Leur monde parfait, c'est-à-dire SANS Ron Paul

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Ce numéro du jour du sérieux quotidien londonien The Independent (nous le citons souvent) consacre un article principal à la question, et un éditorial qui nous informe de la pensée fondamentale du journal sur le sujet. Il s’agit des républicains et de leur choix pour les élections présidentielles de novembre 2012.

• L’article principal est consacré à un soi-disant important discours de Mitt Romney, prétendant montrer la “vision” de ce candidat pour l’Amérique de demain (ce 8 octobre 2010). Quelques extraits de l’article sur le discours. La chose nous rajeunit grandement, car le discours aurait pu être écrit soit en 1941 (année où Henry Luce proclama “The American Century”), soit en 1990 (lorsque Bush-père commença à parler du “New Worl Order”, c'est-à-dire un nouvel American Century sans que la chose soit exprimée), soit le 12 septembre 2001, lorsque l’idée des neocons d’un New American Century fut sur toutes les lèvres, cette fois exprimée en toutes lettres. Mais non, cela se passe en octobre 2011, dans la situation exceptionnelle qu’on sait, et cela est dit, et cela suscite des articles sérieux et compassés, pesant la valeur, jugée sans aucun doute incontestable, de la “vision” de Mr. Romney, – ou bien est-ce qu’un projet de scénario d’Hollywood, rejeté parce que décidément trop irréaliste, fantaisiste et obsolète, se serait glissé dans les brouillons des specchwriters du futur seul possible président républicain ? Extraits, donc, avec dans le casting, Romney, l'Amérique et Dieu, – dans l'ordre…

«“This is America's moment,” [Romney] declared. “We should embrace the challenge, not shrink from it, not crawl into an isolationist shell, not wave the white flag of surrender, nor give in to those who assert America's moment has passed. That is utter nonsense.” [...] “God did not create this country to be a nation of followers,” he said, reiterating Republican criticism that the Democratic incumbent had failed to stand up adequately for US interests. “I will never, ever, apologise for America,” he said to loud applause. The US had a “unique destiny”, and was not meant to be “one of several equally balanced global powers”. The country must lead the world – “or someone else will. The 21st century should be an American century, in which America has the strongest economy and the strongest military”.»

• Après avoir pris un Xanax à titre de précaution, l’on peut paser à l’édito du quotidien qui vient de fêter son quart de siècle de succès d’un journalisme sérieux et conscient du rôle de la presse de redresser les diverses distorsions que les divers pouvoirs en place, notamment aux USA, imposent au système de la communication. Toujours de ce 8 octobre 2011, avec “Maintenant, les républicains doivent choisir” comme titre. On pourrait le citer en entier (il est fort court et nous dit l’essentiel) ; nous nous contenterons d’extraits, parce qu’un seul Xanax c’est peut-être un peu juste…

«Sarah Palin's announcement that she will not seek the presidency, following the similar decision from New Jersey Governor Chris Christie 24 hours earlier, appears to have settled the Republican field for 2012. A late entrant cannot entirely be ruled out. But to all intents and purposes, this is Mitt Romney's moment. The most important question in American politics now is: can the unloved frontrunner seize it?

»Ms Palin's non-candidacy came as no surprise. Not only did a sizeable majority of Republicans simply not want her in the race. It has also long been clear she lacked the seriousness, self-discipline, and raw desire needed to survive the gruelling ordeal of a primary campaign. But up to the last, the mere possibility she might run underlined the central truth of the contest: that for all Mr Romney's credentials, experience and preparation, Republican voters have yet to warm to him.

»Every opponent whose sudden surge has made the headlines – first Michele Bachmann, then Rick Perry, then Mr Christie, and now Herman Cain – has been framed as the anti-Romney candidate. With all possible alternatives finally exhausted, the Republicans must now choose. Assuming the vogue for Mr Cain does not last, that choice boils down to Mr Romney or Mr Perry. Given President Obama's sinking fortunes, it is not impossible one or other will reach the Oval Office…»

