L’Europe est bleue comme un citron

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L’Europe est bleue comme un citron

L’Europe a-t-elle jamais vraiment existé ?

Le centre de gravité du continent après la chute de l’Empire romain en Occident sous les attaques des barbares germains en 476 a encore été Rome.

Nœud de fédération d’entités nationales nées du découpage administratif impérial en provinces, le pôle idéologique qui a fait et défait des monarques est ancré dans les salons encombrés d’or, de tapisseries et de tableaux du Vatican. L’une de ses opérations en tant que gestionnaire de fonds spéculatifs la plus réussie fut le financement des principautés de Castille et d’Aragon au 15ème siècle. Elle a permis le pillage de la péninsule ibérique devenue poumon industriel, agricole et universitaire occidental sous férule musulmane compatible avec l’arianisme wisigoth sous-jacent.

Le Vatican a joui en retour de la prospérité hispanique et lusitanienne décuplée par leur projection coloniale sur le continent amérindien. Les contrées périphériques qui ont échappé à l’hégémonie linguistique latine et conservé leur idiome ont réinterprété le christianisme à l’aube de la révolution industrielle qui a succédé à l’expansion de leur commerce maritime intercontinental. Elles ont évincé la tutelle pontificale très lourde fiscalement.

Elles en ont alors acquis une réelle prééminence grâce à laquelle elles ont déterminé le destin du monde occidental. Les brèves incursions de Bonaparte en Egypte puis de Napoléon en Russie n’ont pas entamé la supériorité des Britanniques dont l’extension territoriale et commerciale planétaire n’a été limitée que par l’Ottoman et le Tsar.

Continents à la dérive

La reconfiguration occidentale actuelle date des spasmes du cœur au sens géographique du continent, enserré et comprimé dans des limites étouffantes pour une industrie naissante et sans débouchés. Les deux guerres intra-européennes mondialisées ont transformé l’Allemagne et le Japon en vacuoles économiques, extensions désarmées des Us(a) .

Les tours des édifices sacrés qui rappelaient aux hommes leur verticalité récente et pointaient leur cime et leurs prières vers le Ciel sont devenues naines devant l’élancement des arrogantes hauteurs des temples du Commerce. L’épopée depuis qu’elle a quitté le pourtour de la Méditerranée universelle est  toute incluse dans les  trois phrases chantées à l’introduction de chaque épisode du feuilleton Dallas. Foin des trouvères, poètes édités ou déclamés.

William Burroughs, l’immensité littéraire made in Us(a), l’homme qui tua sa femme sous l’emprise de l’alcool pour singer l’exploit de Guillaume Tell, inventa le procédé du cut-up, le découpage et le collage de textes pour pallier au déficit infligé à son cerveau par son addiction à des drogues multiples. Plusieurs décennies plus tard, Dallas  s’est traduit par la destruction de l’Orient arabe, commençant par la grande guerre contre l’Irak financé par l’ARAMCO et culminant avec l’assassinat de Kadhafi et la prétendue guerre civile syrienne alimentée par des mercenaires aguerris et des armes occidentales stratégiques, tactiques et communicationnelles. 500 000 mille morts, 10 millions de déplacés et une nouvelle plaie saignante dans cet amalgame jamais égalé d’une culture bédouine et d’une académique venue d’Athènes s’y réfugier qui a éclairé le monde pendant des siècles.

L’avionique

Ce n’est qu’au décours de catastrophes aériennes que l’on redécouvre que depuis longtemps, la conduite des avions est asservie à des programmes informatisés.  Depuis leurs cabines, les pilotes transformés en prolétaires en voie d’analphabétisation ne savent plus répondre à des imprévus non calculés par les ordinateurs au sol. La fausse complexité des opérations gérées par les computers les laisse dépourvus en cas de réponse inadaptée d’une simple sonde thermique. C’est à peu près le scénario admis pour l’écrasement dans le Pacifique de l’Airbus en 2009.

Dès les années 2000, et même avant si l’on considère les crack boursiers asiatiques et ex soviétiques, ont été perceptibles les indications d’anomalies majeures dans l’économie-monde. Soit moins d’une décennie après la fin du combat dialectique Liberté (pour les prédateurs) à l’Ouest et Egalité (contrainte par des apparatchiks) qui a introduit beaucoup d’égalitarisme à l’Ouest par le biais des conquêtes sociales et beaucoup d’intérêts privés à l’Est par une direction politique conquise par la religion du consumérisme.

Enron, en 2000, géant de la distribution électrique ne pouvait survivre et étendre son marché captif qu’en fraudant et créant grâce à des techniques empruntées au crime organisé des coupures de courant.  L’ordre nouveau du capitalisme a été mis en théorie et appliqué, celui du chaos. Bush le deuxième, Obama en seize ans d’occupation de la cabine malgré des secousses dramatiques, onze septembre et effondrement bancaire de 2008 inclus, ont agité les mains, appuyé sur des manettes, tordu le manche en tous sens. Ils n’ont pu redresser l’appareil toujours sous contrôle d’automatismes largement inadaptés.

Un autre co-pilote a été appelé depuis le 20 janvier 2017.

