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212029 août 2017 – J’avoue avoir cédé à la séduction facile du jeu de mots en empruntant comme si je l’avais concoctée moi-même cette composition tellement d’époque du néologisme tellement idéologiquement signifiante, – “postMaoderne”, – dans cette citation du texte sur la pauvre Scarlett et le courageux Rhett rejoignant les rangs confédérés quand le Sud a perdu la guerre, – oh ces deux-là comme archi-fucking racistes, – oh dear, reprenez encore un peu de thé, et contemplez la sereine beauté de Park Avenue :
« On voit donc que la révolution culturelle qu’un esprit moyennement ironique et notablement suspect a qualifiée de “postMaoderne” se poursuit aux USA à un très bon rythme, reculant avec une roborative hystérie les limites d’au-delà de l’entropie mentale. »
... Car il est bon de réaliser, soudain comme dans un éclair comme les choses arrivent, – qu’on observe sans vraiment regarder quelque chose en train de se dérouler, disparate, incompréhensible, ridicule, absurde, incohérent, – et soudain, en un éclair, tout se met en ordre et vous réalisez la chose car enfin vous regardez en vérité ! Ce que les Américains sont en train de s’offrir, c’est une “révolution culturelle” à-la-Mao mais selon les normes et les méthodes postmodernes, – d’où la pertinence du néologisme...
Fini de rire, la chose est sérieuse. Il n’y a pas les millions de morts de la Chine, tant et tant s’en faut, mais il y a la terreur des esprits, les psychologies aux abois, chaque mot qu’il faut peser, la dénonciation à chaque fin de phrase, la vie et la parole devenues entièrement symboliques sans qu’on sache exactement où s’arrête et où commence le symbole où l’on se trouve et dont on parle, et dont on devine bien sans conscience assurée qu’il équivaut à un simulacre. Il n’y a besoin pour cela, pour entretenir cette terreur-là très sophistiqué, ni de Goulag ni de lapidations à mort de profs-mandarins à coup de Petits Livres Rouges ; le NYT et CNN suffisent, et même je dirais qu’ils sont redoutablement plus efficaces dans cette époque où triomphe le système de la communication que leurs grossières méthodes policières.
On a pris l’habitude très occidentaliste-américaniste, et moderniste certes, de comptabiliser les tragédies en nombre de morts parce qu’on ne croit plus, en Occident, ni à l’âme poétique ni au Diable, ni à la terrorisation de l’esprit comme torture suprême de l’ontologie de l’être ; et que l’on a bien tort, car l’affrontement de ces divers acteurs de l’univers mental n’a jamais été aussi féroce et cruel qu’aujourd’hui où l’on se croit quittes de ces sortes de chose, – l’âme poétique, le Diable et l’esprit... Ainsi l’Amérique est-elle entrée, selon ma façon de voir, dans une “révolution culturelle” où la torture des psychologies et la terreur des esprits devraient largement équivaloir, sinon dépasser celles que les spécialistes marxistes-léninistes et maoïstes, fidèles élèves des révolutionnaires de la Terreur, dispensaient à leurs prisonniers soumis à l’épreuve de l’autocritique.
Seulement, dans ce qui continue à être ma “façon de voir”, il y a ceci qu’aux USA, bien plus que n’importe où ailleurs, la partie est effroyablement dangereuse parce qu’il n’y a rien à quoi l’on puisse se raccrocher si tout est emporté par le chaos de la révolution (de la “révolution culturelle”). Regardez les Russes et les Chinois (et les Français avant eux, après tout) : tant bien que mal, ils s’en sont sortis, parce qu’ils ont derrière eux une histoire aussi vieille que le monde, qui perdure, qui résiste aux églises détruites et aux manuscrits brulés, aux têtes coupés des Jeunes Gardes de la Révolution et aux tortures du NKVD. La cause est qu’ils ont un passé qui est en un sens absolument indestructible parce que d’ores et déjà entré dans l’éternité du fait de sa manufacture historique structurante. Rien ne peut détruire ce passé.
L’Amérique, c’est complètement différent : son passé est une construction de la communication, nullement une production de l’histoire universelle et de sa métahistoire qui donnent à ceux qu’elle produit bien des outils pour faire entrer leurs structures dans une continuité qui n’a pas à se justifier à chaque soubresaut des présents successifs. C’est cela, cette absence de l’histoire, qui fait l’exceptionnalité de cette entité qui n’a pas le nom de “nation”, qui s’estime au-dessus des lois, qui transforme sans cesse son présent en une symbolisation de simulacre, fausse “nation” dépendant de sa propre morale complaisante et en un sens impossible à vaincre ; en ce sens l’Amérique existe puissamment dans les présents qu’elle maîtrise par la symbolisation de simulacre mais elle n’existe puissamment que par la conviction partagée absolument et aveuglément des psychologies des particularismes de cet exceptionnalisme. Si la psychologie vient soudain à se rompre, je veux dire si l’unanimité de cette psychologie se défait, l’Amérique est ouverte au sort tragique d’une sorte de déstructuration-dissolution de soi-même, comme l’on défait un tricot, et vite, vraiment très vite...
