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3469dde.crisis, le 12 septembre 2015 – ... Inculture comme l’on dit “rupture” et il se comprend bien que c’est avec le passé, donc avec tout ce qui a existé, comme l’on suggère “absence de racines” puisque refus de la culture, au propre et au figuré, mais surtout au propre comme une plante qui refuse ses propres racines ; “inculture” comme l’on dirait d’une terre morte qu’elle est inculte... L’inculture de ceux qui se prétendent nos élites par leurs fonctions, leurs notoriétés sociales, leurs vies publiques, cette inculture-là m’épouvante, me glace, fait naître en moi autant de fureur que de mépris, et parfois, si je ne me prenais par le collet pour me raisonner, une complète désespérance amère. Je ne dis pas cela pour pérorer dans le désert, à moins de considérer, ce qui n’est pas insensé, que ces gens-là sont complètement des créatures de type désertique. Leur inculture est une infécondité mortelle, l’indice de la Fin des Temps ; j’ajoute, soudain plein d’espérance, que c’est sans aucun doute la fin de leur temps car on ne peut survivre longtemps dans un tel état de dénuement intellectuel, une telle glaciation de la perception, une telle absence complète de caractère...
Mais venons-en au fait puisqu’il importe de se justifier. Je prendrais deux exemples récents, car l’affaire des migrants-réfugiés est, elle, au contraire, féconde quoique ce soit de ces manifestations d’inculture, comme le ventre mort de la bête qui crache ses rejetons mort-nés. Considérant ces deux exemples, on pensera que j’exagère dans mon propos, et l’on n’aura pas raison car ces deux exemples sont parfaitement ce que dit le mot : une manifestation (ou deux) d’une situation générale de la totale perdition intellectuelle sinon spirituelle d’une civilisation dont il y a tant d’autres manifestations par ailleurs... Les deux exemples prétendent être des parangons de moralisme, et c’est d’ailleurs ce qu’ils sont, – la morale érigée en idéologie, c’est-à-dire la morale torturée dans tous les sens pour la faire correspondre à l’idéologie qui vous dévore de l’intérieur, comme une bête impitoyable.
Le premier exemple vient du premier nominalement d’entre nous, c’est-à-dire de notre président-poire. Il y a quelque jour, Hollande tenait conférence de presse, sur le ton ferme et décidé qui est le sien. Il a consacré un passage aux “quatre de Visegrad”, d’après ce que j’ai compris, puisque s’adressant aux pays de l’Est du continent qui rechignent à recevoir des réfugiés. Il a dit ceci (voir notamment sur RT-français du 7 septembre 2015 le film du passage en question) :
« Il y a des pays qui voudraient faire des critères ethniques, qui voudraient accueillir certains réfugiés et pas d'autres au nom de religion, qui voudraient bâtir des murs et ne pas prendre un réfugié, mais qu'est-ce que ces pays auraient pensé si nous avions agi ainsi il y a 30 ans, si, au moment de la chute du mur de Berlin, nous avions dit, non pas tout de suite, pas comme ça, prenez votre temps, restez là où vous êtes ? »
D’abord, me dis-je, pourquoi “il y a 30 ans”? S’il voulait faire approximatif, ce Président-là, il aurait pu dire, d’ailleurs de façon fort majestueuse, “il y a un quart de siècle” (de 1989 à 2015, calculez...). Les communicants qui écrivent pour lui ont-ils confondu “chute du Mur“ (il y a vingt-cinq ans) avec “arrivée de Gorbatchev au pouvoir” (il y a trente ans) ? Difficile à croire puisqu’il ignorent qui c’est, ce Gorbatchev ... Enfin, passons, non sans observer qu’ils ne sont pas d’une rigueur impitoyable dans la connaissance, dans ce troupeau-là.
Ce qui est plus grave, si c’est possible, c’est tout le sens du propos du président-poire, alternant faux-sens et contresens ; car effectivement, nous leur avons bien dit cela (« non pas tout de suite, pas comme ça, prenez votre temps, restez là où vous êtes »), pendant un ou deux ans, quand nous nous sommes aperçus de ce qui se passait. Quand nous découvrîmes le pot-aux-roses de la désintégration complète de l’Europe de l’Est (il nous en a fallu du temps), nous fûmes terrorisés à l’idée de ce qui était en train de survenir, particulièrement Mitterrand et Thatcher. (D’ailleurs, on peut concevoir que leurs craintes se justifiaient, là n’est pas la question.) En décembre 1989 encore, Mitterrand allait voir la direction communiste moribonde et pulvérisée de la RDA (Allemagne de l’Est), dans un vain effort de retarder l’effondrement de la dite-RDA... Là-dessus, on peut ajouter, pour achever la démonstration de l’extraordinaire contresens sorti de l’incertaine bouche de notre président, qu’il ne fut ni question, “il y a 30 ans” c’est-à-dire 25 ans, de migrants ni de réfugiés, mais de la part de ces gens d’Europe de l’Est d’installer la liberté dans chacun de leurs pays, ce qu’ils firent sans notre aide ni notre permission mais plutôt celles de Gorbatchev, et sans d’ailleurs que nous n’ayons rien eu à dire puisque nous n’y comprenions rien, et sans que l’événement leur donnât la moindre envie de se réfugier chez nous en flots impétueux de migrants. Notre rôle dans cette affaire (celui de l’Europe comme celui des USA, y compris dans les causes originelles qui ne doivent qu’au seul Gorbatchev) fut strictement nul et non avenu et nous n’aidâmes personne, à aucun moment. Qu’une telle autorité de l’État (je parle d’Hollande) fasse une analogie historique si faussaire, si invertie, si sotte et si bouffie d’inculture, nous éclaire sur l’imposture qui lui tient lieu de caractère, et ce simulacre qui lui tient lieu de souveraineté, – et imposture et simulacre comme par inadvertance, par indifférence, comme allant de soi selon l’administration des affaires courantes, comme bassesse médiocre dans sa pratique coutumière.
