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930Le jour où Greg Smith, un des dirigeants londoniens de Goldman Sachs, démissionne, il publie une “op/ed” dans le New York Times, qu’on pourrait baptiser “lettre ouverte au Système”. La publication est de ce 14 mars 2012, et le texte commence par ce paragraphe terrible, qui nous annonce que non seulement rien n’a changé mais que c’est encore pire, – et qui nous fait réaliser aussitôt que cela ne suscite aucun étonnement de notre part… «Today is my last day at Goldman Sachs. After almost 12 years at the firm — first as a summer intern while at Stanford, then in New York for 10 years, and now in London — I believe I have worked here long enough to understand the trajectory of its culture, its people and its identity. And I can honestly say that the environment now is as toxic and destructive as I have ever seen it.»
Citant un autre extrait de la publication de Smith, Russia Today observe, ce même 14 mars 2012, la vigueur des réactions, cela faisant de cette publication un événement politique ou un “événement de Système” qui secoue d’ores et déjà, fort logiquement, le système financier et le Système tout court. Le dit-Système n’est pas habitué à ce qu’un de ses employés fasse défaut, comme une vulgaire Grèce, et, en, plus, avec un bras d’honneur terminé par une plume assez vigoureuse et audacieuse pour mettre en évidence le caractère irrémédiablement nihiliste du processus qui l’anime. Cela fait désordre et cela est préoccupoant.
«“Today, many of these leaders display a Goldman Sachs culture quotient of exactly zero percent,” writes Smith. “I attend derivatives sales meetings where not one single minute is spent asking questions about how we can help clients. It’s purely about how we can make the most possible money off of them. If you were an alien from Mars and sat in on one of these meetings, you would believe that a client’s success or progress was not part of the thought process at all.” Smith adds, “Over the last 12 months I have seen five different managing directors refer to their own clients as ‘muppets,’ sometimes over internal e-mail.”
»Within hours of Wednesday’s edition being published on paper and online, Smith’s snarky send-off has already gone viral. Nelson Schwartz of the Times writes a response of his own in Wednesday in which he celebrates Smith’s “flair” and says that the soon-to-be former-Goldman top-gun “is saying publicly what others whisper privately, which is why his cri de coeur may be so provocative.”
“Even on Wall Street — where making money is good, and making more money is better — a few shibboleths still command respect, including the one that the customer should come first, or at least second, not dead last,” Schwartz responds to Smith’s claims.
»Max Keiser, the host of RT's Keiser Report calls Smith's diatribe an “embarrassing confession of the firm's wrong doings” and asks, “Will Goldman destroy another European country with Credit Default Swaps like they did Greece? Will they bankrupt another municipality in America with exploding debt obligations?”
»Goldman Sachs have offered a rebuttal of their own since the editorial was published, telling the Times, “We disagree with the views expressed, which we don’t think reflect the way we run our business.”“In our view, we will only be successful if our clients are successful. This fundamental truth lies at the heart of how we conduct ourselves,” explains a Goldman spokesperson.
»Smith seems to think otherwise, however, and Schwartz cautions that his openness could once again cause Wall Street to teeter. “Mr. Smith’s criticism, much more than stories about bonuses or brickbats from the likes of Occupy Wall Street, could be especially painful for Wall Street now”…»
Il s’agit certainement d’une circonstance particulièrement remarquable du fonctionnement du système de la communication, qui ne suscite pas des réactions nécessairement rationnelles mais qui ouvre plus sûrement des voies vers des réactions confuses mais adéquates, et avec des effets très certainement dévastateurs. Il est vrai que la raison alimentée par une psychologie pervertie par le Système conduit plus souvent à la dissimulation, par réflexe de conviction, des évènements tels qu’ils sont dans leur substance, ou plus généralement à l’incapacité d’apprécier cette substance. Ainsi Nelson Schwartz, du Times, c’est-à-dire de l’organe du Système par excellence, observe-t-il que toutes les horror stories entendues jusqu’ici concernant Goldman Sachs pâlissent à côté de ce témoignage, n’ayant guère provoqué de réactions au contraire de ce cas de Greg Smith : «Mr. Smith’s criticism, much more than stories about bonuses or brickbats from the likes of Occupy Wall Street, could be especially painful for Wall Street now…»
D’un autre côté, certes, on observera que s’il n’y avait pas ces “histoires de bonus et de commissions” ni Occupy Wall Street, la lettre ouverte de démission adressée par Greg Smith au Système n’aurait pas provoqué cet effet de choc ressenti à Wall Street. Est-ce “un des siens” qui trahit son bienfaiteur, le Système ? Ou bien est-ce, à l’image du titre de RT, qu’“‘un des siens’ quitte, dégoûté, le Système qui coule” ? Quoi qu’il en soit, la “lettre ouverte au Système” de Greg Smith confirme les “histoires de bonus et de commissions” et Occupy Wall Street pour nous annoncer que les choses sont encore pires qu’elles n’étaient en 2008, quand toute la maison financière du Système s’est écroulée. La psychologie, qui est à la base de la crise générale, n’a bien entendu pas changé, sinon dans le sens de l’aggravation de la tendance qui a conduit à la crise. C’est en effet cette psychologie qui pousse à l’appréciation aussi méprisante des clients, à l’appréciation laudatrice de toutes les pratiques aussi épouvantables, à la mise en place et au développement des systèmes (ou sous-systèmes) pourris à l’intérieur du Système. Rien n’a changé puisque tout est pire par rapport aux conditions qui ont conduit à la crise, et la logique de la Chute est ainsi parfaitement rencontrée.
Greg Smith nous confirme donc que le prochain soubresaut aura lieu, et sa “lettre ouverte au Système” s’inscrit dans le processus d’accélération de la chose. Sous quelle forme, à quel moment, ce prochain soubresaut ? Personne ne le sait parce que ces évènements ne dépendent pas des acteurs avec leurs techniques financières diverses et pourries, qui ne font que les alimenter automatiquement par leurs psychologies perverties ; personne ne le sait sinon que cela sera très vite, parce qu’aujourd’hui les choses vont évidemment et nécessairement très vite. Le processus de transformation de la dynamique de surpuissance en dynamique d’autodestruction a ceci de particulier dans son fonctionnement conforme aux grandes lois du genre, qu’il accélère en se déroulant. La cavalcade se poursuit et s’accélère, et la crise de 2008 ne peut être tenues, de ce point de vue, pour un tournant, même si elle a agi comme tel sur divers domaines… Il s’agissait d’une étape de la Chute, et Greg Smith nous avise qu’il nous faut attendre et nous préparer à la suivante.
“A très vite”, comme l’on dit…
Mis en ligne le 15 mars 2012 à 05H56
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