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48721 avril 2010 — C’est presque comme un communiqué officiel d’une des grandes autorités de la “global governance” au service du mégasystème qui conduit notre destin…. Cela se dirait ainsi: “On annonce de source officielle que la deuxième phase de la crise, section finance, est ouverte”. Ainsi, plutôt que se perdre dans les considérations techniques chères aux économistes et aux financiers, devrait-on interpréter politiquement le rapport biannuel du FMI publié mardi. En bref, la crise-“section finance” passe des banques aux gouvernements, de la puissance privée à la puissance publique.
Quelques mots de la nouvelle, sans aucune surprise pour qui est informé régulièrement des choses, avec bien de détails que nous donne le FMI. Aussi, ce qui nous importe est bien cette prise de position formelle du même FMI, effectivement contraint de confirmer tout ce qui se dit, s’écrit, s’analyse sur les réseaux qui comptent, hors de la presse-Pravda, depuis un an.
C’est une dépêche AFP relayée par RAW Story, le 20 avril 2010, – mais citée pour l’exemple, puisqu’on retrouve partout l’annonce de ce rapport et de son contenu. Le titre de la dépêche est nettement affirmatif sur l’arrivée de cette “deuxième phase” et traduit clairement l’esprit du rapport («Global economic crisis shifting into “new phase,” IMF ominously warns»).
«The economic crisis could be entering a “new phase” with rising public debt threatening to undermine the stability of the global financial system, the International Monetary Fund warned Tuesday.
»In a biannual report on economic stability, the IMF said the latest challenge to the world's rocky financial system came as banks were regaining their footing amid the nascent global recovery. “Risks to global financial stability have eased as the economic recovery has gained steam, but concerns about advanced country sovereign risks could undermine stability gains and prolong the collapse of credit,” the report said.
»“Without more fully restoring the health of financial and household balance sheets, a worsening of public debt sustainability could be transmitted back to banking systems or across borders.” […]
«Sovereign debt grew sharply with the economic crisis, as many governments not only had to bail out ailing banks, but also pay for rising unemployment benefits and economic stimulus programs. Greece was brought to the brink of bankruptcy in recent weeks, forcing the government to increase taxes and cut spending to shrink state debt, while concerns linger over the level of debt in leading economies like Britain, Japan and the United States.
»The IMF said that while the world had avoided a full-blown depression, “risks remain elevated due to the still-fragile nature of the recovery and the ongoing repair of balance sheets.” “Attention has shifted toward sovereign risks that could undermine stability gains and take the credit crisis into a new phase, as we begin to reach the limits of public sector support for the financial system and the real economy.”
»The fund warned that longer-term concerns about solvency could result in short-term strains on funding markets, which “may have negative implications for a recovery of private credit.” “Even though capital needs have fallen, banks still face considerable challenges,” it said. […]
»The IMF also urged expeditious movement on bank regulatory reform, noting that there were still questions about the magnitude of the reforms and how they will deal with the issue of “too-big-to-fail” banks. “Resolving the present regulatory uncertainty will help financial institutions better plan and adapt their business strategies” it said, cautioning that reforms must strike “the right balance” between ensuring safety and allowing room for innovation and efficiency.
»President Barack Obama is stepping up pressure on Congress to pass the biggest overhaul of the US regulatory system since the 1930s and a preliminary vote on beginning debate in the Senate is expected as early as this week.»
@PAYANT Répétons-le, le rapport du FMI ne fait que répéter ce qui est partout analysé, dans le sens des risques énormes qui se dressent devant les gouvernements endettés dans un océan de déficit avec le sauvetage des banques. Il s’agit bien d’une deuxième phase de la même crise, comme le montre la présentation du rapport qui parle désormais de “la crise économique” en général avec son évolution possible dans telle ou telle phase («The economic crisis could be entering a “new phase”…»).
