Let’s tweet again’ ?

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Let’s tweet again’ ?

27 avril 2022 (14H55) – Elon Musk, “l’homme le plus riche du monde” du moment, vient donc de racheter Twitter (44 $milliards) pour redonner le ‘Free Speech’ à cet immense réseau social. L’affaire s’est faite après une corrida de deux semaines à peu près, et elle a aussitôt pris une dimension politique et idéologique considérable, phénoménale, avec l’entièreté du système de la communication en émoi.

...Une véritable crise d’hystérie me semble-t-il, bien décrite par une colonne de Paul Joseph Watson bourrée de messages hystériques et paroxystiques venus des milieux de la gauche sociétale progressiste, dans la patrie du wokenisme ; on préfère garder l’anglo-américainavec toutes ses expressions intraduisibles pour le titre et l’amorce du texte décrivant les hystériques gémisseries et pleurnicheries du wokenisme-progressiste. C’est la crise de nerfs des partisans du ‘Free Speech’-bienpensant devant la perspective du ‘Free Speech’ tout court...

« SALTY: Cry Babies Throw Out Their Toys Over Musk Twitter Buy.

» Someone call a wahmbulance.

» Elon Musk has bought Twitter and every whining cry baby NPC who can’t handle opinions that do not conform to the received consensus is screaming into the ether… »

Pour faire un peu moins dans l’image jubilatoirement caricaturale, – pourtant si bienvenue, – je mentionne également la réaction également jubilatoire mais plus structurée de Idriss Aberkane sur Sud-Radio, avec l’inusable et héroïque André Bercoff, hier 26 avril, au son d’une célébration de Elon Musk, libertarien et pro-Trump en plus des $milliards : 

« C’est un changement géologique, ce qui se passe aux États-Unis. Ce n’est pas seulement Twitter qui est racheté par Elon Musk, c’est la faillite du wokisme, c’est le retour en grande, grande force des jeunes conservateurs comme l’essayiste Candace Owens... qui est noire, qui est un soutien particulier de Trump ... Donc, on a une inversion des pôles... C’est une révolution ! »

Enfin, dans ces réactions d’approbation, je placerais volontiers celle de Jack Dorsey, le fondateur et l’ancien PDG de Twitter (qui, crane rasé et longue barbe dans une sorte de chasuble safran, a de plus en plus l’allure d’un moine tibétain d’origine tchétchène). Il a récemment quitté ce poste de direction, et sa réaction semble montrer qu’il y a été contraint et que, peut-être et sans doute, Twitter avait évolué d’une façon qui ne le satisfaisait nullement.

« “L’objectif d’Elon de créer une plateforme qui soit ‘maximalement fiable et largement inclusive’ est le bon", a écrit Dorsey. “C’est également l’objectif [du PDG de Twitter, Parag Agrawal], et c'est pourquoi je l’ai choisi. Merci à vous deux d’avoir sorti l'entreprise d'une situation impossible. C'est la bonne voie... J'y crois de tout mon cœur.” [...]

» Notant qu’à l’heure actuelle, Twitter est “détenu par Wall Street et le modèle publicitaire”, Dorsey a déclaré qu'il était vital de “protéger” la plateforme car elle est “la chose la plus proche que nous ayons d'une conscience globale”.

» “La sortir des griffes de Wall Street est la première étape correcte”, a écrit Dorsey, ajoutant qu'avec Musk à la tête du mouvement, “Twitter continuera à servir la conversation publique.” »

Maintenant, voyons une réaction plus mesurée, voire un peu sinon très sceptique, de la part d’une militante passionnée du ‘Free Speech’, posant le problème en termes plus politiques. Il y a des arguments pour cela, quand on lit (par la voix de Thierry Breton dans le ‘Financial Times’) les réactions de l’institution politique la plus censureuse et la plus dictatoriale du monde, – la Commission Européenne ; puis quand on prend connaissance à la lumière de cette intervention de Breton, d’une certaine prudence, ou une prudence au moins tactique, affichée par Musk après avoir proclamé une libéralisation généralisée de type-libertarien.