Il a l’innocence du parvenu à ce poste sans le très long apprentissage des bons usages dans les back office du Parti à deux faces au pouvoir. C’est presque un n’importe qui au sens stochastique tel que souhaité par quelques défenseurs de la démocratie majoritaire au sens athénien. Les adeptes du Désigné par un coup de dés pour Décider et Représenter ignorent 2 500 ans après que c’est une majorité de citoyens “libres” qui a condamné à mort le meilleur d’entre eux, Socrate. L’ennemi de l’opinion construite par les sophistes et les beaux parleurs.

Presque un coup du hasard.

Trump doit la perpétuation de sa bonne fortune à son endettement majeur auprès de banques contraintes de le renflouer. Elles ont empêché sa faillite certaine pour mauvais investissements dans un immobilier qui n’avait pas trouvé preneur. Elles l’ont aidé à persévérer dans la marque Trump. Elles ont réalisé l’efficience de la sophistique, l’idéologie de la nouvelle culture démocratique qui fait prendre l’image pour le concept et le mot pour la chose.

Debord ne disait rien de plus dans sa Société spectaculaire que ne le dénonçait déjà Platon dans sa République. La chaussure n’en est plus une, elle est une virgule empruntée à la Victoire de Samothrace, Niké. Elle est un mot.

L’Europe, produit dérivé de la Puissance de l’Heure

Les ingénieurs en sociologie politique étasuniens ont intégré les officines agissantes, occultes ou non, depuis les plus prestigieuses universités étasuniennes avant et après ce que l’Occident a nommé Seconde Guerre mondiale. Ils ont rédigé le Traité de Rome, topographie au symbolisme dérisoire,  qui a été l’acte de naissance de la future Union européenne étendue à 27 pays à ce jour. L’économie des pays du continent européen occidental a été incarcérée à l’aide du plan Marshall dans le contenant que sont les Us(a). Ils ont contribué à leur manière à briser les liens de subordination des ex-colonies avec les anciennes métropoles en leur faveur.

L’Allemagne du 19ème siècle, enserrée dans le carcan anglo-français,  avait produit un élan nietzschéen et son aspiration à une sagesse préchrétienne réinventée pour le compte d’un Zarathoustra apollonien. Celle du milieu du 20ème a fait surgir de la fracture temporelle nazie un Cohn Bendit, chantre appointé d’un libéralisme échevelé en marche. De Gaulle, d’un nationalisme désormais archaïsant, fut éjecté. La sujétion aux Us(a) est assumée.

La  récession est installée depuis une décennie, les multiples guerres allumées un peu partout ne la réduisent pas. Trump, nouvel appelé dans la cabine de pilotage alors que l’avion est près de s’écraser, prétend vouloir fermer les frontières de son pays pour en reconstruire l’industrie. C’est alors que le cœur de l’Europe artificielle qui bat veut se battre pour reconstruire son Espace Vital.  L’insubmersible Joschka Fischer, ancien Mao-Spontex converti à l’écologie et complice de Schröder dans les réformes qui ont appauvri le prolétariat allemand et l’ont réduit au silence syndical, souhaite le maintien d’une fédération européenne. Avec Martin Schultz, il veut saisir cette opportunité et ambitionne de propulser la militarisation d’une Union européenne orpheline de son protecteur transatlantique sous un commandement allemand, suprématie industrielle oblige.

Tout le marché asiatique semble à portée de main

La Chine a été proclamée d’emblée comme l’ennemi commercial par la nouvelle équipe de la Maison Blanche. Dans cette association, la France souffre du syndrome du jumeau transfuseur. Développée sur le même placenta, d’abord le CECA puis la CEE et enfin l’UE, les anastomoses vasculaires entre les deux pionniers vident de ses ressources le Français de plus en plus atrophique et débile en faveur de l’Allemand, hypertrophié à en devenir un géant. La condamnation par les Us(a) à l’amende de 7,2 milliards d’euros de la Deutsche Bank, après celle de la BNP et du CA  alimente un autre canal pour une autonomie du continent.

L’Union européenne, c’est-à-dire l’Allemagne avec ses alliés bientôt vassaux à sa traîne, dont le sort est lié au devenir de la monnaie unique ose s’affirmer. Osera-t-elle vraiment ?

L’artefact a sécrété une machinerie d’unités administratives et propagandistes pléthoriques à suffisance pour prolonger sa survie quand le cordon ombilical étasunien sera coupé. Il subit des transformations morphologiques sous des pressions environnementales et affecte maintenant une forme ovoïde, oblongue. Un centre obèse occupé par un couple déséquilibré, Allemagne saprophyte de la France, et une extrémité occidentale en pointe, le Brexit.

