L'été dernier

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L'été dernier

L’été dernier se rappellera-t-il à nous qui sommes noyés dans un ciel qui ne sait plus retenir ses ondées quand ne s’en abattent pas des torrents qui nous lavent et nous laissent inondés de lessives bleues intempestives ?

L’été dernier, nous nous assoupissions à l’ombre tiédie des eucalyptus, doucement les après-midi déroulaient leur attente de la fin du jour pour que s’étanche enfin dans une explosion de dattes et de coriandre la soif consentie.

Le 6 août, le monde apprenait que Standart and Poor’s, une agence de notation américaine certifiée pour évaluer les risques qu’une firme ou un organisme et bientôt les États fassent défaut vis-à-vis de ses bailleurs de fonds abaissait la cote de l’État fédéral étasunien de AAA à AA+. Il découvrait avec stupeur que le suzerain était faillible.

L’horizon s’il avait été vu vers le couchant n’était empreint pourtant d’aucune sérénité. La possibilité d’un déclassement de la cote de crédit du gouvernement étasunien était évoquée dès 2004. (1) N’eût été leur puissance militaire, ils dépensent à eux seuls plus de la moitié du budget militaire de la planète depuis des décennies, la perte de leurs A aurait eu lieu plus tôt.

Depuis, une croissance très modeste accompagnée d’une absence de réforme fiscale malgré les coupes dans les budgets sociaux n’offre pas les conditions d’espérer l’initiation d’une résorption de la dette marquée dans son évolution d’une inflexion très nette entre 2008 et 2009 pour le sauvetage des institutions financières privées.

La sécurité des Jeux Olympiques a été retirée à la firme géante G4S transnationale et transcontinentale, employant plus de 500000 personnes de par le monde, célèbre pour fournir ses services dans les centres de détention des prisonniers politiques palestiniens pendant que des missiles sol-air ont été déployés pour protéger certains sites à Londres.

Voici une séquence de plus où se joue à guichets ouverts devant des foules inertes la scène de l’État impuissant déléguant sa souveraineté à une entreprise privée elle-même défaillante car hypertrophiée et minée par le profit et l’exhibition d’un matériel militaire de défense disproportionné et dérisoirement inadéquat pour la circonstance à l’usage de ces mêmes foules gérées par l’hypnose médiatique.

Des trombes détrempent la terre qui refuse cette eau estivale inopportune, Libor inclus, nous obligeant à patauger entre flaques et marigots, et éviter ruines et décombres éléments résiduels encore disponibles du décor occidental.

Stagnation.

Croissance négative.

Pour la première fois, la demande en énergie fossile du monde ‘émergent’ excèdera celle du monde occidental l’an prochain.

Ce petit indice peut être annonciateur d’un bouleversement total du marché du pétrole, autant dire une inversion de la marche du monde.

Le besoin des pays n’appartenant pas à l’OCDE sera de 47 millions barils jour versus 600.000 barils jours pour les membres du club de l’OCDE.

L’augmentation de la demande globale mondiale en barils est passée de 700.000 par jour en 2011 à 800.000 en 2012 et est prévue à 1 million en 2013 dans le contexte de dépression de l’eurozone et de la stagnation des Us(a)-Japon.

Le prix du baril est volatile, sanctions contre l’Iran et spéculation débridée obligent, mais cette volatilité se maintient dans un couloir de valeurs hautes.

Cette tension sur son prix a au moins un double effet, l’enrichissement des producteurs, dont fait partie malgré tout l’Iran, même contraint dans le petit tunnel de ses débouchés.

Elle surtout rend profitable l’exploitation de réserves de pétrole moins faciles d’accès que celles de l’Orient arabe et licite l’extraction de pétrole de qualité moindre, plus lourd et soufré.

L’intérêt stratégique pour la région va décliner.

Le reflux est déjà entamé.

L’installation des bases étasuniennes en Australie face à la Chine, les guerres en Afrique en témoignent. L’agitation qataro-séoudienne aussi.

Le pantin Sarkösi et son délégué chevelu au poitrail dénudé ont exécuté la partition libyenne dans l’ignorance du contenu du livret dans son ensemble. La nouvelle marionnette normalisée semble actionnée au fil de la même rhétorique en Syrie, impotente et aveugle, engoncée dans une Europe que lui barre une Allemagne engagée depuis des décennies vers son levant russe.

Dans moins d’une décennie, les Palestiniens recouvriront leur patrie pleine et entière, ouverte à tous ses citoyens. Ils auront su résister.

Cette région du monde aura perdu son intérêt stratégique. L’annonce cette semaine d’un député du Likoud qu’une assistance israélienne est fournie aux réfugiés syriens en Turquie souligne ave ostentation l’ingérence de l’entité sioniste tétanisée par la montée islamiste dans la région et livrée bientôt à elle-même quand son tuteur taille dans son budget. De plus, son marché de la sécurité, c’est-à-dire la vente d’armements, s’essouffle depuis que l’Inde refuse pour une dizaine d’années de commercer avec les entreprises israéliennes pour corruption majeure avérée.

La puissance impériale qui avait noué là sa destinée hégémonique parce que son économie était basée machine à explosion mise au point par un certain Benz consommatrice de pétrole s’est épuisée de l’exercice vain de cette puissance même, traduite en pacotilles qui rouillent fichées dans un cimetière de ferrailles.

Alors, cet été, un vent d’Est éclaircira-t-il les nuées amoncelées et furieuses ?

Badia Benjelloun

Note

(1) La crise du capitalisme américain, Paul Jorion, page 17, éditions du Croquant.