La “réaction... voire un peu sinon très sceptique ” est celle de Caitline Johnstone, sur ‘ConsortiumNews’ ce 26 avril.

« ...Les gens de droite passent un bon momentà se moquer des réactions mélodramatiques des progressistes de haut niveau qui craignent que l’achat d'Elon Musk ne conduise à une plus grande liberté d'expression sur la plate-forme pour les personnes qui ne s'alignent pas politiquement avec eux.[...]

» De nombreux critiques de gauche réagissent à la nouvelle en tirant la sonnette d'alarme à propos d'un puissant oligarque contrôlant une plate-forme de médias sociaux influente, comme si Twitter était autre chose quecontrôlé par l’oligarchieavant aujourd’hui et comme si les milliardaires achetant des médiasétaient un nouveau développement choquant.

» Certains anti-impérialistes ont, en raison des commentairesdu ploutocrate sur l’importance de la liberté d’expression, exprimé un espoir timideque ce nouveau développement puisse conduire à un retour en arrière de l’escalade de la censureque nous avons vue sur la plate-forme pour défendre les narrative de l'empire américain.

» D'après ce que je peux voir, cependant, l'écrasante majorité de l'enthousiasme sur Twitter à propos de l'achat de Musk ne vient pas de ceux qui défient le pouvoir de manière significative, mais de ceux qui veulent que le compte de l'ancien président américain Donald Trump soit restauré et qui veulent pouvoir dire de méchantes choses aux personnes trans. Et je soupçonne que cela en dit long sur ce que nous examinons ici.

» Cette distinction importante a été résumée par le journaliste Michael Tracey, qui a tweeté : “Le plus grand test pour Elon Musk ne sera pas de savoir s’il annule les politiques Woke de censure les plus criantes, – cela devrait être une évidence – mais s’il continue à laisser Twitter servir de véhicule à l'État de sécurité nationale des États-Unis pour ‘contrer’ des ennemis officiels comme la Russie et la Chine”.

Pour ma part, je ne serais pas surpris si nous voyions se concrétiser le premier cas, mais je serais absolument étonné si nous voyions le second.

» Vous ne devenez pas milliardaire, et encore moins un milliardaire avec une propriété médiatique massivement influente, à moins que vous ne collaboriez avec le pouvoir existant. Musk a certainement très bien collaboréavec l'empire oligarchique jusqu’à présent, et il y a fort à parier que son achat ne se produirait pas si l’empire sentait que sa machine de contrôle narratif en était menacée de quelque manière que ce soit.

» Croire qu’Elon Musk va sauver Twitter est aussi naïf que d’avoir cru que Joe Biden allait sauver l'Amérique... [...]

» Je commencerai à prêter attention au discours de Musk sur la liberté d'expression si et quand Twitter cessera de censurer les médias russes et annulera l’interdiction de personnes comme Scott Ritter qui ont été retiréesde la plate-forme pour avoir remis en question la narrative officielle de l'empire sur ce qui se passe en Ukraine. 

» Jusque-là, je vais supposer qu’il [Musc]est tout au plus intéressé par la protection des discours qui ne menacent pas les puissants, comme les conneries partisanes républicaines et les discours de haine contre les groupes marginalisés.

» Les milliardaires ne viennent pas nous sauver, selon la narrative de propagande soigneusement construite qui nous a été vendue pendant des générations. Les dirigeants de la classe capitaliste ne vont pas renverser les systèmes d’oppression et d’exploitation qui constituent le fondement même du capitalisme. Les histoires de super-héros sont conçues pour nous empêcher de réaliser que nous seuls, les peuples, avons le pouvoir de nous sauver. »

Et PhG, qu’en pense-t-il ?

Je serais un peu moins directement enthousiaste que les premiers nommés, et nettement moins indirectement sceptique que Caitline. Je croirais volontiers que ce qu’il faut attendre de l’initiative de Musk, qui est effectivement un personnage assez insaisissable, disons fantasque et lunatique, c’est une sorte de désordre nouveau et bienvenu dans le monde du système de la communication des réseaux sociaux de Silicon Valley, jusque-là réglé comme du papier à musique... D’autant plus, – et c’est le point le plus important je trouve, – que ce rachat et les remous qui l’accompagnent sont la démonstration la plus éclatante que l’univers des grands régulateurs des réseaux sociaux est caractérisé par une censure féroce.

