identifié avec ces dernières ; d’où ce désir de sécession, cette insurrection contre le “centre”. La Californie, premier cas concret de poussée sérieuse vers la sécession, conduit à cette observation inattendue où de plus en plus, dans le sentiment populaire, tout le monde est d’accord : les Californiens pour les raisons qu’on a vues, une bonne partie du reste (les conservateurs et d’autres) parce que cette contestation californienne finit par les lasser : “Eh bien, s’ils [les Californiens] le veulent, qu’ils s’en aillent parce qu’ils deviennent insupportables”...
(Effectivement, la Californie et sa tendance désormais officielle à la sécession sont désormais entrées dans les nouvelles courantes, chargées de tout leur poids de contradiction : Californie à la fois potentiellement mais activement sécessionniste, ce qui est une option terrifiante pour le Système, et bastion inébranlable de l’anti-trumpisme, ce qui est l’option ontologique actuelle du Système. Par conséquent, les nouvelles qui concernent cette tendance sécessionniste, qui apparaissent désormais d’une façon courante, sont ambigües, contradictoires, avec l’emploi abondant de FakeNews qui est la nouvelle forme d’expression du Système, comme recyclage de la technique de la narrative, mais allant dans tous les sens, selon la situation d’hyperdésordre qui règne absolument. Ainsi pourrions-nous citer, ce que nous faisons, ce texte de ZeroHedge.com du 22 février, venu du New York Times du jour précédent comme une révélation sulfureuse, des liens du leader sécessionniste avec la Russie, – ah, l’attraction irrésistible de “la main de Moscou”, – alors que la chose est déjà largement documentée depuis plus de deux mois : « C’est une ironie révélatrice et accidentellement (?) symbolique que le leader du mouvement sécessionniste qui a lancé l’idée d’un référendum, Louis Marinelli, d’origine hispanique, partage son temps entre la Californie et la Russie : parce que sa femme, qui est Russe, n’a pas obtenu de visa pour les États-Unis et réside en Russie. Ainsi Marinelli a-t-il ouvert une “ambassade de la République de Californie” à Moscou, ce qui établit de facto des liens entre Latinos sécessionnistes californiens qui sont identitaires, et la Russie. Cela rejoint étrangement, ou bien selon une logique supérieure, une cohérence idéologique : la Russie détestée du Système est, de facto elle aussi, la référence des identitaires et des anti-globalistes. » Ainsi pourrions-nous citer ce texte de Foreign Policy du 21 février, observant combien une sécession de la Californie constitue une option très possible selon les paramètres habituels, économique notamment, d’un pays indépendant, mais une option qui est grosse de troubles et de possibilités de guerres internes et externes : « California Really Has What It Takes to Secede – But is America's largest state ready for the wars that would follow? ».)
Il ne faut pas s’en cacher, si l’on suit cette analyse : la question de la sécession, de “l’éclatement des USA”, est plus que jamais le nœud gordien de la Grande Crise d’effondrement du Système, comme nous l’avons si souvent plaidé. Elle ne peut être considérée comme une “question comme une autre”, même s’il s’agit d’une question radicale : c’est-à-dire une question à laquelle on pourrait apporter une réponse qui donnerait certes des conditions nouvelles, mais qui permettrait la poursuite des événements tels que nous les connaissons. Non, la question de la sécession et de l’éclatement des USA est absolument et totalement rupturielle, d’abord pour des raisons psychologiques, comme nous l’affirmons depuis très longtemps, parce que le Système constitue et nourrit l’essentiel de sa narrative sur la mystique des USA et de l’American Dream, même pour les stupides globalistes dont certains croiraient pouvoir se passer du magistère absolu des USA de ce point de vue de l’influence des psychologies : risquer le déchaînement du processus de la sécession, – comme un double inverti du “déchaînement de la Matière”, – pour tenter d’être quitte d’un Trump, c’est prendre un risque fondamental, – ou bien, comme disaient les Anciens et pour nous faire réaliser l’impasse dans laquelle ils se trouvent, aller de super-Charybde en hyper-Scylla...
