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582920 décembre 2019 – En quelque sorte, comme cela nous arrive à certaines occasions, nous allons commencer par un autre de nos textes (en citation), et nous allons donc commencer par la fin (de ce texte) ; et de plus, l’on notera que la situation évoquée sur le ton de la plaisanterie en fin de l’extrait pourrait bien être envisagée par l’un ou l’autre porteur d’entonnoirs de “D.C.-la-folle” :
« ... Et maintenant, en avant pour le Sénat ? Pas sûr, finalement, car “D.C.-la-folle” a plus d’un tour dans sac à malices. Ainsi dit-on, dans les colonnes du Washington Post (voyez Zero-Hedge.com pour ne pas payer de rançon), qu’un fort courant est apparu chez les démocrates pour que Nancy Pelosi garde sous le coude le verdict de la Chambre pendant plusieurs mois avant de le transmettre au Sénat, attendant de meilleures conditions pour un procès devant le Sénat ; voire ne le transmette pas du tout au Sénat, écartant ainsi la possibilité d’un “acquittement” du président.
» Ainsi vivrions-nous une situation sans aucun précédent-bouffe et inimaginable sinon à Hollywood, une sorte de “marxisme-culturel” imaginé par les Marx Brothers : une moitié du Congrès qui ne reconnaîtrait plus la légitimité du président ni son autorité... Et alors la Chambre, rêvons un peu, de faire sécession et “chambre à part”, désignant son propre président des États-Unis à elle. »
Lorsque nous écrivîmes cela, la chose n’était ni acquise, ni suffisamment commentée pour être très crédible, sinon très sérieuse. Elle l’est maintenant et mérite tout notre sérieux. Il est vrai que les démocrates du Sénat, emmenés et même inspirés par une Nancy Pelosi qui apparaît, à 79 ans et en tant que Speaker de la Chambre des Représentants, plus offensive et dévastatrice qu’elle n’a jamais été, semblent prêts à toutes les audaces par rapport à la Constitution (à l’esprit de la Constitution, sans aucun doute) pour empêcher toute activité normale du président et du système du pouvoir de l’américanisme, jusqu’à espérer avoir son scalp (celui du président certes, mais peut-être aussi celui du système de l’américanisme, avec un peu de chance).
La décision de Pelosi est tout à fait extraordinaire : elle conserve les deux articles de mise en accusation (“abus de pouvoir” et “obstruction au Congrès”) votés par la Chambre alors qu’elle devrait normalement les transmettre au Sénat pour un éventuel “procès” du président. Le fait extraordinaire est dans ce qu’elle explicite clairement sa position : dit attendre de vérifier si les conditions de travail du Sénat pour le “procès” sont loyales (“fair”) avant de transmettre ces deux articles ; il y a fort peu de spéculation à développer pour penser que les conditions seront “fair” selon elle lorsque le “procès” sera conduit de façon à assurer la culpabilité, et donc la destitution du président.
Les réactions des républicains sont évidemment furieuses, bien qu’aucune accusation d’inconstitutionnalité effective ne puisse être lancée dans la mesure où la Constitution est muette sur quelque délai que ce soit pour la transmission au Sénat des articles d’une mise en accusation votée par la Chambre. Mais il est évident pour eux que si la lettre de la Constitution n’est pas violée, l’esprit l’est bel et bien.
« Les Pères Fondateurs n’ont pas précisé de délai parce qu’il leur paraissait évident, de la meilleure bonne foi du monde et du pur esprit constitutionnaliste, que des articles de mises en accusation votés par la Chambre devaient être aussitôt transmis au Sénat », expliquait hier un expert juridique proche du parti républicain.
L’une des réactions les plus vives a été celle, tweetée, du sénateur Lindsay Graham, qui joue un rôle important dans cette crise du fait de sa position de président de la commission judiciaire du Sénat :
« Ce qu’ils [les démocrates de la Chambre] se proposent de faire, de ne pas envoyer les articles pour disposition au Sénat après leur adoption à la Chambre, est incroyablement dangereux...
» Représentez-vous exactement ce qui se passe : vous adoptez des articles de mise en accusation à la Chambre et vous refusez de les envoyer au Sénat jusqu’à ce que le Sénat mette en place un procès au goût du Speaker de la Chambre ! Ce n’est pas pour rien que nous avons une séparation des pouvoirs. Vous ne pouvez pas être à la fois Speaker de la Chambre et chef de la majorité au Sénat. »
Des réactions diverses un peu plus élaborées à la position de Pelosi, – qui s’impatiente durant ses conférences de presse du nombre de questions concernant la destitution, – on retiendra celle du colonel Lang. Il est hostile à Pelosi, comme la plupart des “réactions élaborées”, parce qu’il y en a fort peu qui soient favorables à une action de cette sorte qui installe une étrange impasse au sein du Congrès et au cœur de la crise de la destitution, également surnommée “farce de la destitution”, ou destitution-bouffe. En général, lorsqu’on est du côté des démocrates, c’est-à-dire contre Trump, on se contente de décrire l’action de Pelosi sans autres commentaires.
