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460Dans la redoutable polémique qui a déchiré Washington et Karachi cette semaine, nous allons retenir un mot pour le commenter. Il est cité notamment par McClatchy Newspapers, le 22 septembre. Il concerne Richard Armitage, l’homme qui a menacé le Pakistan, en la personne du chef de l’espionnage pakistanais, le général Mahmood Ahmed, le 13 septembre 2001. (Le mot qui nous intéresse, souligné en gras par nous.)
«Armitage said he used “strong language” to convey to Ahmed demands for Pakistan's cooperation against al Qaida and the Taliban. He recalled telling Ahmed that “history begins today” and “you're either with us or against us.”»
Le mot est bien plus intéressant que l’autre, qui a tant prêté à controverse et que Armitage a dénié avoir prononcé (“to bomb Pakistan back to the Stone Age” : «Armitage denied ever making such a threat in a telephone interview on Thursday with McClatchy Newspapers. “I didn't command any airplanes,” he said.»). Tout se passe comme si Armitage avait dit ce qu’on lui fait dire en l’occurrence, tant il s’agit bien de ce qu’un Américain songerait nécessairement à dire.
Au contraire, cette phrase est d’un bien plus grand intérêt : “l’Histoire commence aujourd’hui.”.
C’est une idée extraordinairement puissante pour caractériser l’américanisme et nous faire comprendre ce qui s’est passé le 11 septembre 2001. Qu’elle ait été exprimée par un homme qui, s’il n’est pas un tendre (Armitage n’est certes pas un “libéral” au sens US), était tout de même le n°2 de Powell et un ami très proche du secrétaire d’Etat, donc ennemi juré des néo-conservateurs — voilà qui est révélateur. La chose implique que la remarque faite par Armitage exprime une idée répandue.
Sans aucun doute, le “history begins today” représente l’idée que 9/11 est un événement sans précédent dans l’histoire de l’Amérique. C’est un événement qui rompt l’histoire de l’Amérique (de notre point de vue), qui commence l’histoire de l’Amérique (du point de vue américaniste, si l’on veut). On pourrait envisager l’expression (et c’est ce qu’on fit alors, du côté, toujours optimiste, des Européens), comme le signal que les Américains, jusqu’alors cantonnés dans un isolationnisme psychologique, acceptaient dans l’histoire commune, de devenir véritablement des internationalistes. Une autre interprétation, à laquelle on ne prit pas garde en général à l’époque, est que cette phrase signifiait que l’Amérique allait désormais imposer “son” histoire (sa conception de l’histoire) au reste du monde. Cette interprétation cadre beaucoup mieux avec la menace qui en accompagne l’intitulé : “notre histoire commence aujourd’hui et vous avez intérêt à y participer sans quoi nous vous ramenons à l’Âge de pierre par bombardements interposés”. C’est bien entendu, au vu de la situation actuelle, la signification qu’il faut retenir.
Mis en ligne le 24 septembre 2006 à 15H19