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2 mai 2003 — La visite à Moscou de Tony Blair, le 29 avril, a été un échec spectaculaire, comme le PM britannique sait nous offrir ces derniers temps, impromptus, bien cinglants, très inattendus, etc. Le Premier ministre britannique rencontrait Poutine pour deux raisons, l’une stratégique et l’autre tactique :
• Tenter de contribuer à refaire une unité de la communauté internationale après la guerre en Irak, en convainquant les Russes d’abandonner leur attitude hostile qui les fit figurer dans le “front anti-guerre” avec la France et l’Allemagne. Ce projet renvoie à une vision de Blair des relations internationales, qu’il a exposée avec précision à Moscou, en quelques mots. C’est l’aspect stratégique.
• En faisant sortir la Russie du “front anti-guerre”, affaiblir l’axe franco-allemand et renforcer la position britannique en Europe. C’est l’aspect tactique.
L’échec est complet, il est même cuisant, et cela est un enseignement important, qui indique combien l’opposition à l’Amérique et à son activisme est plus de nature fondamentale (stratégique) que tactique (liée à une circonstance, comme la guerre en Irak). (Il n’est pas sûr que les Britanniques, totalement aveuglés par les contraintes d’une alliance US à la limite du supportable, admettent cette explication. On notait que des analystes du Foreign Office avançaient encore, après les incidents de Moscou, que l’attitude de Poutine était justifiée par sa volonté de plaire à son opinion publique.)
Poutine s’est exprimé d’une façon extrêmement claire pour repousser toute possibilité d’arrangement dans l’état actuel des choses. Son intervention a été particulièrement incisive et brutale. La voici, telle que la rapporte The Guardian :
« Mr Putin said Russia and its partners “believe until clarity is achieved over whether weapons of mass destruction exist in Iraq, sanctions should be kept in place”. Almost mocking Mr Blair, he went on: “Where is Saddam? Where are those arsenals of weapons of mass destruction, if indeed they ever existed? Perhaps Saddam is still hiding somewhere in a bunker underground, sitting on cases of weapons of mass destruction and is preparing to blow the whole thing up and bring down the lives of thousands of Iraqi people.”
» He added that sanctions could not be lifted since they had been introduced because Iraq had weapons of mass destruction.“It is only the security council that is in a position to lift those sanctions, after all they introduced them.”
» He also derided Mr Blair's talk of a new world order, saying: “If the decision-making process in such a framework is democratic then that is something we could agree with, but if decisions are being made by just one member of the international community and all the others are required to support them that is something we could not find acceptable.”
» Mr Putin insisted that the weapons inspectors could return now so that they could be summoned to any site in Iraq to make a “professional conclusion” on whether the weapons existed. The inspectors could be protected by UN or blue-helmeted soldiers along the line of the settlement reached in Afghanistan. He added that Russia was in a position to take immediate steps. »
Dans l’extrait que nous présentons, une allusion de Poutine concerne l’évocation par Tony Blair d’une nouvelle organisation des relations internationales (« Mr Blair's talk of a new world order »). Ce point concerne une déclaration extrêmement pressante de Blair sur la nouvelle organisation du monde, qui doit être, selon lui, un regroupement unilatéral derrière les USA, sans la moindre hésitation ni réserve. Ce qui est caractéristique, c’est à la fois le ton pathétique de l’intervention de Blair, et à la fois le mur d’hostilité russe (pour ne pas parler du reste) auquel elle se heurte. Nous sommes là au coeur du problème général actuel.
Voici ce que Blair déclare, selon deux versions de The Independent, un article de Andrew Grice du 30 avril, et un autre du même Grice et de John Firchfield, du même 30 avril.
:
« The Prime Minister warned of the “real danger” to the international community if it did not put behind it divisions caused by the Iraq conflict. “I think that it can be made to work, but it requires goodwill and it requires a real vision and acceptance that this strategic partnership is the only alternative to a world which would break up into different poles of power, acting as rivals to one another, with every single dispute in the world being played off against these different poles of power. That is a real danger for our world.” »
(...)
« A grim-faced Mr Blair said: “I don't think there is any point in trying to gloss over the differences there have been.” Renewing his attack on France, he warned that there was “a real danger for our world” if it broke into “different poles of power, acting as rivals”. The Prime Minister's repeated criticism of France has further soured ties between London and Paris, which is furious at Mr Blair's suggestion that it wants to break the transatlantic alliance. »
En un sens, c’est une déclaration effrayante, — « a real danger for our world », dit-il, si, en un mot, les récalcitrants ne s’alignent pas sur les USA (principalement, France, Allemagne, Russie, et puis les autres, qui ne se comptent pas sur les seuls doigts d’une seule main). D’où vient ce “danger” ? On imagine mal la France ou la Russie menacer ... les USA, — si l’organisation du monde n’est pas unipolaire et l’alignement impeccable. Alors, le danger viendrait-il des USA ? C’est de cela que parle Tony Blair ? Sa proposition d’un « new world order » a un aspect drôlement pathétique. Pour la première fois, de manière implicite mais que nous jugeons pas si obscure que cela, le Premier ministre nous parle en termes de danger et non plus en termes politiques, c’est-à-dire qu’il parle d’affrontement(s) possible(s).