Lang : « J’ai regardé du début à la fin sa conférence de presse aujourd'hui. Le message de base était qu’elle n’enverra pas les articles de mise en accusation au Sénat tant que le Sénat n'aura pas accepté de mener le procès de Trump à son goût. On se lasse des qualificatifs tels qu’“étonnant” ou “stupéfiant” mais ce développement appelle à l'hyperbole. J'ai étudié la Constitution américaine de près depuis mon enfance. En fait, j'ai gagné le concours d'orateur de la Légion Américaine pour l'Etat du Maine en 1958 avec une présentation sur le sujet “La Constitution, à nous de la défendre”. Eh bien, pèlerins, si je ne suis pas pour autant un spécialiste de la Constitution, il ne faut pas beaucoup de connaissances pour savoir que la façon dont agit le Sénat en quelque affaire que ce soit, y compris cette tentative de destitution, ne concerne Pelosi absolument en rien.
» De mon point de vue, ce qui se passe c’est une tentative du parti démocrate de s'emparer du pouvoir dans tout le pays en profitant de sa victoire à la Chambre des Représentants en 2018, du contrôle de certains gouvernements d’État (la Californie et la Virginie me viennent à l'esprit), de son alliance avec ce que Dobbs appelle “les médias de l'aile gauche nationale” et de l’agitation brutale entretenue par les jeunes riches et efféminés.
» Bonne chance pour cette affaire. Ce que font les démocrates, est une étape préparatoire à un désastre politique en 2020 qui rivalisera avec celui de Corbyn en Angleterre.
» Les démocrates ont complètement perdu le sens des réalités. »
Pour notre compte, si nous ne le jugeons pas déplacé, nous jugeons ce commentaire plutôt insuffisant, nous semble-t-il, par rapport à l’importance profonde de l’acte posée par les démocrates er Nancy Pelosi. Il est vrai que « Les démocrates ont complètement perdu le sens des réalités », mais il nous semble que les autres, leurs adversaires ou disons leurs observateurs critiques sont, d’une certaine façon quoique d’une façon différente, un peu dans le même cas.
S’il s’agit d’un “farce de destitution” ou d’une “destitution-bouffe”, il reste qu’il s’agit d’une destitution dans les formes, c’est-à-dire usant de tous les mécanismes de ce centre de pouvoir essentiel du système de l’américanisme qu’est le Congrès. A notre sens, c’est de ce point de vue essentiellement qu’on peut considérer que « Les démocrates ont complètement perdu le sens des réalités », essentiellement parce qu’ils ne respectent plus en rien les mécanismes fondamentaux du pouvoir de l’américanisme. C’est bien cela qui est essentiel, plus que le résultat des élections USA-2020.
La meilleure représentation de la crise, ce qui expose le mieux les circonstances, les enjeux et les extrémismes qui s’affrontent se trouve dans une lettre de plusieurs pages que le président Trump a adressé à la Speaker de la Chambre des Représentants. Cette lettre a provoqué surprise et indignation chez nombre de commentateurs parce qu’elle est tout à fait inhabituelle, hors du décorum, des us et coutumes et des normes de la pompe habituelle du pouvoir du système de l’américanisme ; en d’autres mots plus bref, parce qu’elle expose sans fard la vérité-de-situation à “D.C.-la-folle”...
Il n’en faut pas plus pour secouer les réseaux des zombieSystème qui tentent de suivre dans les limites des convenances-PC les événements à Washington D.C. (le nom plus convenable-PC de la capitale du pouvoir du système de l’américanisme). Il y a également un long article absolument déchaîné de WSWS.org contre le fasicstic Trump (avec quelques piques acérées contre les démocrates mais cette fois le président-voyou est la cible préférée). Là encore, ce langage furieux, même si très engagé dans l’attaque contre Trump tout en cherchant à respecter une critique des démocrates, – les trotskistes ont un travail de toupie à faire dans la dénonciation absolument idéologique de la Bête Immonde aux ventres multiples, à la fois trumpiste et démocrates, – a le mérite de rendre compte d’une vérité-de-situation institutionnelle. Il suffit de savoir que lorsque tous les torts sont rejetés sur Trump par ces trotskistes fidèles à la consigne, l’on doit conclure que cette situation dont nous saisissons ainsi la vérité résulte de l’action générale du déchaînement du Système (“déchaînement de la Matière” au terme de son effort) en mode surpuissance-autodestruction....
