L’héroïsme de l’hébétude européenne

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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L’héroïsme de l’hébétude européenne

24 mars 2025 (18H10) – Une grosse quinzaine plus tard, puisque je me réfère à mon texte du 11 mars 2025, je m’interroge toujours  sur l’attitude de l’Europe après le soi-disant “lâchage” américaniste. Je dis “soi-disant” parce que je rappelle d’ores et déjà avec insistance que les USA n’ont pas “lâché” l’Europe, ils ont “lâché” une politique américaniste pure et dure, – la nommée politiqueSystème, – qu’ils appliquaient, eux, sans la moindre retenue, sans écouter rien des conseils de modération de cette Europe, depuis le 11 septembre 2001, et même mars 1999 et l’attaque contre la Serbie. Pour l’Ukraine, il n’y avait donc rien de nouveau, avec le coup du Maïdan du février 2014 et tout ce qui a suivi, – qui est en assez grande partie le fait de l’Europe et en très grande partie le fait des USA.

A ce sujet, un petit rappel ne me semble pas inutile : les “aveux” téléphonés par Victoria Nuland à son ambassadeur à Kiev, où elle lui expose la politique US (« Fuck the EU ! »). Nuland n’a même pas pris la peine d’utiliser un téléphone sécurisée. (« C’est le ‘KievPost’ qui, le premier a révélé l’affaire : voir le 6 février 2014. », repris par nous le 11 mars 2014.)

« La vidéo de quatre minutes, intitulée “Marionnettes de Maïdan”, en référence à la place de l'Indépendance dans la capitale ukrainienne, a été mise en ligne par un utilisateur anonyme. L'origine de l'enregistrement n'est pas claire. La vidéo a d'abord été publiée dans le Kyiv Post. Le Département d'État américain n'a pas nié l'authenticité de la vidéo et a souligné que Nuland s'était excusée pour les “commentaires rapportés”.

» La conversation porte principalement sur la proposition faite le mois dernier par le gouvernement ukrainien et le président Viktor Ianoukovitch de nommer le leader de l'opposition Arseni Iatseniouk Premier ministre et Vitali Klitschko vice-Premier ministre. “Je ne pense pas que Klitschko doive entrer au gouvernement. Je ne pense pas que ce soit nécessaire. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée”, a déclaré une voix féminine, apparemment celle de Nuland. “S'il n'entre pas au gouvernement, qu'il reste à l'écart et fasse ses devoirs politiques”, a répondu une voix masculine, vraisemblablement celle de Pyatt. “Pour ce qui est de la suite du processus, nous souhaitons préserver l'unité des démocrates modérés”, a-t-il déclaré.

» Selon Nuland, le chef de l'opposition ukrainienne, Arseni Iatseniouk, devrait diriger le nouveau gouvernement, et Klitschko ne s'entendrait pas avec lui. “‘Cela ne fonctionnera tout simplement pas”, a-t-elle déclaré. Nuland a ajouté qu'on lui avait également dit que le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, était sur le point de nommer l'ancien ambassadeur des Pays-Bas à Kiev, Robert Serry, comme son représentant en Ukraine. “Ce serait formidable, je pense, de contribuer à la consolidation de cette affaire, que l'ONU la répare et, vous savez, que l'UE aille se faire foutre” [‘Fuck the EU’], a-t-elle déclaré, apparemment en référence à leurs divergences politiques. “Nous devons faire quelque chose pour que tout cela tienne, car il est quasiment certain que si cela prend de l'ampleur, les Russes œuvreront en coulisses pour tenter de le torpiller”, a rétorqué Pyatt.

» La porte-parole du département d'État américain, Jen Psaki, a refusé de commenter le contenu de l'enregistrement, mais n'a pas nié son authenticité. “Je n'ai pas dit que ce n'était pas authentique”, a-t-elle déclaré, ajoutant que Nuland avait présenté ses excuses à ses homologues européens pour ces propos. De son côté, le porte-parole de la Maison Blanche, Jay Carney, a affirmé que le fait que ces propos aient été “tweetés par le gouvernement russe en dit long sur le rôle de la Russie”.

» “Dans cette conversation, on dirait que les deux responsables jouent à une partie d'échecs ; ils élaborent des stratégies pour former le gouvernement d'un autre pays”, a déclaré Marina Portnaya de RT en commentant l'article… »

Ce long commentaire pour rappeler ce que fut le rôle des USA dans l’affaire ukrainienne et nuancer d’autant l’autre extrait que nous allons passer. Il s’agit du montrer que la responsabilité des USA, commencée en 2008 par GW Bush forçant (surtout la France et l’Allemagne) au vote de l’OTAN pour ouvrir ses portes à l’Ukraine, est totale quant à la stratégie. La tactique (les accords de Minsk faits pour être violés) sont laissés aux petites mains, les même franco-allemands suivant les USA comme des bœufs après les avoir contredits en 2008.

