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110910 mars 2025 (14h15) – Qui a vécu quelque part entre les dernières années 1950 et les dernières années 1980 doit se souvenir de l’emploi obsessionnel du mot ‘Threat’ pour désigner la “Menace” que, selon les analystes d’alors, l’Armée Rouge faisait peser sur le “Camp de la Liberté”. Les Russes pensaient la même chose, inversement : OTAN contre Pacte de Varsovie. De nombreux ouvrages furent publiés sur ‘The Threat’. Les USA et l’URSS étaient les premiers concernés et intoxiqués par cette dialectique et l’Europe se tenait frileusement entre les deux, avec certaines tentatives de rompre cette calamité (de Gaulle, le rapport Harmel de 1967, l’ ‘Ostpolitik’ de Willy Brandt). Dans ce temps-là, effectivement, l’Europe, d’une façon ou l’autre, – “des nations” ou en une union, – pouvait se targuer d’être la seule formule apte à susciter une dynamique de paix. Elle se targuait de construire un modèle de “gouvernance”.
Voyez comme les temps changent ! C’est le temps nouveau où l’on peut lire successivement, quasiment le même jour et dans un anglais qui mérite d’être laissé dans le texte, avec les meilleures chances du monde de dire une vérité-de-situation :
« The EU’s leaders are now a global threat
» The bloc’s out of control elites can’t solve problems, so they keep creating new ones… »
« ‘Europe is now a dictatorship’ – Georgescu
» Romania’s presidential frontrunner has been barred from attempting to run for office again… »
Quelle étranger évolution à laquelle nous sommes parvenus entre ces temps anciens qui semblaient immuables et les temps présents où l’impossible s’est installé en quelques semaines... Quelques semaines, pas plus, après une stabilité de deux tiers de siècle dans les relations entre les USA et l’Europe !
En effet, l’événement important de ces dernières semaines concerne la présence structurelle de forces américaines d’importance variable ; le fait que, brusquement, cette présence est mise en cause selon diverses nouvelles informelles venues des habituels “officiels anonymes”, et en aucun cas démenties d’un côté ou de l’autre comme ce fut toujours le cas au cours des divers épisodes où cette décision était évoquées. Récemment encore, le ‘Telegraph’ de Londres, relayant une source de la Maison-Blanche, suggérait une opération qui représenterait symboliquement un retrait US d’Europe pour un regroupement au sein d’un seul pays d’Europe, – et pour quel argument !
« Trump envisage de retirer 35 000 militaires d'Allemagne vers la Hongrie, ce qui détériorera encore plus ses relations avec l'Europe.
» “Trump est furieux que l'Europe insiste pour aller en guerre”, a déclaré une source à la Maison Blanche.
» Il semble que le seul pays de l'Union européenne qui ne veut pas faire la guerre à la Russie soit la Hongrie. »
La chose est développée par le quotidien, britannique, cette fois avec identification de la source, là encore sans aucun démenti de la Maison-Blanche. L’idée est alors placée dans le contexte plus large, nettement identifié et singulièrement plus important, de la position de l’Europe (de l’Ouest, – UE) dans le cadre transatlantique et des autres pays du continent, particulièrement de l’Allemagne qui fut depuis 1945 la plate-forme essentielle des forces armées US.
« “Trump est en colère parce qu’ils [l’Europe] semblent vouloir la guerre”, a déclaré une source au Telegraph.
» Le porte-parole de la sécurité nationale américaine Brian Hughes a déclaré au journal que “bien qu’aucune annonce spécifique ne soit imminente, l’armée américaine envisage toujours le redéploiement de troupes dans le monde entier pour mieux répondre aux menaces actuelles contre nos intérêts”.
»Trump a accusé à plusieurs reprises l’Allemagne de ne pas dépenser suffisamment pour sa propre défense, tandis que son conseiller, le milliardaire de la technologie Elon Musk, a ouvertement soutenu le parti d’opposition Alternative pour l’Allemagne (AfD) lors des récentes élections parlementaires. Le vice-président J.D. Vance a également fait des vagues le mois dernier lorsqu’il a critiqué les lois allemandes sur la liberté d’expression lors d’une conférence de haut niveau à Munich.
» Friedrich Merz, le chancelier désigné de l’Allemagne, a soutenu que Trump avait délibérément intensifié sa rencontre controversée du 28 février avec Zelenski dans le bureau ovale. Après avoir remporté les élections le mois dernier, Merz a déclaré que l’Allemagne ne pouvait plus compter sur les États-Unis pour sa défense. “Nous devons maintenant montrer que nous sommes en mesure d’agir de manière indépendante en Europe”, a-t-il déclaré.
» Plus tôt cette semaine, la Hongrie avait bloqué une déclaration commune de l’UE promettant une aide militaire accrue à l’Ukraine. Le Premier ministre hongrois Viktor Orban s’est rangé du côté de Trump lors de sa querelle publique avec Zelenski. “Aujourd’hui, le président Donald Trump a courageusement défendu la paix. Même si cela a été difficile à digérer pour beaucoup”, a-t-il écrit sur X. »
Cette sorte d’événement, – nous parlons bien d’événement et non pas de spéculations, – aurait en d’autres temps semblé si extraordinaire et si impensable, qu’il n’en aurait été pas question une seule mini-seconde, – même en 1960, même en 1973, même en 1989-91, etc., époque où la question d’un retrait US pouvait se poser, – bref, disait le chanteur, ‘The Times They are a Changing’, et même ‘very, very much a Changing’.