La prévision pessimiste, ou plutôt réaliste, du FMI est largement justifiée par les événements qui se succèdent actuellement, auxquels il est accordé beaucoup moins de publicité que ceux qui, dans les douze mois (depuis août 2007) précédèrent et annoncèrent la crise du 15 septembre 2008. Cette absence de publicité fait partie des habitudes du système de la communication lorsqu’il est opéré par les médias accordés à la ligne du système, simplement par l’habituel réflexe pavlovien du virtualisme de dissimulation qu’on connaît. La progression des dégradations n’en continue pas moins, avec le désavantage que cette absence de publicité spectaculaire de l’état véritable des gouvernements interdit des mobilisations efficaces. Tout cela correspond à la psychologie d’une pauvreté pathétique et à l’absence complète de caractère qui sont en général la marque de nos élites et de nos dirigeants.
Mais plus encore, avec la question des banques. Le FMI marque bien combien la crise bancaire est loin d’être résolue; nous ajouterions qu’elle est d’autant plus loin d’être résolue que l’affaire Goldman Sachs nous montre combien cette crise n’a pas des causes financières disons “objectives”, voire techniques, mais des causes de comportement et d'une psychologie faussaires et totalement corrompus qui font craindre que toutes les mesures déjà prises et à prendre sont par avance insuffisantes sinon dérisoires en raison de l’action des banques qui est d'abord un comportement. Ce domaine (les banques) ne travaille pas pour la remise en place d’un système cohérent, – si cela se peut, – mais bien pour profiter des restes du système qui s’est effondré à cause de son action, pour ses propres intérêts. Le cas Goldman Sachs est l’emblème de ces pratiques. Il est difficilement concevable que l’on puisse espérer un rétablissement acceptable du système bancaire alors que subsistent un tel état d’esprit et de telles pratiques. Cela signifierait que la “deuxième phase” de la crise commencerait alors que la première n’est pas résolue, et que la fausse résolution de cette “première phase” n’aurait servi qu’à préparer la “seconde phase” (l’écroulement des puissances publiques).
On ajoutera à cela, pour compléter le sinistre tableau de la “première phase” nullement bouclée, les nécessités enfin reconnues d’une régulation des banques. C’est un beau geste de l’esprit, mais promis à tous les compromis, à tous les enlisements, jusqu’à l’inefficacité presque complète derrière l’apparence de fausses bonnes législations, – ajoutant à cette situation d’inefficacité une certaine complaisance à croire effectivement à l’installation d’une régulation réussie.
Cette crise, parce qu’elle est générale, se déroule comme un incendie s’étend et nullement comme un dispositif menant à une explosion, à partir de laquelle on peut estimer la crise terminée. Il s’agit d’une chaîne d’événements, évoluant à l’intérieur d’une structure crisique (chaque événement devenant crise), et aucune crise ne se résolvant vraiment. Le premier maillon touché n’est pas un “maillon faible”, mais un maillon qui est décisivement affaibli, et il reste dans cet état tandis que la crise passe au suivant.
Lorsque nous disons qu’“il s’agit bien d’une deuxième phase de la même crise, comme le montre la présentation du rapport qui parle désormais de ‘la crise économique’”, cela transcrit par l’observation que nous approchons sans doute d’“une nouvelle phase” (The economic crisis could be entering a “new phase”…»), nous voulons signifier qu’il s’agit de la reconnaissance fondamentale par le FMI, involontairement parce que dans le langage lui-même sans en saisir toute sa signification objective, presque transcendantale, que la crise n’est pas conjoncturelle mais structurelle. Le 15 septembre 2008 n’a pas été “la crise” mais “la première phase” de ce qu’on nomme par ailleurs “crise économique”… Traduisons avec un peu plus d’audace: il s’agit désormais de la crise du système économique, autrement dit de la “crise systémique” en général. Cette crise économique systémique s’inscrit dans la crise systémique générale, avec tous les domaines interférant les uns dans les autres.