L’extrémité orientale présente un premier chef, une Grèce exsangue, vidée de son plasma et son hémoglobine par les banques françaises et allemandes. L’autre pseudopode, tentacule avancée dans un bruit d’avion écrasé et de révolution colorée et tatouée de l’insigne nazi vers la Russie, consiste en une Ukraine abandonnée à sa guerre. Les oligarques avec leurs milices privées gavés des millions de dollars des néoconsionistes pour rompre avec la Russie, annoncent par la voix de l’un des leurs Viktor Chumak, vouloir maintenant destituer leur président chocolat. Porochenko est issu d’un système essentiellement mafieux et corrompu, nourri par Nuland et Soros,  Ses acolytes en guise de salutations distinguées à l’arrivée de Trump lui adressent des reproches, n’avoir pas assez lutté contre la corruption. Les blindés envoyés depuis Kiev ont pris position au Donbass et ne l’ont pas quitté, rompant l’accord de Minsk. Ils provoquent Trump qui s’est affirmé partenaire de la Russie.

Trump, une forme étrange née  d’une situation bloquée

En moins de deux semaines, Trump, le forcément perdant face à Killary, signe une vingtaine de décrets et contourne le Congrès. Une certaine logique primaire a dicté l’un d’eux, le plus connu et le seul contesté. Il a voulu interdire l’entrée aux Usa de ressortissants de pays que l’administration Obama a détruits, soit sept pays musulmans dont il pouvait craindre une réponse sous forme d’attaque terroriste. Flynn ne lui aurait pas assez bien expliqué que le terrorisme “islamiste” est sinon l’œuvre exclusive d’un successeur du Bureau d’Opérations Spéciales du moins une coproduction portant l’estampille CIA.

A aucun moment les antiracistes qui inondent les rues et les medias de leurs manifestations et de leur projet de faire obstruction à Trump (voire de le destituer) n’ont exprimé la moindre empathie pour les millions de musulmans sacrifiés par les guerres de Obama-Clinton et Sarközy-Hollande. Oui, restituer une certaine imperméabilité des frontières, mais de manière réciproque. L’Otan hors de l’Afghanistan, de l’Irak, de la Somalie, de la Syrie, de la Libye, du Soudan. L’Iran a droit à une énergie nucléaire civile et les sanctions qui lui sont imposées pour l’en dissuader sont une guerre authentique. A cette condition de symétrie, c’est une mesure qui préservera leurs forces vives aux pays concernés et limitera la fuite de leurs cerveaux. La renonciation au Traité de partenariat transatlantique qui occultait la possibilité des multinationales d’ester en justice contre les Etats qui se défendraient de leur intrusion est également une mesure à saluer.

Parmi les plus importantes décisions prises et trop peu commentées, la mise au rebut de la loi de réglementation financière Dodd-Franck. Elle n’avait été validée par les Représentants qu’après qu’elle fût vidée de toute disposition contraignante pour les banques d’affaires qui continuent de mélanger joyeusement activité spéculative, dépôts et crédits. De nouveau, du crédit toxique en préparation. L’économie hégémonique en est dépendante comme un junkie à son héroïne. Avec Rex Tillerson à ses côtés, les majors du pétrole sont autorisées à détruire l’environnement sur le passage des deux pipe line bloqués sous Obama. Une mobilisation continue des Amérindiens autochtones soucieux de préserver leurs terres l’y a obligé. L’énergie fossile va recouler à flot, faire baisser son prix et encore une fois mettre en péril les investissements couteux de l’exploitation par fracture hydraulique.

L’univers impitoyable de Dallas en somme. Il va peut-être exiger de fermer le robinet le plus abondant pour maintenir le cours à un niveau satisfaisant. La précédente administration a laissé se profiler la destruction du prochain Etat arabe, celui des Séoud, à toutes fins utiles. Une grande pudeur fait prédire aux économistes une croissance mondiale de quelques points pour 2017, toujours revue à la baisse une fois les quatre trimestres écoulés. Pour ne pas évoquer la Récession en cours, liée à une surproduction, i.e. une inadéquation entre l’offre excessive et une demande écrasée par des salaires trop bas ou leur absence. C’est l’une des composantes de l’effondrement pétrolier. Seule une restriction concertée de sa production l’a un peu redressé. L’interventionnisme de Trump sur ce marché va le déséquilibrer et le faire revenir au point d’avant les accords des pays producteurs.

La Défense est toujours en retrait par rapport au Département d’Etat et plus que Mattis, c’est Tillerson qu’il convient d’observer. Emettre publiquement l’intention d’un retour à l’intérieur de ses frontières redessine les alliances. La tension créée par les déclarations de Trump contre les intérêts chinois, laissés seuls maîtres à bord à Davos a favorisé l’amorce de l’axe germano-chinois et écrasé l’embryon européen sous forme d’un citron ovoïde.

L’agitation d’allure brownienne de Trump désempare les vassaux. Le style de l’homme surprend, il innove avec une diplomatie twittée. Il n’a pas pris la peine de renommer les 600 cadres  supérieurs de l’Administration qui doivent être approuvés par les Chambres. Plaisir que tout nouveau Président s’offre sans tarder. Il en a désigné tout au plus une trentaine.

Comme un enfant émerveillé de son tout nouveau jouet, il use de ses possibilités avant que le Réel ne lui assigne des limites. Il a éloigné pour l’instant la perspective d’un affrontement nucléaire avec la Russie qui devait être imminent  avec la Nominée qu’il a éliminée. La vieille Europe sera menée par l’Allemagne ou ne sera plus.

Badia Benjelloun