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372A-t-on observé la curieuse similitude d’attitude entre Tony Blair et Paul Wolfowitz ? Blair annonce le 9 mai qu’il démissionnera fin juin (le 27 ? Le 28 ? Paris ouverts) de son poste de Premier ministre britannique, Wolfowitz annonce le 17 mai qu’il démissionne et quittera le 30 juin son poste de directeur de la Banque Mondiale. Nommons cela une “démission 30 jours fin de mois”, comme les factures. Ces démissions viennent évidemment après des semaines ou des mois de crise (crise chronique dans le cas de Blair, depuis le début de la guerre en Irak), c’est-à-dire dans le cadre d’un pouvoir d’ores et déjà notablement affaibli.
On comprend fort bien ce qui se passe. Malgré la crise déjà ouverte et pressante, on prend son temps, on dispose de son départ selon les convenances et les opportunités. Les deux hommes ont tellement sombré dans l’infamie, de diverses façons et de toutes les façons, qu’il importe que leurs départs n’apparaissent pas trop comme une sanction. Paradoxal ? Pas vraiment.
Il existe une solidarité, voire une complicité des coquins, ou des “scélérats” comme écrit notre bon Joseph de Maistre. L’infamie est expédiée rapidement ; du style «mistakes have been made», comme a commenté sobrement et d’une façon surréaliste Wolfowitz, annonçant sa démission. En d’autres termes, il n’y a rien de précis à leur reprocher et leur départ a l’air d’une retraite bien méritée ou d’un changement de plan de carrière finement calculé. (L’un et l’autre vont poursuivre dans le “Circuit” pour bons et loyaux services : conférences, livres de souvenirs, fonctions d’administration, nouvelle fonction importante, tout cela avec des chiffres à six ou sept zéros en dollars en perspective.). Tout se termine en général par des applaudissements convenus derrière les habituelles intrigues. Tony Blair, le plus catastrophique PM de l’histoire du Royaume-Uni après tout, cultivant les mensonges d’Etat et les mensonges du tout-venant transformés en mensonges d’Etat, portant sur la conscience des aventures militaristes catastrophiques avec le sang qui va avec, est unanimement applaudi comme un homme audacieux, entreprenant, conquérant. Wolfowitz, c’est l’homme de l’Irak avant d’être celui de la Banque Mondiale, un vrai calibre, un cerveau, concepteur jalousement considéré de la plus grande catastrophe de l’époque, récompensé par sa nomination à la banque.
L’époque ? Etrange époque. Ces gens organisent ainsi, par la mise en scène de leurs apparences, le désordre mortel du pouvoir qu’ils sont censés défendre et dont ils devraient entretenir la puissance pour l’avantage de leur caste. Mais il y a longtemps qu’ils ont perdu même ce sens du service de leur intérêt général. Ce qui importe, effectivement, c’est l’apparence salvatrice.
Ils peuvent argumenter sur cette apparence de raison, il n’en reste pas moins qu’on se trouve, dans les six semaines qui viennent, pour les deux cas cités, dans le cas d’une vacance supplémentaire du pouvoir qui va encore accentuer tous les caractères de la paralysie du pouvoir. Tout cela fait partie de la même dégradation du système, dont on trouve ainsi des traces jusque dans les moindres procédures.
Mis en ligne le 19 mai 2007 à 13H54