Lettre au Père Noël

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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Lettre au Père Noël

25 septembre 2024 (16H00) – La grande cérémonie annuelle de l’ONU, à New York, est en cours. Chacun y vient avec son petit cadeau et tous ses vœux qu’il transmet aux autres du reste du monde. On joue à être civilisés et de bonne civilité. On se dit que tous ces siècles depuis qu’on a découvert le Progrès, n’auront pas été inutiles. Ainsi continue à se construire l’indescriptible édifice de nos irrésistibles vertus globalisées.

C’est assez touchant, cela ressemble à ces pseudo-“traditions” que l’on maintient de force pour retenir le temps qui passe ; et “le temps qui passe”, pour nous, c’est celui de l’avenir, des promesses du Progrès et des joies enfantines des  égalitarismes variés ; alors, on espère bien que ces promesses seront tenues, mais “le temps qui passe” sans rien y faire, c’est comme si le temps s’en allait, nous glissait entre les doigts, nous échappait des mains. « Las, le temps s’en va, va... »

C’est une inquiétante sensation alors que nous sommes au bord de l’Âge d’Or de nos  promesses non tenues. Le bruit court que notre civilisation patine, dérape, franchit la ligne rouge et court au précipice. Des philosophes travaillent sur la chose en cherchant des voies de transition, en tentant de distinguer ce qui nous attend une fois que ce sera effondré cet édifice dont ils prétendent humer la pourriture ; ces “philosophes”, – des mauvais sujets comme Douguine, comme Maffesoli.

Enfin, quittons ces moroses considérations pour rejoindre les trépidantes cérémonies de New York où l’on nous promettait un Prix Spécial du Jury. Le cher Volodymyr Z. a dû se gourer ; lui, il n’a pas apporté de cadeaux, mais au contraire, une lettre au Père Noël de New York pour faire jaillir la paix au travers des cadeaux qu’il réclame. On a dû lui donner de mauvaises indications, je ne sais moi, je ne suis pas à New York. Mon ami Louis-Ferdine me chuchote que je n’ai pas tort, que je ne perds pas grand’chose. Il a vu loin, celui-là..

Bon, je vais en venir au fait. Justement ! En fait, la lettre de Mister Z était désigné comme une sorte, disons, – de “plan de la victoire”. Tout le monde attendait avec impatience les nouvelles. Je suis, je l’avoue, un peu interloqué : ils attendaient vraiment quelque chose ? Il y croient et ils s’y croient. Je trouve leur ingénuité, leur angélisme, leur conviction dans les bons sentiments, leur certitude d’appartenir au ‘Camp du Bien’, – je trouve tout cela touchant, presque émouvant, et voilà qui m’interloque.

Quoi qu’il en soit, ce sacré Volodymyr ! Pendant deux ans et demi, il les a emmenés comme pour une balade en bateau-mouche, menés par le bout du bon-sentiment, comme fascinés, sous le charme, emprisonnés dans l’inarrêtable et l’ineffable, par ivresse, enchantement, ensorcèlement. Mais cette fois, j’ai le sentiment qu’on touche au port, que le terminus se dessine, là-bas, émergeant de la brume des croyances extraordinaires, des imperceptibles vibrations de la ‘Fantasy’ qu’on trouve dans les ‘Comics’ de consommation courante.

... Cette fois, il y eut comme un spasme discret, un haut-le-cœur malencontreux... Bon, je ne vais pas jouer à l’important ni à l’importun en tentant de vous réciter les présents que Volodymyr Z. attend du Père Noël. De toutes les façons, c’est toujours la même chose, à part que c’est encore plus à chaque fois. Non, je vais simplement vous donner un extrait d’un texte assez banal, d’un journal macédonien je crois (‘slobodenpecat.mk’), tous les organes de la presseSystème ont pêché dans la même longue dépêche Bloomberg rythmant nos propres réactions en nous détaillant les réactions des phalanges inspiratrices de nos emportements. Nous ne sortons pas des bordures de la presseSystème.