L’autre exemple est de plus basse volée. C’est un plumitif qui, le 4 septembre 2015, enfourche le même argument du type “ces pays de l’Europe de l’Est nous doive bien cela, un peu de solidarité dans l’apaisement de la souffrance qui est notre tâche glorieuse, eux qui ont trouvé refuge et bon accueil chez nous quand la bise était venue”, – il parle des Hongrois et de leur révolte d’octobre 1956 (par comparaison, hein, avec les immondes Hongrois des jours présents), et, dans la suite du texte, de la façon dont les réfugiés hongrois de 1956 furent accueillis en Europe de l’Ouest : « [L]e Premier ministre Hongrois, Viktor Orban, et les dirigeants de l’Est de l’Europe, qui se réunissent en sommet ce vendredi, à Prague, devraient se rappeler la solidarité qui a marqué l’accueil de réfugiés, à commencer par l’Autriche et l’Allemagne qui ont assuré. A l’époque, l’Autriche qui se relevait à peine de la Seconde guerre mondiale aurait pu fermer ses frontières. Et l’Europe aurait pu laisser tomber l’Autriche et la Yougoslavie. Cela n’a pas été le cas… Un peu de décence, et tout simplement de mémoire historique, seraient bienvenus de la part de ses dirigeants. Mais le manque de solidarité n’est pas l’apanage des pays d’Europe de l’Est... »
Il écrit cela, la plume pleine de bons sentiments et s’appuyant sur l’histoire, ignorant la vérité de cette situation historique que nous avions l’entière responsabilité de ces réfugiés puisque c’est nous, – les USA, l’OTAN (donc l’Europe), Radio Free Europe et Radio-Liberty, – qui avions poussé les Hongrois à la révolte en leur promettant des armes et une aide diplomatique décisive, sinon plus. Je me rappelle, début novembre 1956, la diffusion des derniers appels de Radio-Budapest dans ses derniers instants, rappelant à l’Ouest l’aide promise pour repousser les T-34 de l’Armée Rouge qui approchaient ; les radios occidentales les avaient repris à cause de leur caractère poignant. Je peux dire aux plumitifs qui agitent cette tragédie comme un précédent qu’il n’y avait aucun motif de fierté d’être occidental à cette époque, et que l’accueil des réfugiés hongrois n’était qu’une toute petite partie de ce que nous pouvions faire pour payer notre dette d’infamie. L’exemple choisi pour rappeler les autres à la solidarité ne fait que nous rappeler, à nous, la durabilité sans faille de notre infamie.
Là encore, toujours cette inculture. Ce rappel de 1956 comme analogie bienvenue a été repris ici et là dans le même but de jeter l’opprobre sur les pays de l’Est pour mieux plaider la cause de la vertu “européenne”, sans rien connaître de la vérité de l’évènement de 1956. La culture s’arrête à la lecture de la fiche du communicant, qui est sûr d’avoir trouvé un “bon coup” en fait d’argument. Ils ne savent rien de l’essentiel des choses qui nous ont fait ce que nous sommes. Ils n’ont aucune référence pour mesurer leur propre infamie, l’inculture suffit à cela. Ce bas-peuple de bas-empire finissant que sont les élites-Systèmes occidentales donne un éclairage saisissant sur la barbarie qui nous a déjà envahis ; il est sans passé et sans avenir ; tout juste imagine-t-il pouvoir créer un futur de ses propres plumes, celles des communicants ou autres, et composé à partir de la narrative qui lui sert de culture, en fabriquant un passé qui n’exista jamais et qui n’a comme seule fonction que celle de justifier les actes qu’il commet et qu’il glorifie à la fois. Comme leur inculture, ces gens m’épouvantent simplement par la mesure qu’ils donnent de la bassesse jusqu’où la nature humaine peut descendre en s’y complaisant et sans se douter de rien. Pour le reste, à vrai dire ils ne me font pas vraiment peur tant ils sont dérisoires et illusoires, et sans véritable culpabilité, et peut-être même sans existence réelle après tout ; l’on sait assez que la vraie responsabilité de la catastrophe vient de forces qui les animent à leur insu, qui sont extérieures à eux, qu’ils n’imaginent même pas.
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