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736En offrant quelques commentaires sur le dernier grand sondage-enquête du Marshall Fund sur la perception des USA à travers le monde, nous commencerons par un rafraîchissement des mémoires courtes de notre civilisation postmoderniste. Dans les années 1987-1989, le leader le plus populaire en Occident se nommait… Mikhaïl Sergeïevitch Gorbatchev. Aux USA, il battait largement Reagan, en Europe, Thatcher, Mitterrand et Kohl dans leurs pays respectifs, avec des indices de popularité dépassant largement les 70%, parfois les 80%. Pour autant, l’Occident plébiscitait-il le régime communiste, l’URSS moribonde? C'était exactement le contraire, comme le dirent les cris de joie accueillant la chute du Mur. Donc, voyons les choses avec un peu de mesure et selon une approche relative.
Car l’analogie est frappante… “BHO-Gorbatchev”, c’est une image qui marche, une hypothèse qui séduit, une possibilité bien réelle qui a un formidable pouvoir hypothétique de redressement de la politique ossifiée du système par un traitement réformiste de choc, aux marges de la “dissidence” – exactement comme fit Gorbatchev, en ayant involontairement la peau du système communiste – mais c’est bien ce que nous attendrions d’un BHO-Gorbatchev, qu'il ait le peau du système de l’américanisme, d'une façon un peu plus rapide et spectaculaire que le système n'est destiné à se faire à lui-même. Et puis, comme on ne manque pas de le remarquer ici et là, y compris sur nos forums divers et accompagnés d’autant de sarcasmes entendus d’un lecteur ou l’autre, le temps passe et BHO-Gorbatchev tarde de plus en plus à pointer sous Obama 44ème POTUS (“President Of The United States”). Bientôt, la “fenêtre d’opportunité” sera close… (Même Brzezinski le dit, involontairement n’en doutons pas, lui qui ne fut pas un fan de Gorbatchev après ne l’avoir pas vu venir; lorsqu’on lit ceci, n’est-ce pas signifier que Obama 44ème POTUS étouffe de plus en plus un éventuel BHO-Gorbatchev pour la politique extérieure? «[Brzezinski] stressed that in Afghanistan, just as with Middle East peace-making and the Iran nuclear dossier, time was running out. Mr Obama's agenda was crowded, he said. And he added there was a huge risk that this new president's performance on the international stage might not match the scale of his global ambitions.»)
Si nous disons tout cela, c’est pour en venir au fait de notre contestation décidée de l’interprétation à première lecture des résultats de l’enquête susnommée. Ronald Asmus, directeur du German Marshall Fund (titre complet de la fondation, relais reconnu en Allemagne du système d’influence américaniste) présente et commente, dans le New York Times du 10 septembre 2009, les résultats de l’enquête – d'ailleurs d'une façon très nuancée, elle-même révélatrice.
«If Mr. Bush experienced an unprecedented drop in public support, Mr. Obama has produced a bounce not seen in trans-Atlantic polling on U.S. presidents since the 1950s. President Obama’s popularity is almost stratospheric. He has essentially reversed the loss to America’s image that accrued during the Bush years.
»Mr. Obama made his greatest gains in precisely those countries where Mr. Bush had lost the most ground — Germany, France, the Netherlands and Italy. The most Obama-crazed country was Germany, where his popularity is some 80 percentage points higher than the level of support Mr. Bush enjoyed in 2008. Indeed, President Obama is far more popular in Europe than he is at home. Europeans have more confidence than Americans do in his ability to deal with international issues ranging from terrorism to Russia to the Middle East. Europeans trust Mr. Obama to handle such issues more than they do their own leaders.
»But there are three important caveats. One is Central and Eastern Europe, where the Obama magic works less well. […] The second caveat is Turkey. Mr. Obama made a point of going there on his first trip to Europe, and he has raised America’s image from an abysmal to a mediocre level… […]
»The final caveat is that Mr. Obama’s popularity has not narrowed the gap on many of the tough issues that divide Americans and Europeans. While Europeans continue to see the same threats and priorities, our instincts are different over what we should do, especially when it comes to the use of force. That gap is especially visible in regard to Afghanistan and Iran’s nuclear program. Perhaps it is too much to expect that such differences could disappear in six months, but these numbers suggest the problems even a popular president will face.
»For the moment, Mr. Obama is the most popular American president in Europe since John F. Kennedy. Many European leaders were reticent to be associated with Mr. Bush, but they are lining up to be seen with Mr. Obama. The president enjoys that bonus even though he has yet to lay out in detail his thinking on the trans-Atlantic relationship. His popularity creates political capital. But it has not by itself changed stubborn differences on key issues. If President Obama can show statesmanship and diplomacy, his popularity will remain high. Otherwise his numbers will decline, just as they have already begun to fall in the United States.»
Pour nous, les réactions ouest-européennes concernent évidemment l’“image” d’Obama qui a été véhiculée durant la campagne présidentielle et le personnage présidentiel tel qu’il est apparu lors de son inauguration et de ses premiers mois. Cette image a été incontestablement celle d’un réformiste radical, d’autant plus radical qu’il succédait à GW Bush. Les Ouest-Européens ont été les seuls à considérer Obama par rapport au cadre de l’américanisme, comme un président théoriquement capable de procéder à une réforme profonde du système. Il y a d’ailleurs une certaine contradiction révélatrice dans ce sens des Ouest-Européens entre BHO proclamé comme le leader capable de mener les affaires du monde, et le constat des désaccords très profonds qui subsistent entre les USA et l’Europe («The final caveat is that Mr. Obama’s popularity has not narrowed the gap on many of the tough issues that divide Americans and Europeans»). Autrement dit, l’extrême popularité d’Obama est à la mesure de sa capacité supposée à réformer ce système qui produit une politique si complètement répudiée. C’est ce que nous considérons comme étant le plébiscite de “BHO-Gorbatchev”. Paradoxalement, nous verrions la popularité d’Obama comme la mesure du sentiment antiaméricaniste de fond du public ouest-européen, qui caractérise son jugement général de la politique US.
Les autres résultats sont beaucoup moins élaborés et ne s’inscrivent pas dans le cadre d’une perception de la question complexe du système de l’américanisme. Pour l’Europe de l’Est comme pour la Turquie, le personnage d’Obama s’efface derrière la question plus classique d’un nouveau président, certes d’une personnalité et de choix différents de ceux de GW Bush, mais toujours lié à la politique US.
Mis en ligne le 14 septembre 2009 à 07H10
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