Arrêtons-nous là parce que le reste, opposant le “choix du cœur” pour Perry et “le choix de l’intelligence” pour Romney, c’est vraiment nous prendre un peu trop pour des billes. Passons outre. Ah oui, tout de même… Dans le texte principal à un moment, se glisse ce membre très curieux d’une phrase assez peu intéressante, puisque parlant de cette histoire d’“isolationnisme” qui est totalement, absolument obsolète, au contraire du “Moment américain” et du nouvel American Century de Romney, incroyablement d’actualité avec le dynamisme, la puissance, la santé florissante de la puissance US que d’aucuns, fort imprudents et de parti-pris, avaient cru rayée des cartes de tarot de notre avenir… Le membre de phrase en question : «…notably the Kentucky Congressman Ron Paul and to a lesser extent governor Rick Perry of Texas.» Ces types (l’auteur est tout de même le journaliste Rupert Cornwell, vedette des commentateurs du journal) sont vraiment au top du top, comme on dit dans les talk shows qui mènent le monde. Ils vont jusqu’à citer ce plus parfait inconnu, que nous découvrons grâce au professionnalisme de Cornwell, ce Ron Paul, dont on apprend, de vérité enfin révélée, qu’il est un “Kentucky Congressman”. (Aucun rapport, on vous l’assure, avec Rand Paul, fils de Ron, sénateur du Kentucky ? Aucun rapport avec Ron Paul, représentant du Texas ? On s’y perd avec ces Paul, alors laissons tomber et suivons le texte de monsieur Cromwell, lui il s’y connaît...) Dans l’édito, heureusement, parce que nous sommes entre gens sérieux, le nom de ce type, Ron Paul, n’apparaît heureusement pas. Le grand événement du jour, n’est-ce pas, c’est le désistement de la redoutable Sarah Palin, dont tout le monde sait bien qu’elle avait toutes les chances d’être une terrible candidate grâce à sa dimension nationale et sa fascinante personnalité, mais dont l’excellent Independent nous révèle tout de même, – nous voilà édifiés, diantre, – qu’elle manquait de seriousnss et de self-discipline ; c’est-à-dire, toutes ces choses qui caractérisent par contre l’article et l’édito…

Bien, quittons ce monde fait de seriousnss et de self-discipline et regagnons l’autre, le nôtre, fait d’on ne sait trop quoi sinon d’acharnement pour la recherche d'on ne sait trop quoi, sinon un machin ou l’autre comme la vérité et la loyauté... Le cas était bien trop beau pour ne pas être détaillé, surtout venant d’un quotidien que nous avons toujours considéré comme assez sérieux, et avec une tendance estimable à vouloir parfois deserrer le carcan-Système, comparé à la marée des feuilles vulgairement-Système. Inutile de nous attarder au cas de la non-existence de Ron Paul, qu’on connaît largement dans les divers articles que nous lui avons consacré ; ce candidat dont les événements qu’on ne peut tout de même pulvériser à volonté nous disent bien entendu qu’il est un candidat si sérieux qu’il “panique l’establishment” (Russia Today du 4 octobre 2011). Le cas de The Independent est, dans ce cas, bien plus intéressant.

Une telle indifférence affolée (presque un oxymore) pour la vérité nous confirme effectivement qu’ils sont tous “paniqués”, jusqu’à des journaux sérieux comme The Independent. Cette non-existence de Ron Paul, qu’on ne sait même plus identifier, témoigne effectivement aussi bien de leur panique que d’une infection de leur psychologie qui finit par instant par leur faire croire eux-mêmes à ce qu’ils écrivent, ou ce qu’ils n’écrivent pas en l’occurrence. (Une faute comme celle de faire de Ron Paul un “Kentucky Congressman” montre effectivement, à notre sens, qu’ils sont tellement anxieux de voir l’existence du dénommé Paul s’avérer objectivement inexistante qu’ils finissent, inconsciemment, par croire vraiment que ce type n’existe pas, en l’identifiant inconsciemment pour ce qu’il n’est pas.) Nous ne qualifierons pas cet exercice d’un quotidien si honorable, – que nous continuerons à lire, par ce qu’il dit de grand intérêt par ailleurs, et sur des sujets d’ailleurs, notamment lorsque Patrick Cockburn publie un article, – de “triomphe impudent du virtualisme-Système”; ce serait au contraire, cet exercice, un signe indubitable que leur panique très réelle du parcours de Ron Paul les transforme en journalistes pour chiens écrasés de la politique, en feuilletonistes fidèles exécutants d’un Système dont ils ignorent même l’emprise sur eux-mêmes, en journalistes qui finissent eux-mêmes par nous faire nous interroger sur leur possible non-existence. Dans cette sorte d’occurrence, même à Hollywood ils n’auraient pas leur place, parce que, vraiment, leur narrative finit par perdre tout son sel à force d’être si primaire à cet égard...

Mais quoi et certes, fidèle à notre “inconnaissance” qui nous conduit à ne pas “prendre parti” (contre The Independent, dans ce cas), sachant que leur infamie n’est qu’une facette de cette faiblesse qui les fait succomber inconsciemment à la corruption-Système des causes désespérées (celle du Système), nous renouvelons notre engagement. Nous continuerons à lire The Independent, prenant simplement garde d’apprécier ce qui compte, et d’apprécier également, à leur juste valeur, les torchons qui se glissent dans ses colonnes, et selon la remarque (citation de Montherlant) finalement assez bienveillante, sinon attendrie, mais qui remet les choses au point : «Va jouer avec cette poussière…»


Mis en ligne le 8 octobre 2011 à 06H52