L’étrange histoire de Benjamin Button

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L’étrange histoire de Benjamin Button

L’étrange histoire de Benjamin Button est un film de David Fincher d’après une nouvelle de Francis Scott Fitzgerald écrite en 1921. Cate Blanchett, Brad Pitt et quelques autres inconnus en sont les acteurs de talent.

Une mère entourée de sa fille meurt sur un lit d’hôpital. Elle raconte son histoire qui est d’abord l’histoire d’une pendule fabriquée par un aveugle. On l’inaugure dans la gare de New-Orleans le jour de la signature de la paix, le 11 novembre 1918. Ce jour là, on ôte à la pendule le voile qui la dissimulait et celle-ci, sur l’ordre de son constructeur, se met en route… à reculons ! L’aveugle prend alors la parole devant une foule médusée venue assister au dévoilement. Il explique que faire marcher le temps en arrière c’est faire que des évènements terribles -comme ceux de la guerre récente- s’abolissent, que ses morts reviennent. Emu, le public adopte la pendule qui recule. Voilà le début de la nouvelle. L’autre, cachée dans les rouages, commence.

C’est celle d’un enfant qui nait à l’âge de quatre vingt ans et qui donc va vivre sa vie à l’envers. C’est l’avantage du cinéma de pouvoir nous montrer un bébé ridé, horrible, ce que la littérature ne peut faire. C’est le début d’un film d’horreur qui finit en film d’amour. Le père, épouvanté, veut tuer le bébé puis le dépose devant une maison où il est recueilli et élevé par une mère noire, deuxième mère du film, qui ne veut pas le donner à l’assistance publique. Ça tombe bien elle dirige une maison de retraite pour vieux et donc Benjamin va commencer sa vie rajeunissante parmi les vieillissants. Dans cette maison il y a une petite fille qui joue avec lui puisqu’il est petit. Ils s’aiment bien. Benjamin grandit en rajeunissant et devient peu à peu beau jeune homme et bel homme mûr. Le destin de la vie lui fait rencontrer cette amie d’enfance devenue danseuse de ballet pour laquelle ses sentiments perdurent. Moderne, elle lui propose de… baiser. Il se dérobe. C’est seulement quand elle aura un accident qui la rend inapte à la danse que leur amour se fait charnel et qu’ils ont un enfant dans le milieu de leur vie mais ce n’est pas le même milieu, un descend, l’autre monte, deux trains qui se rencontrent dans cette gare où d’étranges pendules marchent dans les deux directions du temps.

Fincher marque les épisodes de la vie de Benjamin par la narration de la mère mourante assistée de sa fille dont on devine qu’elle est aussi celle de Benjamin. Une voix off surenchérit. Elle est grave, parle un anglais elliptique. La voix appartient au cinéma, art de l’oreille autant que de l’œil. De même les couleurs d’abord pastel brun deviennent colorées et puis à nouveau brunes selon le moment narratif. Si bien qu’on plonge dans le temps qui avance et qui recule avec joie.

Cette métaphore littéraire est la trame de l’amour sexué: chacun va vers l’autre partant d’univers différent et le rencontre nell mezzo del camin di nostra vita comme dit le poète. En cette gare, la rencontre est intense, magique mais incompréhensible. Il faut bien alors qu’un des conducteurs de l’un des trains fasse ses adieux à l’autre qui souffre mais qui comprend que c’est inévitable. Benjamin dit à Cate: « Tu ne pourras pas t’occuper de deux enfants ! ». Elle sait qu’il a raison mais son amour est plus fort et ne veut aller ni en avant ni en arrière mais, fol espoir, stopper le train du temps! Benjamin va alors commencer sa descente aux enfers car «per lui si va nell’ eterno dolore, per lui si va tra la perduta gente». En effet, rajeunir quand on est vieux est terriblement douloureux surtout quand on sait que non seulement on n’est plus aimé mais qu’on ne peut plus l’être, qu’un « destin inversé » nous en empêche. La fille de Benjamin accompagne sa mère dans la mort tandis qu’un ouragan dévaste les états qui sont dit unis, qui le furent sans doute un jour mais peut-être pas pour toujours. Comme les Humains-Unis, ils se délitent en confederacy pour migrants incertains à qui ont a fait croire que l’american way of life était l’horloge magique de la liberté de l’amour.

Non dit Fitzgerald, seuls ceux qui connaissent la vraie nature du temps sont les enfants de dieu. Il a raison, tout être amoureux du temps et des hommes pris dans le temps, constate que Dieu a limité le nombre de ses enfants. Les autres sont du diable. C’est toujours le Grand Aveugle qui fait retentir l’utile carillon du Temps.

Marc Gébelin