Les variations de John McCain et le conformisme de système

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Sam Stein, publiant sur le site Huffington Post, a joliment déterré des déclarations de John McCain sur la situation en Irak et ce qu’il convient de faire datant de 2005. Il les rappelle dans son texte du 28 avril. En les lisant, il faut avoir à l’esprit que la position de McCain aujourd’hui est que les USA sont en train de gagner en Irak, qu’il faut absolument qu’ils y restent pour conduire la bataille, qu’il faudrait qu’ils y restent 100 ans si cela était nécessaire, même en absence de toute violence, c’est-à-dire après l’inéluctable victoire US.

Voici le passage sur ces déclarations de McCain, qui datent de 2005:

«Three years before the Arizona Republican argued on the campaign trail that U.S. forces could be in Iraq for 100 years in the absence of violence, he decried the very concept of a long-term troop presence.

»In fact, when asked specifically if he thought the U.S. military should set up shop in Iraq along the lines of what has been established in post-WWII Germany or Japan – something McCain has repeatedly advocated during the campaign – the senator offered nothing short of a categorical “no.”

»“I would hope that we could bring them all home,” he said on MSNBC. “I would hope that we would probably leave some military advisers, as we have in other countries, to help them with their training and equipment and that kind of stuff.”

»Host Chris Matthews pressed McCain on the issue. “You've heard the ideological argument to keep U.S. forces in the Middle East. I've heard it from the hawks. They say, keep United States military presence in the Middle East, like we have with the 7th Fleet in Asia. We have the German...the South Korean component. Do you think we could get along without it?”

»McCain held fast, rejecting the very policy he urges today. “I not only think we could get along without it, but I think one of our big problems has been the fact that many Iraqis resent American military presence,” he responded. “And I don't pretend to know exactly Iraqi public opinion. But as soon as we can reduce our visibility as much as possible, the better I think it is going to be.”»

Bon exemple de la géomêtrie variable des politiciens mais, surtout, exemple éclairant de la façon dont la guerre en Irak et la politique de présence militaire massive qui va avec sont un des fondements du conformisme américaniste actuel et des exigences du système. (De ce point de vue, confirmation est donnée par la position des deux démocrates sur la question, où ils sont extraordinairement prudents malgré toutes les données politiques qui devraient les pousser à prendre une position nettement hostile à la politique actuelle, – quelle que soit la politique que l’un ou l’autre développerait en cas d’élection: victoire massive du parti démocrate en novembre 2006 sur un thème implicitement anti-guerre, immense impopularité de la guerre aux USA, etc.)

Il est vrai que McCain, lorsqu’il n’avait pas d’ambitions présidentielles, avait une position complètement différente sur la guerre. D’abord favorable, il changea, de façon assez logique, avec la fortune (l’infortune) de la guerre et prôna un retrait complet dès que possible comme on le voit dans ses déclarations. Le changement qui nous intéresse vient avec la perspective de l’élection. Il n’est pas raisonnable de parler de démagogie au sens courant du mot, puisque l’écrasante majorité de la population US est dès 2006 contre la guerre et le reste; sa position serait alors anti-démagogique puisqu’il va contre l’opinion populaire. Il n’est pas raisonnable non plus d’avancer l’argument de la pression de l’administration puisque cette administration est complètement discréditée et son influence est à mesure. Le parti républicain a subi la même “mue” que McCain: devenu prudemment critique de la guerre après sa défaite de novembre 2006, il est revenu sur cette position, malgré la constance de l’opinion publique contre la guerre. Même l’opinion de l’establishment, très marquée en 2006, a du être abandonnée; on l’a vu avec l’aventure de l’Iraq Study Group, qui avait réuni une majorité d’opinion pour un plan de retrait progressif d’Irak et qui a finalement capitulé fin 2006.

Il faut donc réellement parler de la pression d’un système et du conformisme qu’il génère. Washington n’arrive pas à se débarrasser de cette pression qui est dans le sens de l’extrémisme, du refus de toute décision qui pourrait apparaître comme un certain recul de l’affirmation de la puissance. Washington est prisonnier de son propre système, lequel est prisonnier de son engagement en Irak. Sur ce sujet central, qui détermine tous les autres (y compris l’économie), la politique US est entièrement conditionnée par ce facteur intérieur d’allégeance complète à un système qui dicte sa loi extrémiste.

C’est dans ce cadre que le caractère de McCain introduit un élément de grave danger. Enfermé dans ce conformisme de système, – et il le sera plus encore s’il est élu, puisqu’alors placé au coeur d’un des centres du système, – les variations de sa politique tiendront à son caractère qu’on sait coléreux et incontrôlable. Cet aspect des choses renforcera encore, dans une perspective imprudente de maximalisme d’humeur, la perspective belliciste imposée par ce conformisme.


Mis en ligne le 29 avril 2008 à 10H10