C’est sur cette arrière-plans que je repasse un extrait du texte du 11 mars 2025, déjà cité, où, pour reprendre mes propres termes, “je m’interrogeais sur l’attitude de l’Europe après le soi-disant ‘lâchage’ américaniste”. On s’interroge donc à nouveau sous cette lumière, mais peut-être orientée d’une autre façon

« En d’autres temps, ceux que nous évoquions durant la Guerre Froide, tout aurait été fait, du côté US mais surtout du côté européen, pour stopper un tel processus [de rupture entre les USA et l’Europe]. La grande différence est qu’il y a une guerre où l’Europe, bien plus que les USA, s’est jetée à corps perdu. Les deux côtés sont responsables de cette guerre : les USA, avec les machinations des neocon, c’est-à-dire de la politiqueSystème, mais aussi, et même surtout, les Européens avec les manigances de l’UE et de certains pays pourtant notablement responsables (France et Allemagne dans le sabotage des accords Minsk). Il en résulte que l’Europe, pour l’instant, ne semble nullement prête à entamer le processus de soumission décrit par le Russe Bordachev :

» ... “En effet, on l’a déjà deviné avec ces extraits, Bordachev ne doute pas une seconde que les Européens, après quelques coups de menton comme on tire la chasse et des roulements d’épaule comme roulent les tambours, commencera ses manœuvres pour commencer à digérer la couleuvre et commencer à s’aligner sur Washington. A cet égard, et dans ce contexte il a tout à fait raison, Macron est l’homme idéal, – une sorte de Pétain postmoderne, sans étoiles, sans gloire passée ni passé d’ailleurs, sans rien du tout, – bref, l’homme-fluide, le dur liquide, le petit bras qui joue au gros bras.

» “Le problème qui n’est pas vraiment résolu, c’est de savoir si le Russe a raison en posant comme condition absolue le fait que l’Europe baissera sa culotte, via son Macron-utile, pour redevenir le serviteur empressé de Washington... »

A cette nouvelle lumière que j’ai proposée, et dix-huit jours plus tard avec le constat d’un durcissement européen continuel et d’un éloignement russo-américain (!) chaque jour confirmé un peu plus, que peut-on dire ? Que l’Europe n’a finalement jamais été aussi ferme, aussi désunie mais comme le sont ses pays-membres, comme des condamnés dans une prison qui se haïssent, aussi désarmés avec des masses d’argent en prévision mais des armements dépendant complètement des USA (Voyez l’incroyable saga des JSF-F-35 depuis au moins 2002, et comme l’on s’y retrouve aujourd’hui, toute honte bue et quelques boulons entre les mains, sans le moindre souci de tirer quelque enseignement de l’aventure !)

Engagée dans une guerre qu’elle avait prévue et qu’elle voulait à tout prix éviter, et engagée seule, avec l’obligation d’être le meneur, et d’ailleurs sans véritable rancœur contre l’Amérique puisque l’Amérique elle-même s’est trahie en élisant Trump... L’Europe meneuse de la guerre, mais sans le moindre homme d’État à l’horizon, sinon trois féministes ardentes sans aucune véritable légitimité, et toutes trois avec des états d’esprit ou des états de service qui les rapprochent de la SS, – les deux Allemandes van der Layen, Annalena Baerbock, l’Estonienne Kallas.

Pour avoir une idée de où l’on danse avec ces trois folles qui dirigent la “guerre européenne”, on consultera le parler fort rude de Andrei Martianov :

«  Kallas n’est pas une “diplomate de haut niveau”, c’est une garce estonienne dérangée avec des traits de Waffen SS en elle. Elle EST le type de personne dont Bruxelles a besoin pour s’accrocher aux dernières lueurs du projet globaliste européen conçu par des amateurs d’économie et de militaire qui n’ont jamais eu de vrai travail de leur vie. Les châteaux de sable finissent toujours par s’écrouler ou, dans ce cas précis, sont détruits par les blindés et l’artillerie russes et tous les autres moyens de violence organisée dans lesquels les Russes sont les meilleurs au monde. L’histoire les a formés pendant des milliers d’années.

» Et nous y voilà : au dernier acte du principal passe-temps géopolitique de l’Occident, une fois tous les cent ans, l’Occident marche vers la Russie pour se faire botter le cul. Plus ça change, plus c’est la même chose... »

Enfin nous y sommes : les « dernières lueurs du projet globaliste européen ». C’est bien sur ce plan qu’il faut situer la prétendue Europe, héroïque et hébétée, qui usurpe la vérité de ce continent depuis 80 ans et qui s’engage aujourd’hui à résister jusqu’au dernier Ukrainien, à fabriquer des obus plutôt que des voitures pollueuses, des masques à gaz plutôt que des masques anti-Covid... Vaste programme !

En cela, l’Europe n’est nullement antiaméricaniste comme pouvaient l’être un Chateaubriand, un Stendhal, un Poe et un Baudelaire, un Jack Kerouac et un Henry Miller, un ‘Dasein’ de Heidegger et un Douguine, un dissident européen et un Orban, puisque son projet globaliste a, aux Etats-Unis et au sein du parti démocrate, le nom d’“américanisme” qui indique l’idéologie prédatrice des identités, des souverainetés, des peuples et des nations, de tout ce qui est (‘Dasein’) ; par contre, l’Europe est sans aucun doute antiaméricaine comme le sont tous les globalistes, de Soros à Nuland.

Bien qu’habillé d’oripeaux idéologiques, le globalisme (je préfère ce mot à celui de “mondialisation”) n’est pas réductible à une simple idéologie, c’est aussi et d’abord un “culte” pour ses adeptes, comme l’est par conséquent l’Union Européenne. C’est le fondement de ce “culte” d’être hébété jusqu’à l’héroïsme le plus absurde et le plus inutile  et d’entendre, et d’accepter avec délice toutes les injonctions à la bêtise la plus achevée. Finalement, tout se range selon la logique des simulacres et des vérités-de-situation. L’ordre des choses est respectée et le faux-nez européen-bouffe de Croquignol est à sa place.

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