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6896Je ne parviens pas à me défaire de cette stupéfaction sans fin devant la grande majorité du système de la communication en Europe, – presseSystème évidemment en tête, et comment ! –, ignorant à ce point l’importance des événements en cours aux USA, à Washington D.C, à “D.C.-la-folle”, – comme il vous plaira. On dira que je me répète, et le site idem, car il y a eu beaucoup déjà là-dessus, mais les choses avancent et il s’agit de les suivre, de les mesurer, de les peser.
On a eu des échos, ces derniers jours, de l’affrontement désormais frontal, furieux, absolument déchaîné, entre Trump-tweets et les quatre jeunes « femmes de couleur nouvellement élues » qui se nomment The-Squad, les quatre Représentantes (députée) démocrates élues pour la première fois, les “Quatre cavalières de l’Apocalypse” selon le président-tweet. Ce qui est absolument remarquable, je trouve, c’est le déséquilibre apparent des choses ; à mesure que se précisent les conditions de l’affrontement, c’est le nombre réduit des acteurs par rapport aux conséquences possibles et même probables, et c’est la disproportion apparente par rapport aux fonctions exercées.
Je me souviens avoir écrit ceci, le 26 février 2019, alors que la crise qui laissait voir ses prémisses le 7 janvier 2019 commençait à prendre ses aises, et ceci contenant par rapport à ce que l’on voit aujourd’hui une lourde erreur, laquelle se comprend parce que la scène décrite est vraiment trop extraordinaire et hors des standards pour l’avoir vue venir :
« Je suis en train de décrire une extrême radicalisation de l’entièreté du parti démocrate en passe de devenir majoritaire, car cette fois il n’y aura pas une Wasserman Schultz pour faire entrer dans le rang toute cette volaille qui recrute pour lui les vagues migratoires des “nouveaux Américains”. On l’a vu depuis le début de l’année : lorsque la vieille démocrate pourrie Pelosi, qui préside la Chambre (Speaker), essaie de faire taire les jeunettes, elle n’y parvient pas, et c’est elle qui est obligée de s’aligner sur les jeunettes. Ce qui m’importe, c’est que cette radicalisation soit en train de dévorer le parti démocrate, prenant à leur propre piège les mandarins qui ont lancé cette machine infernale en 2016 dans l’espoir de dégommer Trump. Comme Hopkins, si vous voulez, j’“exulte sardoniquement”, car cette proclamation du socialisme aux USA est un événement extraordinaire. »
L’erreur est dans cette phrase souligné en gras : « ...une extrême radicalisation de l’entièreté du parti démocrate en passe de devenir majoritaire », – précisément dans le mot “majoritaire”. D’une façon symbolique certes, mais aussi d’une façon opérationnelle car l’on ne voit qu’elles, car l’on ne parle que d’elles comme si elles étaient à elles seules la “majorité” du parti démocratique en train de basculer vers l’extrémisme radical, il n’est question que des quatre filles du Squad.
Tout se déroule exactement à l’inverse, – comme cette inversion qui est le signe de notre “étrange époque” par conséquent, – de ce qui se fait à l ‘habitude dans les arcanes et couloirs du Congrès. Les têtes brulées, les Jeunes Turcs, les révolutionnaires en herbe, les populistes hors-système, lorsqu’ils sont élus dans une des deux ailes du “Parti unique”, –en général une poignée, et effectivement à la Chambre comme les quatre du Squad, – ils ne tiennent que quelques semaines. Ils sont très vite absorbés, gobés, mâchés, digérés par les mécanismes des partis, les allégeances, les coutumes, les pressions, les lobbyistes qui opèrent en marge, et tout rentre très vite dans l’ordre. Ils peuvent rester groupés en un caucus, ou un mini-caucuss’ils veulent, du moment que ce regroupement se fait selon les lignes du parti, et conformément à “la ligne du Parti”.
