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29 août 2005 — La constitution éminemment démocratique de l’Irak est en route. Cahin-caha, certes, vu que les Sunnites n’en veulent pas. Nous ne nous attarderons pas à ce problème politique, mais plutôt sur la façon dont il en est rendu compte. Nous pensons qu’il y a là, pour ceux qui s’affirment “journalistes”, et pour leurs lecteurs par conséquent, un problème intéressant, voire fondamental.
Voici — exemple sans grandeur parmi d’autres aussi plats, — comment le site du “Nouvel Observateur” rendait compte ce matin de l’épisode constitutionnel, sous le titre « Irak: le président Bush se veut confiant », à partir d’une dépêche de l’Associated Press :
« Le président George W. Bush a prédit dimanche que les Irakiens allaient oeuvrer ensemble en faveur d'une nouvelle constitution, en dépit du rejet du projet par les sunnites. “Bien sûr, il y a désaccord”, a-t-il déclaré aux journalistes, en soulignant cependant qu'il s'agissait d'un processus politique en cours.
» Certes, tous ne sont “pas totalement satisfaits” du projet présenté dimanche au Parlement irakien, mais “il y a assez dans cette constitution” pour répondre aux “besoins fondamentaux de toutes les communautés” et pour permettre à l'Irak d'aller de l'avant, a de son côté déclaré l'ambassadeur des Etats-Unis en Irak, Zalmay Khalilzad, sur NBC. »
Quelques cerises sur le gâteau, si l’on a encore quelque appétit, se trouvent dans le texte de Richard Brooks (dans le Herald Tribune du jour), ou bien dans celui d'Andrew Sullivan, dans le Times de Londres d’hier. Les deux textes confirment et prolongent, ou bien précèdent on ne sait, celui d’AP qu’on reproduit ci-dessus. On pourrait croire que leurs deux titres font partie de la même phrase : « A strategy for winning in Iraq » (Brooks) et « Iraq still offers a tantalising prospect of success » (Sullivan). Ils rendent compte, de manière hallucinatoire, des perspectives de victoire en Irak ; textes à lire avec sa ration de LSD à portée de main.
Au contraire, c’est-à-dire selon une analyse si différente qu’elle conduit à une affirmation contraire de la réalité mise en scène par l’information officielle, voici le texte de Frank Rich, également du Herald Tribune du jour. Le titre de Rich, lui, est expéditif par rapport aux mièvreries et aux hallucinations passées en revue ci-dessus : « The Vietnamization of Bush's vacation ». Tout est dit dans les deux premiers paragraphes sur la constitution irakienne, avant même qu’on en sache le sort devant le Parlement irakien. Rich n’a pas attendu cela, sachant pertinemment que ce sort n’a aucun intérêt ni aucune importance.
« Another week in Iraq, another light at the end of the tunnel. Last Monday President George W. Bush saluted the Iraqis for “completing work on a democratic constitution,” even as the process was breaking down yet again. But was anyone even listening to his latest premature celebration?
» We have long since lost count of all the historic turning points and fast-evaporating victories hyped by this president. The toppling of Saddam's statue, “Mission Accomplished,” the transfer of sovereignty and the purple fingers all blur into a hallucinatory loop of delusion. One such red-letter day, some may dimly recall, was the adoption of the previous, interim constitution in March 2004, also proclaimed a “historic milestone” by Bush. Within a month after that fabulous victory, the insurgency boiled over into the war we have today, taking, among many others, the life of Casey Sheehan.
Rich ne cite pas un autre “historic turning points”, celui des formidables élections démocratiques de janvier 2005, qui mirent en transes absolument divines le monde occidental démocratique dans son ensemble. Il faut dire que Rich en a un peu marre de sacrifier à cette manufacture grossièrement tendancieuse et conformiste qui accompagne aujourd’hui la description officielle des activités des gens qui dirigent notre civilisation. Il ne résiste pas, tout de même, à cette précision piquante sur les activités vacancières de GW, brutalement et héroïquement interrompues : « In the wake of Sheehan's protest, the facts on the ground in America have changed almost everywhere. The president, for one, has been forced to make what for him is the ultimate sacrifice: jettisoning chunks of vacation to defend the war in any bunker he can find in Utah or Idaho. » La dérision est effectivement ce qui sied aujourd’hui au commentaire, dont on se demande s’il n’est pas finalement la véritable information...
En effet, c’est là notre propos principal. Le contraste entre les “informations objectives” (type AP), religieusement reproduites par le Nouvel Obs’, comme une pure et objective information, et le commentaire type-Frank Rich nous pose à nouveau une question souvent évoquée aujourd’hui. Qu’est-ce que le journalisme aujourd’hui? Quelle est sa responsabilité? Peut-on accepter encore longtemps d’affubler de cette fonction (journaliste) des gens qui ne font que reproduire, comme des métronomes habités d’une trouille sans nom, un empilement de mensonges d’une médiocrité systématiquement et consciemment trompeuse qui est devenue la seule couleur possible des appréciations des sources officielles US? Doit-on encore non seulement respecter, mais seulement se donner la peine d’écouter ces sources officielles, ce qui est leur donner une existence qu’elles n’ont plus?
C’est un problème radical, que nous avons décidé, à dedefensa.org, de prendre à bras le corps en proclamant que nos informations contiennent nécessairement notre commentaire. Non que nous croyons détenir la vérité révélée mais parce que nous sommes sûrs d’être, avec nos commentaires, bien entendu plus proches de la vérité que n’est la bande de sac et de corde et de gangsters notoires aujourd’hui en place à Washington. Nous avons plusieurs fois déjà abordé ce problème, dès 2002 notamment et très dernièrement de façon indirecte; nous avons décrit très précisément certains processus de transformation de la réalité, comme justement les fameuses élections “démocratiques” d’Irak. De tout cela nous confirmons notre résolution de suivre notre méthode d’“objectivité subjective” en rendant compte des informations nécessairement déformées par le système pervers, en les redressant par la vision subjective de notre commentaire. C’est un exercice périlleux, qui mérite et même nécessite l’attention critique du lecteur ; c’est un exercice auquel nous ne pouvons échapper dans un tel temps historique.
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