La réaction de la Commission Européenne, via un Thierry Breton pétant à la fois de trouille et de menace, – vive la France et son idéal de censure dans l’UE, tiens !, – montre qu’un point ultra-sensible est touché, et que l’oligarchie globaliste et trans (‘-nationale’ et même ‘-genre’) n’est jamais tout à fait sûre du contrôle qu’elle exerce, et surtout pas avec un Musk. L’étrange réaction de Dorsey montre à la fois que la démangeaison énorme de censure pèse sur ces énormes machins, et que ceux qui en ont la charge ne cessent de s’en gratter jusqu’au sang. C’est toujours la même affaire caractéristique du Système, de la puissance fragile, de la surpuissance jusqu’à l’impuissante.

Elon Musk n’est pas précisément ma tasse de thé, mais surtout par inconnaissanceque par enquête soupçonneuse. Par contre, je lui trouve le caractère assez abrupt dans ses idées ou ses lubies, pour se trouver en position d’aller faire paître ceux qui voudraient le contraindre, de mettre la querelle sur la place publique, d’argumenter jusques et y compris sur les matières les plus sensibles qu’évoque Johnstone, et donc d’installer le désordre là où doit régner absolument l’ordre et la rigueur de l’Inquisition.

Johnstone a bien entendu raison : c’est essentiellement sur la matière d’Ukrisis et de la Russie qu’on jugera de l’effet-Musk sur l’aventure-Twitter. Mais on peut venir à cette matière indirectement, jusqu’à en juger.

Si l’attaque de Musk se fait contre le wokenisme, c’est toute la base sociétale-progressiste des USA sinon du bloc-BAO qu’il attaque, et par conséquent le gros des troupes soutenant dans la communication Ukrisis telle que le Système la conduit. Il ne faut pas oublier que la politique lancée contre la Russie est celle de la “cancellation”, c’est-à-dire l’expression absolument directe du wokenisme ; il y a parenté dans la forme de l’esprit de la chose, c’est-à-dire dans son informité (puisque l’esprit de la chose est informe), et parenté entre ceux qui s’opposent au wokenisme et soutiennent Trump, et Ukrisis (voyez l’affaire du tweet de Candace Owens sur les Russes). La ‘Cancel Culture’ concerne aussi bien les genres que la Russie, c’est ce que tant d’esprits antiWoke et plus ou moins nationaux, ‘souverainistes’, ‘tradis’, – bref et enfin, antimodernes & antiSystème quoi ! – ont tant de peine à comprendre si seulement ils y pensent (notamment en France). Qui attaque une forme du wokenisme attaque le wokenisme en son entier. 

Rappelez-vous enfin que je suis adepte de la thèse selon laquelle la principale attaque contre le Système ne peut venir que de son intérieur, de sa propre matrice, de sa propre puissance, de ce qu’il a créé lui-même. Il n’y a rien qui ne soit plus de sa création que les réseaux sociaux dans le cadre du système de la communication. Ficher un Elon Musk au milieu de tout cela, – c’est une hypothèse que je propose humblement, – cela peut faire plus de dégâts que “nous, les peuples”, quand l’on voit ce que nous-les-peuples pouvons faire, comment nous votons, de quelle façon nous comprenons les événements, de quelles armes dérisoires de communication nous disposons.

Ce que je veux dire, au fond, c’est ceci : Elon Musk est la création de ce que le Système peut faire de plus puissant en matière d’acquisition d’argent et de pouvoir ; il est création de la surpuissance du Système ; et l’on sait que la surpuissance du Système mène directement à son autodestruction... Si l’on pourrait dire Musk avec le jugement bien sombre que Musk est le Frankenstein du Système, l’on ne pourrait ignorer que la créature Frankenstein échappe à son créateur et se retourne contre lui.