(Exemple? Comment le gouvernement de Washington peut-il espérer lutter contre sa folle marée du déficit alors que ses dépenses militaires, dépendant d’un système anthropotechnique aveugle et totalement incontrôlable, atteignent au moins, de JSF en guerre en Afghanistan, $1.200 milliards par an selon l’évaluation d’un diplomate à la retraite dont la compétence est telle qu’on l’avait nommé directeur du renseignement national en février 2009, – avant que la pourriture du Lobby bien connu fasse son œuvre? Comment envisager le désendettement? Dans le Washington Times de ce 21 avril 2010, un économiste libertarien, Richard W. Rahn, se demande si l’Amérique, dito les USA, ne pourrait pas devenir une nouvelle Argentine.)
La reconnaissance de facto de cette situation d'une “deuxième phase” de la même crise est un événement psychologique intéressant. Au printemps 2009, lorsque fut lancée l’offensive de communication des “jeunes pousses” annonçant la reprise, il s’agissait de sortir du choc de septembre 2008 pour reprendre le cours normal de la croissance du système. L’explosion avait eu lieu, la crise était derrière soi, on continuait, et dès 2010 la marche en avant reprendrait. Simplement, on discutait de la rapidité de la reprise. Aujourd’hui, le principe de l’enchaînement des crises, ou de la “structure crisique”, est tacitement admis. Tout juste peut-on se distinguer, pour paraître un expert qualifié, dans l’identification du prochain chaînon, ou dans la chronologie de la prochaine “phase”.
On doit voir là une évolution de la psychologie des dirigeants du système qui accepte de plus en plus la marche catastrophique, d’ailleurs moins comme une fatalité catastrophique que comme une sorte de mode de fonctionnement “normal” du système. En l’espèce, ces dirigeants sont bien les créatures d’un système qui les domine, puisque leur psychologie s’adapte au “comment?” (“comment fonctionne le système? Par catastrophes successives…”) sans s’aventurer un seul instant dans l’univers étrange du “pourquoi?” (“pourquoi poursuivre avec ce système qui ne fonctionne plus que de catastrophe en catastrophe?”). On admettra que le volcan Eyjafjallajökull a bien plus de finesse et d’autonomie psychologiques qu’un Strauss-Kahn ou qu’un Bernanke. Lui, au moins, nous montre pourquoi notre système est catastrophique.
Le volcan, justement… Il vient à point pour saluer cette “deuxième phase” de la crise et lui donner une dimension un peu plus tragique que l’écriture scolaire des rapports du FMI. Car lui aussi, son éruption, ses conséquences déjà réelles sur l’économie et ses conséquences diverses possibles, la perception qu'il impose de la fragilité d’un système tendu à craquer, vont contribuer à accentuer le sens de l’impuissance qui caractérise les directions politiques diverses. La simultanéité des événements donne une forte substance à l’appréciation d’une crise globale, qu’il ne convient certainement pas de circonscrire à quelques indices boursiers et à l’un ou l’autre Goldman Sachs, bandits de grand chemin tout de même assez peu adroits pour se faire prendre après avoir quasiment acheté un certain nombre de directions politiques occidentalistes.
Le diagnostic du FMI correspond, au niveau financier et avec toutes les implications qu’on a vues, au tournant dans la situation US qu’a constitué l’élection du Massachusetts. (Cette élection qui ouvre l’année électorale 2010, où des changements politiques peuvent avoir lieu aux USA, et qui a consacré le poids électoral de Tea Party comme nouvel élément politique insaisissable.) Lors de l’élection partielle du Massachusetts du 19 janvier 2010, on est effectivement entré dans la deuxième phase de la crise politique US dont l’élection d’Obama avait été la première. L’annonce du FMI correspond à cette ouverture intérieure US, comme l’élection d’Obama répondait à la crise du 15 septembre 2008. Les événements qui répondent à “la grâce de l’Histoire” plus qu’à la puissance du système ont leur logique, impeccable, implacable, inéluctable, enchaînant les maillons de la crise, l’un après l’autre.
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