L’exceptionnelle confusion britannique et transatlantique

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L’exceptionnelle confusion britannique et transatlantique


29 août 2004 — Le Royaume-Uni se trouve, aujourd’hui, dans ses relations avec les Etats-Unis comme dans la situation de son système politique, dans un état de confusion sans précédent. Le Royaume-Uni est le seul pays où, justement, ces deux situations sont mêlées, à la fois l’une et l’autre causes et conséquences : la situation de ses relations avec les Etats-Unis et la situation de son système politique.

Un signe de cette confusion extraordinaire se trouve dans une nouvelle péripétie où l’on voit le chef des conservateurs britanniques, parti pro-américain par essence depuis 1940 et surtout proche des républicains conservateurs américains actuellement au pouvoir, se trouver en conflit violent avec la Maison-Blanche. On voit Michael Howard, le chef des conservateurs, dans un échange extrêmement vif avec la Maison-Blanche directement et d’une façon publique avec une intensité jamais atteinte. Les mots échangés sont très durs des deux côtés, tels que les rapporte le Sunday Telegraph d’hier, avec ce titre imprimé presque avec une insolence masochiste pour ce journal pro-conservateur et pro-américain : « Howard tells Bush: I don't care if you won't see me. »


« In a furious phone call earlier this year, Karl Rove, Mr Bush's closest adviser, told Mr Howard's aides: “You can forget about meeting the President. Don't bother coming. You are not meeting him.”

» Yesterday, after the White House ban was disclosed in the strongly pro-Blair Sun, Mr Howard issued a strongly-worded statement: “A Conservative government would work very closely with President Bush or President Kerry but my job as leader of the Opposition is to say things as I see them in the interests of our country and to hold our Government to account. If some people in the White House, in their desire to protect Mr Blair, think I am too tough on Mr Blair or too critical of him, they are entitled to their opinion. But I shall continue to do my job as I see fit.”

» Mr Howard's aides went even further, insisting that he would “have nothing to do with those trying to sustain Tony Blair in office wherever they might be”. A senior aide said: “There had been channels of discussion open as to whether he should go to Washington when Karl Rove telephoned to tell him not to bother. Howard's reaction was very cool. He is not going to be cowed by anybody from criticising the Prime Minister.”

» The confrontation between Mr Bush and Mr Howard is the deepest split between an American president and a Conservative leader since the row between Ronald Reagan and Margaret Thatcher over the US invasion of Grenada in 1983. They rapidly resumed their close alliance after the crisis. However, the bitter and public division between President Bush and Mr Howard appears unbridgeable. »

» Mr Bush's ban was imposed in February after Mr Howard accused Mr Blair of a “serious dereliction of duty” for going to war without asking basic questions about Iraq's weapons of mass destruction and told him that he should be “seriously considering his position”. Mr Howard's aides confirmed that Mr Rove had indeed sent a brusque message to the Tory leader. But they were quick to point out that Mr Howard had sent a robust reply. “He told us to tell Rove one word — Tough,” said a senior aide.

» The complete breakdown in relations between the White House and Conservative Central Office is all the more remarkable given Mr Howard's strong Atlanticist convictions. He has often said that his conservative politics were inspired by trips to the United States, and he is the founder of the Atlantic Partnership, which fosters links between America and Europe. »


Le Royaume-Uni est dans une situation extraordinaire. Son système parlementaire est brisé, avec des partis divisés sur les principaux problèmes, avec des conservateurs plus proches de nombre de travaillistes que de l’aile anti-européenne de leur propre parti sur l’Europe, avec des travaillistes pratiquement alignés sur les libéraux sur la question irakienne contre le Premier ministre issu de leurs rangs, avec des conservateurs partisans de l’alliance transatlantique et pourtant violemment opposés à Blair, notamment sur sa façon d’avoir conduit la guerre en Irak, et donc violemment opposés à leurs alliés naturels au pouvoir à Washington, comme le montre la querelle Howard-Rove.

Un homme profite de cela, le Premier ministre Tony Blair, parce qu’aucune alternative à lui n’est pour l’instant possible. Pourtant, ce Premier ministre est totalement paralysé, discrédité, d’une impopularité exceptionnelle, constamment sur la défensive, incapable de se dégager du bourbier irakien, allant d’accusations en scandales à moitié étouffés, et jusqu’à cette nouvelle menace d’une procédure d’impeachment dont les initiateurs vont recevoir l’aide légale du cabinet d’avocats dont Cherie Blair, sa propre femme, est la vice-présidente. « Cette affaire d’“impeachment” est magique, commente ironiquement une source européenne. C’est une procédure qui n’a jamais été appliquée depuis 1848, contre le premier Galverston, et elle va totalement déchirer tous les partis britanniques en les confrontant les uns et les autres à des choix impossibles. Londres va connaître, dans quelques jours, une rentrée politique agitée, — une de plus »

Au-dessus de cette exceptionnelle confusion, une ombre plane, celle des special relationships (avec les USA). Aujourd’hui, le Royaume-Uni paye une politique vieille de 64 ans, depuis l’accession de Winston Churchill à la fonction de Premier ministre, dont tous les historiens sérieux montrent qu’elle n’a jamais rapporté aux Britanniques que déboires, abandons d’intérêts et de souveraineté, et humiliations sans nombre. Le Royaume-Uni est paralysé à l’image de son Premier ministre qui se maintient à son poste dans une performance sans égale qui pourrait être qualifiée, comme le général Franks a qualifié la victoire en Irak, de « catastrophic success ». En un mot, la confusion britannique est aujourd’hui le miroir, voir le clone fidèle de la confusion et de la crise qui règnent à Washington. Special relationships jusqu’au bout.

… Avec, comme sorte d’épigramme de l’aventure, ce commentaire du Telegraph qu’il faut répéter pour le méditer, lorsque le journal rappelle que cette querelle est la plus furieuse depuis celle de Thatcher et de Reagan en 1983 à propos de l’invasion de la grenade, — mais querelle rapidement réglée, par contraste probable avec celle-ci… : «  However, the bitter and public division between President Bush and Mr Howard appears unbridgeable. »