« L'un des interlocuteurs de la publication [de Bloomberg] a déclaré que le plan du président ukrainien “n'apporte aucune réelle surprise et ne constitue pas un changement sérieux dans les règles du jeu”.

» Ils veulent entendre Zelenski dire à quoi pourrait ressembler la fin de la guerre. Au moins un pays occidental a proposé d'entamer des négociations sur ce sujet avec la Fédération de Russie. Les alliés discutent de la possibilité d'un rapprochement avec Vladimir Poutine avant la réunion du G20 au Brésil, prévue en novembre.

» L'évaluation du document souligne un sentiment croissant de pessimisme parmi les alliés alors que le conflit militaire s'éternise, suggérant qu'il est temps d'envisager une nouvelle série de contacts avec le président Vladimir Poutine, que ce soit de la part de Zelenski ou d'autres, ont déclaré plusieurs responsables.

» Et tout le monde s'accorde à dire qu'il est peu probable que le “plan de victoire” de Zelenski change le cours de la guerre. »

Et pschitt, voilà que surgit brusquement la nécessité de rencontrer “le président Vladimir Poutine”, redevenu l’espace d’une veillée de Noël un respectable acteur du simulacre mondial. Tout le monde le susurre et le suggère d’une façon ou l’autre, y compris en n’en parlant pas, y compris en précisant que ce serait bien si cela pouvait se faire avant le G20 de la mi-novembre. Mais le rencontrer pour quoi ? Est-on sûr qu’il a du temps de libre ? Est-on assuré qu’il sera de bonne humeur pour une rencontre ? Est-on certain, – juré, craché, – qu’il ne va pas nous sortir l’un de ces insupportables sourires matois et rusés du joueur de flute des fourbes ironies, habitué à conduire les rats se noyer dans la rivière de nos souvenirs ?

Quelle n’a dû être la mauvaise surprise du président ukrainien ! Je suis sûr qu’il a dû ressentir une profonde déception, je crois que quelque chose s’est brisé en lui. C’est vrai, c’est à la fois tellement inattendu et tellement injuste par rapport à tous les signes de confiance et toutes les assurances sur la vie qu’on lui a prodigué. “Tout ça pour ça”, a-t-il dû se dire avec amertume, dans un instant de sombre et rude cafard, – mais vite dissipé à l’idée de rencontrer Joe Biden. Il lui reste ce vieux et solide compagnon de route.

Il est vrai que toute cette affaire se négocie durement. Il n’est question ni de forces armées, ni de conquêtes, ni de Grand Jeu géopolitique. Il est question de faire sortir toute une compagnie faite de prestigieuses excellences et d’experts absolument renommés d’une longue léthargie où l’on se berçait d’illusions dorées et de rêves couleurs arc-en-ciel. Tout cela prend du temps et se fait à pas comptés ; c’est comme une longue désintoxication, une lente remontée faite d’étages prudents de décompression. Puis, parfois, par  instant, paraît le brusque changement accumulé au long des étapes intermédiaires.

Je crois que tout se passe comme si Volodymyr Z. était convié, avec une certaine rudesse, à se préparer sortir de la pièce en forme de simulacre où on lui donna la vedette, – un peu par inattention exacerbée, un peu par indifférence hystérique. C’est qu’on commence à se compter, “à l’Ouest”, dans cet Occident-dépressif qui n’en peut plus de devoir subir l’opprobre de soupçons impies et de critiques injustes. Les américanistes-occidentalistes en ont assez d’entendre ces indignes jugements et ces regards par en-dessous, dans leur dos, alors qu’ils sont plus innocents que jamais.

Pendant ce temps, vous le noterez, Kamala vient d’éclater d’un rire irrésistible et contagieux qui nous permet de vérifier la tenue de sa remarquable dentition. Trump, lui, parvient à éviter, un peu à la façon d’un dribble de Maradona, la cinquième tentative d’assassinat fomenté contre lui en un peu plus de deux mois.

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