Il y a 3 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.
1349Nous avons noté la chose, d’abord sans y prendre garde, puis, peu à peu, en y voyant une réelle signification, sans aucun doute d’un point de vue symbolique qui est si important… Il s’agit de l’interview de Karl Denninger, un des fondateurs de Tea Party, que nous présentons par ailleurs ce 15 octobre 2011. Le site RAW Story reprend, ce 14 octobre 2011, l’intégralité du texte de Russia Today, sur cette affaire ô combien typiquement intérieure aux USA, comprenant l’interview d’une personnalité appartenant ô combien au monde des USA. Outre la reconnaissance du travail de RT sur la situation intérieure US, cela apparaît pour nous comme un exemple d’une reconnaissance implicite de l’“ouverture” des affaires intérieures US au monde extérieur, la reconnaissance que le monde extérieur a effectivement des choses à dire sur la situation intérieure aux USA, et des choses qui comptent ; c’est la fin d’un certain “isolationnisme intellectuel” US, qui valait même chez les “dissidents”, comme les gens de RAW Story ou d’un site comme Antiwar.com…
On retrouve cette idée, exprimée plus largement, et plus clairement parce que ce chroniqueur est particulièrement lucide, chez Tom Engelhardt, ce 13 octobre 2011, dans le texte d’introduction de Engelhardt à l’excellent texte consacré à Occupy Wall Street de Steve Fraser, un auteur expérimenté des affaires de Wall Street. Engelhardt écrit notamment à propos de Occupy Wall Street, en soulignant d’ailleurs les multiples contradictions du désordre bordélique que constituent les multiples programmes d’aide à la subversion extérieure des agences et départements divers du gouvernement US, – cela permettant un aspect particulièrement savoureux de ce que Chalmers Johnson nommait l’effet “blowback”, en parlant des effets pervers des diverses opérations sordides de la CIA, qui revenaient, “en retour”, en pleine poire de la formidable agence de renseignement de Langley :
«Last weekend, in Washington Square Park in downtown Manhattan at a giant mill-in, teach-in, whatever-in-extension of Occupy Wall Street’s camp-out in Zuccotti Park, there was a moment to remember. Under what can only be called a summer sun, a contingent from the Egyptian Association for Change, USA, came marching in, their “Support Occupy Wall Street” banners held high (in Arabic and English), chanting about Cairo’s Tahrir Square (where some of them had previously camped out). The energy level of the crowd rose to buzz-level and cheers broke out.
»And little wonder. After all, it was a moment for the history books. An American protest movement had taken its most essential strategic act directly from an Egyptian movement for democracy: camp out and don’t go home. It had then added (as one of the Egyptians pointed out to me) a key tactic of that movement, the widespread and brilliant use of social media to jumpstart events. And keep in mind that some of the Egyptian organizers at Tahrir Square had been trained in social networking by organizations like the International Republican Institute and the Democratic National Institute (created and indirectly funded by the U.S. Congress). Now, the American version of the same is being re-exported to the world. Try to unravel that one if you will -- and while you’re at it, toss out the great myth of American non-protest of these last years: that going online, Facebooking, and tweeting were pacifiers that suppressed in the young the possibility of actually heading into the streets and doing something.»
Non, non, ce n’est pas de l’anecdote, c’est du fondamental. L’“isolationnisme intellectuel” des USA, qui est plutôt l’enfant d’une sorte d’isolement de la psychologie américaniste du reste du monde, est un fait culturel majeur. L’ouverture, – ô combien, et éventuellement forcée, – du reste du monde à la pénétration US n’a jamais été balancée par une ouverture à mesure des USA au reste du monde. (Sauf peut-être, cas extrêmement spécifique, pour la France vis-à-vis des USA, en raison des liens très particuliers, et s’exprimant très vite par une influence française sur la dissidence US… Encore, les “dissidents” venaient-ils à Paris, comme les écrivains, les cinéastes, les peintres à partir de la fin du XIXème, pour s’imprégner d’influence française, avant de retourner vers des USA toujours aussi cadenassés psychologiquement vis-à-vis de l’extérieur. Voir, sur cette question, deux parties successives de La grâce de l’Histoire, les deuxième et troisième parties.)
Il reste qu’aujourd’hui, la pénétration de l’influence extérieure est patente, avec les effets notamment du “printemps arabe” et des mouvements d’“indignés” en Europe. La chose était déjà perceptible avec les événements de Madison, dans le Wisconsin, en février dernier. Aujourd’hui, elle est officielle et même revendiquée, avec la révélation d’une aide concrète, y compris au niveau de systèmes de technologies de l’information, notamment venue d’Espagne (les “indignés”) vers Occupy Wall Street. Mais c’est surtout la dimension psychologique et culturelle qui est essentielle. C’est effectivement la première fois qu’un mouvement social de grande ampleur, démarré ailleurs (pays arabes et Europe) inspire un mouvement social sans doute d’ampleur similaire aux USA, voire éventuellement d’ampleur plus grande. (Au contraire des années 1960, où les troubles socio-politiques aux USA avaient démarré avec le mouvement d’émancipation des Noirs, spécifique aux USA, et le mouvement estudiantin anti-Vietnam, également spécifique aux USA. Le second, particulièrement, s’était répandu dans le reste du monde, essentiellement à partir de 1967-68, toujours dans le sens USA vers le reste du monde.)
Il est effectivement impératif de ne pas s’en tenir, dans ce cas, aux seuls aspects sociaux et politiques (lesquels, pour ces derniers surtout, sont extrêmement vagues). Il s’agit d’une contagion essentiellement psychologique, une extension de l’état d’esprit, la psychologie américaniste s’ouvrant à la colère existentielle dans diverses parties du monde, marquant effectivement une pression psychologique d'une force considérable. Ainsi, la puissante forteresse US, “protégée” du reste du monde (de l’infection du reste du monde) plus encore par sa psychologie spécifique et largement emprisonnée que par toutes les mesures de surveillance imaginables, s’ouvre-t-elle pour la première fois à l’extérieur du monde. Ce n’est ni un paradoxe ni une surprise que ce soit pour une révolte, et sans doute pour les prémisses de la Chute. Cette ouverture elle-même implique un formidable affaiblissement de la psychologie-Système qui gardait la cohésion des USA. Il s’agit donc bien,selon tous les aspects de la logique du phénomène, de la dynamique de la Chute.
Mis en ligne le 15 octobre 2011 à 14H06
Forum — Charger les commentaires