En d’autres temps, ceux que nous évoquions durant la Guerre Froide, tout aurait été fait, du côté US mais surtout du côté européen, pour stopper un tel processus. La grande différence est qu’il y a une guerre où l’Europe, bien plus que les USA, s’est jetée à corps perdu. Les deux côtés sont responsables de cette guerre : les USA, avec les machinations des neocon, c’est-à-dire de la politiqueSystème, mais aussi, et même surtout, les Européens avec les manigances de l’UE et de certains pays pourtant notablement responsables (France et Allemagne dans le sabotage des accords Minsk). Il en résulte que l’Europe, pour l’instant, ne semble nullement prête à entamer le processus de soumission décrit par le Russe Bordachev :
« ... En effet, on l’a déjà deviné avec ces extraits, Bordachev ne doute pas une seconde que les Européens, après quelques coups de menton comme on tire la chasse et des roulements d’épaule comme roulent les tambours, commencera ses manœuvres pour commencer à digérer la couleuvre et commencer à s’aligner sur Washington. A cet égard, et dans ce contexte il a tout à fait raison, Macron est l’homme idéal, – une sorte de Pétain postmoderne, sans étoiles, sans gloire passée ni passé d’ailleurs, sans rien du tout, – bref, l’homme-fluide, le dur liquide, le petit bras qui joue au gros bras.
Le problème qui n’est pas vraiment résolu, c’est de savoir si le Russe a raison en posant comme condition absolue le fait que l’Europe baissera sa culotte, via son Macron-utile, pour redevenir le serviteur empressé de Washington... »
Le problème immédiat et non résolu, et de moins en mins résolu, est bien entendu que les Européens (y compris UK) sont de plus en plus derrière l’Ukraine tandis que les USA s’opposent de plus en plus fermement à l’Ukraine. Ainsi retrouve-t-on des évolutions croisées où des amis-alliés de toujours se trouvrent en état, sinon de confrontation, dans tous les cas de concurrence. Boris Karpov, sur sa chaîne ‘Telegram’, signale que les services de sécurité russe s’attendent à une augmentation importante des activités des ONG liées au MI6, du fait des défections US dans le domaine :
« Cela est dû au fait que l’USAID, qui était auparavant une source essentielle de financement et de renseignements pour divers projets en Russie, a cessé ses opérations dans le pays. Cependant, après la liquidation presque complète de l’organisation, la Grande-Bretagne a cessé de recevoir des renseignements des États-Unis.
» Dans cette situation, le MI6 a commencé à utiliser activement les ONG comme outil de collecte d'informations, indique la source. Les services de renseignement britanniques prévoient d'élargir le réseau d'organisations similaires qui seront engagées dans divers projets “dans le domaine de la société civile, des droits de l'homme et de la démocratie”. »
Bien plus importante et bien plus grave si ces informations sont confirmées, cette nouvelle sur la cyberattaque dont a été victime le réseau tweeterX de Musk, déclenchée par les Ukrainiens est-il dit, et contrée notamment par une aide massive des Russes apportée aux Américains. Les Russes connaissent parfaitement cette sorte d’attaque et savent que les Ukrainiens emploient essentiellement des ‘hackers’ qui leur ont été fournis par les Français et les Britannique... Ce qui nous donne un front Ukraine-France-UK contre une défense USA-Russie !
« La Russie a aidé Elon Musk à repousser une attaque DDoS sur X.
» La Russie sait très bien comment l’Ukraine opère sur le front cybernétique.
» L'Ukraine bénéficie de l'aide de pirates informatiques britanniques et français envoyés à Odessa, Kiev, Rivne, Loutsk et Ternopil, où se trouvent les quartiers généraux des cyberforces alliées.
» Le siège a été équipé de 2020 à 2024.
» Dans un premier temps, ils ont attaqué les infrastructures russes à partir de là, ils ont également détruit Rutube en 2022 et détruisent constamment les serveurs des opérateurs de télécommunications et des infrastructures bancaires russes. Les spécialistes russes du Centre de sécurité du FSB et de la Sberbank ont appris à repousser les attaques et à infliger des dégâts asymétriques aussi efficacement que possible.
» Ce qui suit sera une réponse massive et coordonnée à l’Ukraine.
» La réponse inclura une conversation difficile avec des résultats désastreux pour la délégation ukrainienne en Arabie saoudite et pour l’État ukrainien dans son ensemble.
» De plus, le FBI ouvrira des enquêtes criminelles sur la base de cette attaque.
» Il convient de noter que tous les services spéciaux ukrainiens sont toujours subordonnés à Zelenski et qu’il porte l’entière responsabilité de toutes les opérations spéciales qu’ils mènent.