Il faut suivre cette affaire de la sécession/de l’éclatement de l’Amérique, comme nous l’écrivions le 5 juillet 2016 en citant un texte de janvier 2009, « avec à l’esprit que cette conception chez nous n’a fait que se renforcer et s’approfondir avec une extrême puissance et dans une mesure considérable, qu’elle n’a fait que se “métahistoriser” en un sens... Ce n’est pas un enjeu politique, ni économique, etc., c’est un enjeu métahistorique et civilisationnel [:] “L’hypothèse de l’éclatement des USA est l’hypothèse centrale de la crise de notre temps, même si elle est rarement évoquée et encore plus rarement prise au sérieux, – mais ce serait plutôt un signe de son importance, cette façon de l’éviter. La cause de la réelle importance de cette hypothèse n’est pas essentiellement économique, ni militaire, ni technologique, ni même culturelle; sa réelle importance est psychologique. Depuis trois-quarts de siècle, la psychologie de la civilisation est enfermée dans l’impasse du système de l’américanisme, qui est le dernier avatar de la modernité monté en une universelle délusion. On nomme cette délusion American Dream. Un éclatement des USA, de l’Amérique de notre inconscient, nous en libérerait. Il s’agirait d’une révolution sans précédent et c’est cela qui est en cause. (Le 3 janvier 2009.) »
Voici donc le texte de Lew Rockwell qu’il fait paraître le 20 février sur le site emblématique des libertariens US, Mises.org. (De Ludwig von Mises, un des grands noms de l’école autrichienne qui théorise généralement le capitalisme intégral dans la modernité et la postmodernité. Il est une des références fondamentales des libertariens US, ce qui permet de mesurer la confusion à laquelle conduit aujourd’hui, dans les conditions où tous les courants et les conceptions sont mélangés hors de leurs contextes, les étiquetages. Cette école autrichienne débouche aussi bien sur les neocons et le globalisme guerriers et créateurs de désordres extérieurs sous la forme de la politiqueSystème, que sur les libertariens US, antiguerres et isolationnistes farouches. Même chose, en fait de confusion, pour le terme “libertarien” souvent rapproché de l’étiquette “libertaire”, lorsqu’on mesure la distance entre un Cohn-Bendit d’une part, un Rockwell, un Ron Paul et un Raimondo d’autre part. Même sens de la confusion dans les événements actuels lorsqu’on réalise la puissance de la même tendance antiSystème des mêmes libertariens US, anti-statistes acharnés, et des souverainistes européens, qu’ils soient gaullistes ou nationalistes franco-russes, qui sont évidemment statistes [dirigistes, interventionnistes, régaliens].)
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Some of our assumptions are so deeply embedded that we cannot perceive them ourselves. Case in point: everyone takes for granted that it’s normal for a country of 320 million to be dictated to by a single central authority. The only debate we’re permitted to have is who should be selected to carry out this grotesque and inhumane function.
Here’s the debate we should be having instead: what if we simply abandoned this quixotic mission, and went our separate ways? It’s an idea that’s gaining traction — much too late, to be sure, but better late than never.
For a long time it seemed as if the idea of secession was unlikely to take hold in modern America. Schoolchildren, after all, are told to associate secession with slavery and treason. American journalists treat the idea as if it were self-evidently ridiculous and contemptible (an attitude they curiously do not adopt when faced with US war propaganda, I might add).
And yet all it took was the election of Donald Trump for the alleged toxicity of secession to vanish entirely. The left’s principled opposition to secession and devotion to the holy Union went promptly out the window on November 8, 2016. Today, about one in three Californians polled favors the Golden State’s secession from the Union.
In other words, some people seem to be coming to the conclusion that the whole system is rotten and should be abandoned.