« La lettre est, en d'autres termes, une menace de quelque chose à laquelle Trump a fait allusion au début du processus de mise en accusation, – “la guerre civile”.
» Le document est rédigé dans un langage incendiaire jamais utilisé auparavant par un président américain. Trump accuse le président de la Chambre des représentants d'avoir “des actions malveillantes”, qui montrent “un mépris sans bornes pour les fondements de l'Amérique”. Il déclare que le président de la commission des renseignements de la Chambre, Adam Schiff, a “triché et menti”, et se présente comme victime d'une “conspiration démocrate”.
» Le fait qu’un tel langage puisse être utilisé par un président à la présidente de la majorité de la Chambre témoigne de l'effondrement des formes constitutionnelles de gouvernement aux États-Unis. »
Mais le véritable héros de la séquence, bien plus que Trump, est bien notre héroïne de 79 ans. La Speaker Pelosi tient un rôle inattendu d’extrémiste et de pasionaria, alors qu’au départ de la présidence Trump elle se situait plutôt, sinon parmi les modérés certainement parmi les pragmatiques. Elle tentait notamment de discipliner ses éléments les plus dissipées (les plus gauchistes, si l’on veut), notamment les filles du Squad ; las... Il s’avère que Trump n’a pas tort, – même s’il est bien disgracieux de l’écrire, – lorsqu’il dit dans sa lettre à Pelosi :
« Votre présidence et votre parti sont pris en otage par vos représentants les plus dérangés et les plus radicaux de l'extrême gauche. Chacun de vos membres vit dans la crainte d’être dénoncé par les extrémistes socialistes de votre parti. C'est ce qui motive la mise en accusation. »
Le paradoxe de la situation actuelle est ainsi que la meneuse des démocrates contre Trump est loin d’être une frondeuse ou une extrémiste. Au début de cette année encore, elle refusait catégoriquement de s’engager dans l’aventure de la destitution, et il est difficile de penser que c’est l’affirmation grotesque d’“abus de pouvoir” de la conversation Trump-Zelenski qui l’a soudainement convaincue que l’on se trouvait désormais devant la tâche de sauver la République des griffes de ce monstre. Vieille routière connaissant la musique et les arrangements de palais, catholique fervente qui n’oublie jamais de préciser “Je prie pour le président” après avoir décrit ce qu’elle juge être ses effroyables défauts, sa corruption, ses erreurs et sa conduite illégale, elle en est venue justement à ses jugements extrêmes par la pression de l’aile gauche de son parti, mais surtout par la pression d’un climat, d’une surenchère dont elle semble bien plus la prisonnière que l’instigatrice. Finalement, “prisonnière” ou “prise en otage” par ses extrémistes, elle le fut certainement au début de la séquence du lancement du processus de la destitution mais il nous semble qu’elle en est venue très rapidement à épouser d’elle-même la cause extrême où on l’avait poussée, et surtout la haine extraordinaire contre Trump qui s’est développée et installée presque structurellement.
Devant un tel cas, il y a de quoi parler de cette sorte de pathologie qui marque tant de psychologies, d’ailleurs de son parti comme de celui de ses adversaires, d’ailleurs aux USA comme dans nombre de pays. C’est ce que nous définissons comme l’irruption de l’affectivisme qui chasse toute raison dans le jugement politique pour s’en remettre à l’émotion. Il nous paraît intéressant de rappeler quelques phrases définissant ce concept à partir du texte du Glossaire.dde…
« Comment définissons-nous l’affectivisme à partir de sa première présentation de 2012 ? Il s’agit du constat de l’effacement complet de la raison en tant qu’outil structurant de l’esprit et de son jugement dans les attitudes politiques des directions du bloc-BAO, d’abord vis-à-vis de la crise syrienne ; puis, très rapidement, ce même phénomène s’étendant dans à peu près toutes les crises qui affectent d’une façon générale tous les pays du bloc BAO. Ce fut clairement le cas des pays européens d’abord, puis des USA eux-mêmes, avec une rapidité extraordinaire pour la Grande République, avec la vigueur et l’importance opérationnelle fondamentales de la crise de l’américanisme des élections présidentielles. Il n’est donc plus question, en vérité, d’attitudes politiques au sens intellectuel de l’expression mais d’attitudes psychologiques engendrant des comportements intellectuels produisant des pseudo-“attitudes politiques”, le phénomène agissant à la fois comme conséquence et cause d’une situation effectivement métahistorique ; c’est-à-dire, ce phénomène suscité par des facteurs nés d’éléments métahistoriques tendant à constituer une situation de cet ordre et agissant à son tour comme détonateur pour accélérer la consolidation de cette situation métahistorique.
