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1er septembre 2004 — Voilà une histoire intéressante : vingt ans après, la Flotte soviétique l’a emporté contre Hollywood. Cela se passe aux USA, et cela se règle à coups de millions de dollars mais la signification ne doit pas nous échapper.
En 1997, la Warner produit un film, Hostile Waters, avec Rutger Hauer, Martin Sheen et Max von Sydow. Le scénario s’appuie explicitement sur l’histoire d’un accident survenu en 1986 à un sous-marin nucléaire soviétique, le K-219, qui était en patrouille de routine à un peu plus d’un millier de kilomètres des côtes des Bermudes. Le K-219 était conduit par le commandant Britanov, interprété dans Hostile Waters par Rutger Hauer.
Il se trouve que le vrai Britanov existe. Dans le film, Britanov est décrit comme un officier incompétent, dont le comportement cause l’accident et aggrave les circonstances qui suivent, mettant en danger son équipage. Britanov n’a pas été très satisfait de cette tranche d’“histoire hollywoodienne”. Il est allé en 2001 devant les tribunaux et il a emporté la cause. L’“histoire hollywoodienne” a été condamnée par la loi. C’est un verdict réjouissant.
« The real-life incident event resulted in Captain Britanov being expelled from the Communist party and shamed the Soviet navy. His submarine, K-219, was on patrol 680 miles off the Bermuda coast when disaster struck. An explosion rocked the vessel and a fire broke out in a missile tube dangerously close to the boat's nuclear reactor. To make matters worse, the seal in a missile hatch cover failed and seawater began to leak into a missile tube reacting with residue from the missile's liquid fuel. Parts of the boat later began to fill with poison gas. Three sailors were killed in the explosion and a fourth died after the nuclear reactor was made safe.
» The Soviet Union alleged that the leak in the missile tube hatch was caused by a collision with an American submarine, USS Augusta, a claim that Washington denied.
» Captain Britanov was ordered to allow the stricken submarine to be towed by a Soviet freighter back to her home port of Gadzhievo, about 4,350 miles away. But he ignored Moscow's orders and evacuated his crew to transfer to the freighter. Moscow then stripped him of his command and ordered the crew to return to the vessel. But the submarine sank before that could happen. Some believe Captain Britanov scuttled the boat to save his crew. He was initially charged with negligence, sabotage and treason but the case was quietly dropped and his reputation was restored. »
Ce cas est intéressant pour au moins deux raisons qui sont pleines d’enseignement.
• La première remarque n’est pas une nouveauté, mais, tout de même, une confirmation dont l’éclat est particulièrement instructif : la désinvolture d’Hollywood lorsqu’il s’agit de tourner un film historique, encore plus de l’histoire récente dont certains acteurs sont encore en vie. (Il y a, chez les scénaristes d’Hollywood, plus qu’un mépris, une sorte de haine de la vérité dans la mesure où celle-ci pourrait avoir des facettes anti-américanistes.) Dans ce cas de Hostile Waters, Hollywood a suivi aveuglément la version officielle du régime soviétique de 1986, sans plus chercher avant, d’autant que cette version satisfaisait le chauvinisme simpliste du régime des Etats-Unis et le niveau mental supposé du public américain. Pour autant, on jugera cette désinvolture, jusqu’alors impériale et justifiée, de plus en plus imprudente, — là aussi, l’hubris américaniste fait des ravages — puisqu’elle conduit la Warner à débourser une pincée non négligeable de millions de dollars. (C’est par excellence la seule matière sensible dans le cuir par ailleurs épais des dirigeants hollywoodiens.)
• La seconde remarque concerne la démarche elle-même, qui est assez fondamentale et constitue sans aucun doute un progrès historique : désormais, Hollywood n’est plus à l’abri des tribunaux et des amendes pour son entreprise systématique de falsification historique. On peut espérer que l’affaire Britanov/K-219 fasse école, et que d’autres plaignants se déclarent contre les productions hollywoodiennes, soit en leurs noms propres soit en tant que représentants d’intérêts privés ou collectifs. (Cela aurait l'avantage intéressant de forcer les scénaristes hollywoodiens, sur les conseils impératifs de leur service juridique, à ouvrir un livre d'histoire sur le sujet avant d'écrire le scénario d'un film historique.) Les Britanniques, par exemple, pourraient se constituer partie civile dans certains films hollywoodiens, qui sont des cas flagrants de mensonges historiques. (Nous ne sommes pas dans le “révisionnisme”, nous sommes dans le mensonge lorsqu’un film d’Hollywood récent, U-571 (merci à “François”), attribue à des Américains la mise à jour du code de transmission allemand, alors que les Britanniques sont les auteurs de cet exploit. D’une façon générale et, finalement, assez significative, les Britanniques sont souvent la cible des manipulations propagandistes de Hollywood, qui semble également vouloir se venger de l’ancien colonisateur, comme dans The Patriot, avec Mel Gibson, où les troupes britanniques pendant la Guerre d’Indépendance sont présentées comme ayant un niveau psychologique et comportemental équivalent à celui des SS pendant la Deuxième Guerre mondiale. Autre exemple, le Saving Private Ryan, de Spielberg, qui laisse croire que seuls les Américains firent le 6 juin 1944, alors que les Britanniques composaient la moitié de l’effectif des forces alliées, et que les Français étaient à peu près une population indigène d’un niveau équivalent au début du XIXe siècle devant les libérateurs américains.)
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