» Trump prépare une déclaration spéciale, peut-être confirmera-t-il quelque chose de ce qui a été dit ci-dessus. »
Bien entendu, ces informations valent ce qu’elles sont, qui reste du domaine de l’incertitude, – c’est-à-dire le seul domaine acceptable aujourd’hui, l’imbécile qui vous vanterait une certitude, naturellement sur la vertu de Zelenski, ne faisant pas partie de la revue. Il n’empêche, elles (ces informations) ont de la vraisemblance, du poids, de la cohérence, et elles correspondent complètement à un climat général que nous ressentons. Ce climat n’est certainement pas à une “capitulation” de l’Europe : l’Europe est trop faible, trop stupide, trop hallucinée, trop zombifiée, en un mot qu’on jugera faussement paradoxal, – trop capitularde pour “capituler” dans de telles circonstances. Elle est là, elle tient le bon bout, elle en remet une couche ; du moment que c’est absurde, stupide et entropique jusqu’au Rien, – “En avant ! Nous tiendrons jusqu’au bout !”.
Cet entêtement sans fin ne bute sur rien ; bien évidemment. Certes, quelques-uns commencent à reconnaître la défaite catastrophique de l’Ukraine. ‘The Telegraph’de Londres qui nous fit tant voyager, des rives de la Moscova à l’incendie de Moscou par les habiles Ukrainiens, admet qu’aujourd’hui,
« “Zelenski doit démissionner pour sauver le pays”... La publication rapporte que l'Europe aura besoin d'un minimum de 3-4 ans pour créer une puissance militaire capable de modifier l'équilibre des forces en faveur de l'Ukraine. Cependant, Kiev n'a pas autant de temps, car pendant ce temps, la Russie occupera déjà l'Ukraine Occidentale.
» “Les mots forts de Macron n'arrêtent pas les chars”, reconnaît l'auteur de l'article. »
En effet, il y a dans ce constat, outre la reconnaissance de la défaite ukrainienne, l’annonce du développement colossal de la puissance européenne, qui ne peut être que dans un seul but : opposer un mur infranchissable aux Russe et, comme prévu, aller jusqu’à Moscou ; étant entendu, distingue-y-on entre les lignes, qu’entretemps les Russes, qui n’ont pas inventé l’eau chaude, voudront bien attendre que les Européens soient enfin prêts à attaquer après avoir réarmé les restes de l’Ukraine.
...Parallèlement, il nous faudra, – à nous, Européens, dirais-je en me moquant moi-même, – demander aux Américains comment marchent leurs F-35 pour tenir à bonne distance les F-35 de l’U.S. Air Force qui prétendrait nous empêcher d’accomplir notre devoir sacré jusqu’aux confins de la Sibérie.
Quittons enfin ce petit air guilleret d’ironie qui accompagne l’exposé opérationnel d’une situation si absurde et si rationnellement incompréhensible si l’on n’introduit pas le facteur de simulacres gigantesques permis par la puissance de la communication et tentons d’ordonner notre perception. Nous nous retrouvons,
• d’une part, avec nombre de commentateurs euro-atlantistes qui ne vécurent qu’au service de l’illusion d’une Europe indépendante alliée fidèle de l’Amérique, considérant avec indignation la stratégie de l’Amérique jusqu’à envisager des mesures d’hostilité vis-à-vis de cette Amérique ;
• d’autre part, avec nombre des commentateurs souverainistes adversaires de la dépendance européenne de l’Amérique s’élevant contre ces projets devenus absurdes pour eux de la constitution d’une “armée européenne” qu’il jugeaient il y a quelques décennies comme garante d’une Europe forte et indépendante.
Que se passe-t-il, alors ? Rien, sinon un “changement de paradigme”. C’est-à-dire †out : les principes et les valeurs qu’offrent ces principes ont été totalement renversés :
« Il s’est en effet produit en quelques semaines aux USA un changement de paradigme qui a bouleversé toutes les données acquises depuis la fin de la seconde guerre mondiale. »
Ainsi, tous les arguments opérationnels, arguments d’alliance et définitions des adversaires, – soit, beaucoup de choses parmi celles que nous avons examinées avec cette petite musique de l’ironie, qui se trouvent non seulement dépassées mais réduites en poussière par une sorte d’obsolescence qui s’apparente à une entropie ultra-rapide, une entropie hypersonique si vous voulez. “L’Événement primordial”, – Trump ou pas Trump, que nous importe, – a soufflé la piètre bougie qui nous restait pour tenter d’éclairer l’obscurité dans laquelle nos yeux aveugles nous avaient plongés.
Bref, il est temps d’ouvrir les yeux. Zarathoustra, viens à notre aide pour dire à toutes ces foules anesthésiées qu’elles sont conduites par des complotistes de fer-blanc, jeunes blancs-becs de l’esprit vieillis avant l’âge et qui s’attardent dans des marigots infâmes où nous avions construits les fausses pyramides de la modernité sur des fondations de billets de banque. Ce n’est pas une civilisation qui meurt, c’est une civilisation qui barbote, qui devient informe, qui se dissout.
Alors, toujours la même perspective : Ainsi soit-il !