» Nous parlons bien entendu d’une raison que nous considérons comme subvertie (voir la “raison-subvertie”, dans le Glossaire.dde), donc extraordinairement affaiblie et surtout agissant en complète inversion de son orientation naturelle, sous l’influence du “déchaînement de la Matière” et du Système. Le constat est effectivement que l’effacement d’une raison efficace, une raison “loyale à la perception de la réalité”, ouvre la porte au déferlement de l’affect en termes psychologiques, ou pure affectivité, dans les réactions aux diverses situations de crise qui intéressent directement les esprits concernés, et conduit à une extrême rapidité de la prolifération et de l’opérationnalisation de ces réactions sous la pression de la communication. Cet affect n’est évidemment pas suscité par un plan général et humain de manipulation puisqu’on a vu que la raison, qui seule peut produire humainement de tels plans, est absente dans son rôle habituel de rangement des ambitions et des projets humains. »
Constatant l’extension extraordinaire du phénomène qui n’épargne personne, aucune catégorie de personnes surtout dans les marches du pouvoir où le Système est d’une extrême influence (en un sens, Trump agit autant par affectivisme-de-businessman que Pelosi pour son domaine), on est conduit à offrir un diagnostic de pathologie directement contractée à partir de la proximité du Système, de son influence et même de son attraction au sens physique du terme. Il s’agit donc d’une pathologie, non pas du type pandémique habituel, ou de toute autre sorte de causes physiques ou physiologiques, mais bien d’une pathologie par influence dont les émetteurs sont à rechercher hors des habituelles manigances humaines, hors des activités humaines su l’on veut.
Le comportement de Pelosi est à cet égard un exemple tout à fait démonstratif. Il y a chez cette femme âgée, expérimentée, professionnelle de la politique, etc., une persistance dans la déraison dans la mesure où toute son action actuelle constitue une tentative d’une puissance exceptionnelle non pas de sabotage, mais de sabordage du système du pouvoir de l’américanisme. Cette tactique qu’elle semble vouloir adopter de refuser de transmettre au Sénat hors de certaines conditions les deux articles votés à la Chambre pour que le Sénat en juge, représente un détournement redoutablement “dangereux” pour le puissant édifice que représentent la Constitution et les structures du pouvoir de l’américanisme. (On reprend ici le mot [“dangereux”] du sénateur Lindsey Graham qui abandonne un instant ses palinodies stupides de neocon belliciste et parle alors en président de la commission judiciaire du Sénat, attentif à la loi [la Constitution], et encore plus à l’esprit de la loi.)
Le “danger” est bien entendu que ce puissant édifice législatif est aussi d’une extrême fragilité si ceux qui en usent ne jouent plus le jeu. Certes, Trump a posé beaucoup d’actes d’“abus de pouvoir” (quoiqu’on hésite devant l’accusation hystérique de WSWS.org, – les trotskistes sombrent également dans l’affectivisme, comme vous et moi, sinon plus que vous et moi, – selon lequel il aurait fait “torturer des centaines de milliers” d’enfants immigrants illégaux dans les camps à la frontière Sud.)
Mais cette sorte d’abus, c’est le lot de la plupart des présidents, surtout depuis Franklin D. Roosevelt qui a inauguré la “présidence impériale” ; en un sens, il s’agit d’abus de circonstance (selon l’homme en place) et d’abus selon les circonstances politiques. Rien qui ne touche fondamentalement à l’édifice du pouvoir de l’américanisme. Par contre, ce que font Pelosi et les démocrates, c’est une démarche dont l’effet pourrait conduire au démantèlement du Congrès lui-même, dans les rapports entre la Chambre et le Sénat. Il n’y a rien de plus déstabilisant pour un pays comme les USA, qui n’a aucun fondement historique, qui fait se côtoyer des cultures et des communautés différentes sinon parfois hostiles, qui se trouve aujourd’hui dans une phase sans précédent de “guerre civile froide”, qui se réchauffe ici et là. La seule référence “impériale”, majestueuse et grandiose, et avec la solidité supposée et affirmée de la Loi, ce sont les institutions dont le Congrès est la plus importante sans nul doute. L’attaque de son autorité, de sa régularité, de sa stabilité majestueuses et grandioses est un acte terrible, et la preuve que les démocrates, avec à leur tête une étrange Jeanne d’Arc quasi-octogénaire, ont ouvert avec leur affectivisme les portes sur l’enfer et ses influences les plus diaboliques.