Déjà, dans l’article cité du 26 février 2019, j’observai quelque chose qui mettait en évidence le caractère extraordinaire de la situation et tendait à se trouver déjà en contradiction selon l’observation concernant la “majorité” : « On l’a vu depuis le début de l’année : lorsque la vieille démocrate pourrie Pelosi, qui préside la Chambre (Speaker), essaie de faire taire les jeunettes, elle n’y parvient pas, et c’est elle qui est obligée de s’aligner sur les jeunettes. » Ce jeu-là continue à fond, comme on l’a vu ces derniers jours (voir l’article du 16 juillet, également déjà cité) ; on entend Pelosi observer avec satisfaction pour le New York Times que les filles du Squad n’ont rien pu faire pour empêcher les démocrates de voter en majorité (la majorité comptable), et qu’elles ne représentent qu’elles : « Tous ces parlementaires ont leur public et leur monde Twitter, a dit le démocrate de 79 ans au New York Times, mais elles n’ont guère de followers. Elles sont quatre et c'est le nombre de voix qu’elles ont obtenues… » Il n’empêche : une semaine plus tard, la Pelosi est obligée de virer complètementet de les défendre contre les tweets de Trump, après une contre-attaque de AOC fondée sur une seule remarque électrisante : « Ocasio-Cortez a joué la carte de la diversité et a insisté sur le fait que Pelosi visait injustement les “femmes de couleur nouvellement élues”, tandis que son porte-parole et militant progressiste, Corbin Trent, a déclaré au Washington Post que le Parti démocrate est saisi par la “lâcheté” et dirigé “dans la peur” par une génération plus âgée. »
Dévastateur, bien entendu, et l’on peut citer à nouveau ma remarque du 26 février : « Ce qui m’importe, c’est que cette radicalisation soit en train de dévorer le parti démocrate, prenant à leur propre piège les mandarins qui ont lancé cette machine infernale en 2016 dans l’espoir de dégommer Trump. »
Vous comprenez alors la différence énorme, abyssale, le gouffre qui existe entre la majorité comptable dans laquelle les quatre du Squad ne sont rien, et la majorité symbolique, appuyée sur toutes les valeurs sociétales dont elles se sont faites les icônes, et qui exerce sur le parti un empire fascinatoire. La machinerie politique de Washington D.C., qui fonctionnait si bien depuis plus de deux siècles, celle qu’on voit démontrée et démontée à la perfection dans House of Cards après divers films et séries du domaine, aujourd’hui est totalement désintégrée par une force nouvelle que je nommerais donc volontiers : la fascination...
(L’Amérique qui exerce depuis plus de deux siècles une fascination maléfique sur le monde, aujourd’hui, dans sa dernière pente de décadence qui ressemble à une chute de l’effondrement, est fascinée par elle-même, jusqu’à croire à ses narrative, à ses extrémismes, à ses simulacres. Sa propre fascination la fascine, comme par un jeu de miroirs déformants et faussaires. L’Amérique fascinée par sa chute et son effondrement...)
Les quatre filles du Squad exercent aujourd’hui sur le parti démocrate un empire symbolique et fascinatoire qui vaut toutes les majorités du monde. En un sens, elles ont introduit dans le parti démocrate, ou “aile gauche du Parti unique”, le même désordre-chaos que Trump a introduit dans le parti républicain, ou “aile droite du Parti unique”. Les deux s’équivalent, pour cette raison ils se haïssent jusqu’à la mort. Ces deux désordres-chaos sont désormais face à face, nécessairement campés à l’extrême, absolument irréconciliables parce que c’est leur raison d’être et par conséquent absolument complémentaires et nécessaires l'un à l'autre, tenant tout le reste sous l’empire de leurs fascinations antagonistes, et chacun de ces désordres-chaos, chacun de ces acteurs de ces désordres-chaos, eux-mêmes sous l’empire de leur propre fascination pour cet empire de la fascination qu’ils ont installés au cœur de la cohorte sur lesquelles pèsent leurs influences.
Bien entendu, n’attendez de moi ni un avis prospectif, ni mes préférences, – d'ailleurs sans aucun intérêt pour la victoire de ou de l'autre, puisque la victoire selkon mon âme poétique et ma raison se trouvera nécessairement dans la manifestation de ce désordre-chaos. Les filles du Squad sont aussi insaisissables que Trump, tantôt alliées absolues du Système, tantôt radicalement antiSystème. Elles se disent radicalement progressistes-sociétales, c’est-à-dire hypermodernistes, ce qui ne suscite aucune sympathie particulière chez moi, sinon en sourire compatissant. En même temps, l’une ou l’autre est violemment opposée à tel aspect de la politiqueSystème, – notamment l’antagonisme contre l’Iran. Par exemple, l’ Institute for Policy Studies, que j’ai souvent apprécié dans les temps anciens où il fallait s’unir contre GW Bush, le commis du Système de l’époque, vous envoie aujourd’hui des courriels intitulés « We're with the Squad », avec un long et ennuyeux argumentaire au nom de la narrative-Système sur l’antiracisme et le PC le plus politiquement correct du monde ; tout en publiant sur son site, signe heureux et important, un article intitulé : « Iran Is Not the Agressor, US Is ».
Il est assuré pour mon compte que, d’une façon ou d’une autre, ce sont ces deux forces, et plus généralement les forces de cette sorte nouvelle qui génère le désordre-chaos de “D.C.-la-folle”, qui seront les principaux acteurs de USA-2020. Imaginez-vous le potentiel explosif qu’implique cette situation ? A côté de USA-2020, USA-2016 aura été une petiote et sympathique promenade de santé sans trop de soubresauts ni de surprises extraordinaires. Ce qui nous attend aux USA, l’année prochaine, est un événement effectivement extraordinaire.
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