It’s true that most leftists have not come around to this way of thinking. Many have adopted the creepy slogan “not my president” – in other words, I may not want this particular person having the power to intervene in all aspects of life and holding in his hands the ability to destroy the entire earth, but I most certainly do want someone else to have those powers.
Not exactly a head-on challenge to the system, in other words. (That’s what we libertarians are for.) The problem in their view is only that the wrong people are in charge.
Indeed, leftists who once said “small is beautiful” and “question authority” had little trouble embracing large federal bureaucracies in charge of education, health, housing, and pretty much every important thing. And these authorities, of course, you are not to question (unless they are headed by a Trump nominee, in which case they may be temporarily ignored).
Meanwhile, the right wing has been calling for the abolition of the Department of Education practically since its creation in 1979. That hasn’t happened, as you may have noticed. Having the agency in Republican hands became the more urgent task.
Each side pours tremendous resources into trying to take control of the federal apparatus and lord it over the whole country.
How about we call it quits?
No more federal fiefdoms, no more forcing 320 million people into a single mold, no more dictating to everyone from the central state.
Radical, yes, and surely not a perspective we were exposed to as schoolchildren. But is it so unreasonable? Is it not in fact the very height of reason and good sense? And some people, we may reasonably hope, may be prepared to consider these simple and humane questions for the very first time.
Now can we imagine the left actually growing so unhappy as to favor secession as a genuine solution?
Here’s what I know. On the one hand, the left made its long march through the institutions: universities, the media, popular culture. Their intention was to remake American society. The task involved an enormous amount of time and wealth. Secession would amount to abandoning this string of successes, and it’s hard to imagine them giving up in this way after sinking all those resources into the long march.
At the same time, it’s possible that the cultural elite have come to despise the American bourgeoisie so much that they’re willing to treat all of that as a sunk cost, and simply get out.
Whatever the case may be, what we can and should do is encourage all decentralization and secession talk, such that these heretofore forbidden options become live once again.
I can already hear the objections from Beltway libertarians, who are not known for supporting political decentralization. To the contrary, they long for the day when libertarian judges and lawmakers will impose liberty on the entire country. And on a more basic level, they find talk of states’ rights, nullification, and secession – about which they hold the most exquisitely conventional and p.c. views – to be sources of embarrassment.
How are they going to rub elbows with the Fed chairman if they’re associated with ideas like these?
Of course we would like to see liberty flourish everywhere. But it’s foolish not to accept more limited victories and finite goals when these are the only realistic options.
The great libertarians – from Felix Morley and Frank Chodorov to Murray Rothbard and Hans Hoppe — have always favored political decentralization; F.A. Hayek once said that in the future liberty was more likely to flourish in small states. This is surely the way forward for us today, if we want to see tangible changes in our lifetimes.
Thomas Sowell referred to two competing visions that lay at the heart of so much political debate: the constrained and the unconstrained. In the constrained vision, man’s nature is not really malleable, his existence contains an element of tragedy, and there is little that politics can do by way of grandiose schemes to perfect society. In the unconstrained vision, the only limitation to how much society can be remade in the image of its political rulers is how much the rubes are willing to stomach at a given moment.
These competing visions are reaching an endgame vis-a-vis one another. As Angelo Codevilla observes, the left has overplayed its hand. The regular folks have reached the limits of their toleration of leftist intimidation and thought control, and are hitting back.
We can fight it out, or we can go our separate ways.
When I say go our separate ways, I don’t mean “the left” goes one way and “the right” goes another. I mean the left goes one way and everyone else — rather a diverse group indeed — goes another. People who live for moral posturing, to broadcast their superiority over everyone else, and to steamroll differences in the name of “diversity,” should go one way, and everyone who rolls his eyes at all this should go another.
“No people and no part of a people,” said Ludwig von Mises nearly one hundred years ago, “shall be held against its will in a political association that it does not want.” So much wisdom in that simple sentiment. And so much conflict and anguish could be avoided if only we’d heed it.
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