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1344• Les négociations USA-Russie sur l’Ukraine sont pour l’instant dans une phase, non pas de paralysie mais d’observation. • Deux groupes se sont formés autour du président Trump, qui défendent des politiques différentes : très proche des neocon , le groupe Waltz-Rubio-Kellogg ; beaucoup plus réaliste et proche des revendications russes, le groupe Witkoff-Vance-Gabbard. • Trump hésite-t-il entre les deux voies ? Manœuvre-t-il ? Tout cela reste à voir. • Une autre chose reste à voir : la relation entre l’offensive des tarifs et l’Ukraine.
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Une bataille qu’on peut qualifier de féroce, même si elle n’est pas directe, se déroule en ce moment à Washington, autour de Trump. Elle oppose deux groupes de conseillers avec pour enjeu la définition de la conduite à suivre face aux Russes, à propos de l’Ukraine. Depuis deux semaines, les négociations sont stoppées, achoppant sur la ligne irréfragable des Russes qui ne veulent pas entendre parler d’un cessez-le-feu temporaire, entouré de belles paroles, et débouchant sur une sorte de Minsk-3 qui n’entérinerait pas leurs revendications essentielles avant d’être trahi par les Occidentaux une fois les Ukrainiens réarmés et réorganisés. D’après RT.com :
« Un envoyé de Poutine à Washington, Dimlitri Dmitiev, a obtenu de bons résultats mais a constaté également que cela était entravé par l’autre groupe, hostile à cette possibilité d’accord.
» ”Certains pays et responsables politiques ne souhaitent pas de relations positives entre Moscou et Washington”, a affirmé Kirill Dmitriev, envoyé spécial du président Vladimir Poutine pour les investissements. Il a fait cette déclaration à l'issue d'un rare voyage de trois jours à Washington, où il a rencontré de hauts responsables américains.
» “Différents pays tentent de faire dérailler ce dialogue et le rétablissement des relations russo-américaines”, a déclaré Dmitriev aux journalistes jeudi soir. Il a souligné que les négociations étaient accompagnées de “nombreuses rumeurs, de citations inexactes et d'interprétations erronées”.
» “Nombreux sont ceux qui cherchent à entraver le développement de nos relations. Nous assistons à une campagne coordonnée dans les médias, à des tentatives de la part de divers responsables politiques de saper les relations entre la Russie et les États-Unis et de déformer les déclarations de la Russie”, a déclaré le diplomate. “Cela se produit quotidiennement”.
» “Le meilleur moyen de lutter contre la désinformation est le dialogue direct”, a-t-il souligné. »
Un très long extrait du programme d’Alexander Mercouris du 5 avril (passage entre vingtième et quarantième minute de la vidéo) donne de très nombreuses indications sur les principaux groupes qui s’affrontent, au sein de l’équipe Trump. Dmitriev a rencontré principalement Steve Witkoff, ami proche de Trump et son principal envoyé sur les théâtres de crises en cours, – une sorte de second secrétaire d’État, très proche de Trump et que Rubio ne doit pas nécessairement apprécier. Dmitriev est allé à Washington en tant que chargé des investissements, face à Witkoff qui est un homme d’affaires très actif dans ce domaine, pour discuter de sujets bien polus larges que l’Ukraine. Mais pour l’instant, la question ukrainienne bloque tout le reste.
En fait, Dmitriev a rencontré tout un groupe de responsables de l’administration. Au côté de Witkoff, il y avait notamment le vice-président Vance et la directrice du renseignement national (DNI) Tulsi Gabbard. Ce groupe est fait de pragmatiques qui veulent un arrangement avec les Russes et sont prêts à répondre positivement à nombre de leurs exigences.