Qu’est-ce que seraient leur Amérique sans le Mount Rushmore, sans Gone With the Wind que les Africains-Américains adorent, qui sont des symboles formidables d’elle-même ? Et surtout, par exemple et après tout, que seraient les USA sans New York, qui est le symbole des symboles avec sa statue évidemment d’origine française qui éclaire le monde de la source jaillissante et grondante de Sa Liberté, qui ne pourrait plus s’appeler New York si l’on s’avisait sérieusement, – ce sérieux-là est courant aux USA, par les temps qui courent, – que ce nom vient du Britannique James Stuart, Duc de York, un des plus fameux et efficaces, et fortunés négriers d’Afrique vers le Delaware et le Connecticut, à partir de 1664 ; donc, si vous voulez faire bref, New York nommé du nom du plus fameux et par conséquent du plus abominable des vendeurs d’esclaves de l’histoire des USA, bien avant que n’existassent les USA, et New York dont il faudrait se débarrasser si l’on suit la logique de déconstruction de cette révolution culturelle...
Cette dernière trouvaille qui marque une étape de plus depuis des semaines de “chasse aux sorcières” lancée contre les fantômes du passé, pour liquider un passé symbolique et simulacre sans lequel les USA ne pourront plus exister, découvre pour nous, puisque nous sommes forcés de suivre cette logique que les forces dominantes favorisent et mettent en évidence, que les USA sont comme un pays fondé sur la traite des esclaves essentiellement initiée par les Britanniques et les Hollandais vers les marchands nordistes les redirigeant vers le Sud, à partir des rivages d’Afrique, affaires faites avec les trafiquants africains (colored people) ramenant des esclaves de l’intérieur des terres pour les vendre aux “suprémacistes blancs” ; cette prégnance de l’esclavage dans sa conception même et avec l’aide de tous les esclavagistes du monde et de toutes les couleurs, avec une chaîne partant des Noirs d’Afrique eux-mêmes et dont le Sud n’est que le dernier maillon et certes pas le plus inhumain, c’est le seul apport sérieux à l’histoire que l’on puisse observer d’eux, – je veux dire des USA, qui se sont ainsi, selon leurs propres règles qui les emprisonnent dans les symboles et leur simulacre, fourni à eux-mêmes les causes et l’inéluctabilité du suicide comme destin après tout et avant que ne se passe quoi que ce soit...
Cette étonnante “révolution culturelle” postMaoderne ne cesse donc de nous étonner chaque jour davantage, en attaquant le passé du pays d’une façon qui détruit irrémédiablement les psychologies du temps présent. Est-ce le piège ultime de la postmodernité, cette mutation en postMaodernité qui découvre le pot-aux-roses, symbole et simulacre à la fois ? Avec les USA dont le destin est absolument et fiévreusement lié à celui de la postmodernité, vous ne pouvez détruire le passé comme l’exige la postmodernité, sans détruire les psychologies du présent qui cherchent désespérément l’aide du symbole et du simulacre ainsi détruits, c’est-à-dire sans vous conduire inéluctablement au suicide... Il faut toujours en revenir à Honest Abe, le plus grand faussaire de l’histoire des USA, l’homme qui assura l’émancipation des esclaves en méprisant sans ambages la race noire, en suprémaciste yankee, en brisant toutes les structures originelles de ce pays, en passant directement de la barbarie des négriers de l’origines à la “barbarie intérieure” de la postmodernité, anticipant et rendant inéluctable cette “révolution culturelle” postMaoderne...
Et résonnent par conséquent, qu’on me pardonne la répétition maintes fois faite et refaite, les seules paroles de Honest Abe qui vaillent pour les USA ... « A quel moment, donc, faut-il s’attendre à voir surgir le danger [pour l’Amérique]? Je réponds que, s’il doit nous atteindre un jour, il devra surgir de nous-mêmes. [...] Si la destruction devait un jour nous atteindre, nous devrions en être nous-mêmes les premiers et les ultimes artisans. En tant que nation d’hommes libres, nous devons éternellement survivre, ou mourir en nous suicidant »
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