Le groupe adverse au sein de l’administration est regroupé autour du conseiller à la sécurité nationale de Trump, Mike Waltz, le général Kellogg et le secrétaire d’État Rubio. Ce dernier est le moins engagé et reste en relation avec l’autre groupe, notamment au contact de JD Vance qui tient évidemment une place très importante. Ce groupe veut un cessez-le-feu immédiat et sans condition, au cours duquel seraient élaborées certaines mesures, mais sans aucune garantie et certainement pas l’essentiel de ce que réclament les Russes. Effectivement, une sorte de Minsk-3 pour préparer une reprise des combats, – selon les Russes, et complètement selon le jugement de Mercouris.
« Les Russes oint dit et répété depuis des mois et des mois, sinon des années, qu’une telle formule d’un cessez-le-feu sans conditions ni garanties étaient absolument inacceptables pour eux. Ils n’ont pas changé d’un rouble. Ce groupe est là pour empêcher un accord et faire durer la guerre, une sorte de continuation de la politique Biden... » (Mercouris)
On peut se demander pourquoi Trump laisse cohabiter deux groupes qui s’opposent sur la question ukrainienne pourtant si importante pour le président. Plusieurs hypothèses sont proposées par Mercouris :
• Il s’agit de ne pas trop heurter la pensée conventionnelle washingtonienne, type DeepState et neocon.
• D’autre part et dans le même sens, il importerai de donner une certaine satisfaction au groupe de parlementaires républicains (les RINO) qui restent de cette tendance, notamment le très-puissant et extrêmement belliciste Lindsay Graham dont Trump a besoin du soutien pour les affaires intérieures.
• Il est également envisagé un autre argument, selon lequel il s’agit de ne pas donner l’impression d’une défaite US ou d’un recul face à la Russie.
• Enfin, on peut penser qu’il faut faire croire aux Russes qu’il y a une réelle opposition à leurs exigences et qu’ils doivent céder s’ils veulent effectivement un arrangement. Cette hypothèse explique notamment que Trump ait choisi quelques dirigeants qui ne suivent pas exactement sa ligne, sinon pas du tout.
Toutes ces hypothèses tendraient à renforcer l’idée que Trump essaie de tenir le plus possible, éventuellement en obtenant quelques concessions des Russes, mais qu’au bout du compte il veut absolument un dégagement de l’Ukraine. C’est le point de vue de Mercouris, qui ajoute que Trump a certainement été très occupé cette dernière quinzaine par les décisions fondamentales sur les tarifs, qu’il a eu tendance à ramener à une place moins prioritaire l’affaire ukrainienne. De toutes les façons, Mercouris ne cesse de répéter combien les USA entretiennent d’illusions sur la possibilité d’obtenir un recul des Russes sur les exigences pour eux fondamentales qu’ils mettent en avant.
Il faut aussi remarquer un autre aspect de la situation qui relie encore plus la question des tarifs, et donc la mort de la globalisation, et la question ukrainienne. Il ne fait aucun doute que le conflit ukrainien doit cesser, et d’une façon qui satisfasse Moscou, si Trump veut à la fois obtenir le soutien de Moscou dans son offensive décisive contre la globalisation, et d’autre obtenir le soutien d’un certain nombre d’autres pays qui sont extrêmement importants pour son entreprise.
De ce point de vue, on peut comprendre que Trump estime devoir mettre d’abord en place son dispositif des tarifs avant de pousser vers un arrangement avec la Russie sur l’Ukraine, d’autant qu’il a besoin pour le soutien de son dispositif de l’aide de parlementaires comme Lindsay Graham justement.
Mais dire tout cela, c’est estimer que Trump est prêt à céder aux Russes dès que les conditions générales le permettront. La logique semblerait soutenir cette observation : on ne voit pas comment le grand plan global de Trump pourrait marcher si l’abcès purulent de l’Ukraine n’est pas éradiqué une fois pour toutes. Enfin, il est généralement admis que le désintérêt de Trump pour l’Ukraine est grand, presqu’aussi grand que l’antipathie qu’il éprouve pour Zelinski.
MLis en ligne le 6 avril 2025 à 15H00