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22 août 2002 — « I am a patient man », voilà qui pourrait être le leit-motiv de GW. Il l'a redit hier, 21 août, après avoir reçu Rumsfeld et Cheney, Condoleeza Rice, le général Myers (président du JCS), pour un “sommet” dans son ranch du Texas. Le sommet n'était pas consacré à la guerre contre l'Irak ; naturellement, on a tout de même parlé de la guerre contre l'Irak ; et c'est à propos de la guerre contre l'Irak que GW a observé, une fois de plus, qu'il est « a patient man », cette fois à propos des perspectives (des délais) d'attaque. L'agence Associated Press notait hier :
President Bush, confronting skittish allies overseas and naysayers at home, asserted Wednesday that ousting Iraq's Saddam Hussein “is in the interests of the world” but indicated the United States is in no hurry. “I'm a patient man,” Bush told reporters on his Texas ranch.
»
Les spéculations à propos de cette rencontre n'ont en général pas trouvé beaucoup de répondant dans les déclarations et les confidences. Il reste qu'on peut avancer certains points à partir d'observations extérieures :
• Quoiqu'on en ait dit, ce fut un “conseil de guerre” sur la question de l'Irak, même si une partie du temps de la réunion seulement y ait été consacrée. La question était bien de savoir où l'on en était après le développement des critiques anti-guerres de ces deux dernières semaines.
• L'absence de Powell est significative (mais, en un sens, celle de Wolfowitz aussi, impliquant qu'on n'a pas voulu rendre trop voyante l'influence des neo-cons extrémistes). On a pu voir, au ranch de GW, les seuls conseillers ou ministres qui ont aujourd'hui une influence directe sur lui : Rice, qui s'est totalement alignée sur la tendance dite des “réalistes durs” (qui veulent la guerre mais avec certains aménagements) ; Cheney, le vice-président ; Rumsfeld, le secrétaire à la défense.
• Son absence de ce sommet fait de Powell le représentant de facto de l'opposition à la guerre, à l'intérieur de l'administration, même s'il hésite devant ce rôle.
• Un mot dans une déclaration de GW montre que l'une des causes des délais pour une attaque est la capacité militaire inadéquate pour l'instant, — le mot “technologies” dans la phrase « We will consider all technologies available to us and diplomacy and intelligence ». Cette remarque est renforcée par des indications selon lesquelles, malgré un programme de production accélérée, les réserves en munitions des forces armées US ne sont pas refaites après la ponction de la campagne d'Afghanistan.
A ce point de l'évolution des événements, les possibilités de guerre restent extrêmement élevées malgré l'apparition d'une opposition puissante, et complètement inattendue. Un long et intéressant article du magazine Village Voice développe l'argumentation selon laquelle la guerre aura lieu. L'article cite notamment Noam Chomsky.
« ''My feeling is that the administration has staked so much in it that they're going to have an awful hard time backing down,'' says Noam Chomsky, the MIT linguist and author of the anti-imperialist treatise “9-11”. “I suspect that they're putting such a heavy stake in it to make it difficult to back down.” »
» Chomsky says the current hawks are mostly recycled Reaganites, bullies who steamrolled dissent in the '80s and can be expected to do the same now. “Anytime they wanted to ram through some outrageous program, they would just start screaming and Congress would collapse,” he says. “I mean, it's not just Congress; it's the same in what's called intellectual discussion. Very few people want to be subjected to endless vicious tirades and lies. It's just unpleasant, so the question is, Why bother? So most people just back off.”
(...)
» Despite having our own equipment at his disposal, Saddam quite quickly went down to defeat—a lesson not lost on Hussein's military commanders or on neighboring nations. Chomsky argues the Iraqi army would fare no better this time, but he warns against false confidence on the part of the White House. The last time around, Mideast leaders wanted Hussein out of Kuwait. This time, they want the U.S. out of their affairs. “f I was in the Republican Guards, I'd just hide my rifle and run,” Chomsky says. “they're just going to get devastated. And I also suspect that the guys in Washington may be right in their assumption that the rest of the region and the world will be so intimidated that they won't do anything. That's a possibility. On the other hand, the whole place might blow up. It's just flipping a coin— you've got no idea” »
Une autre appréciation est celle du général Wesley Clark, hier à Londres. (Clark s'est déclarée adversaire de la guerre, notamment dans son aspect trop unilatéraliste avec l'absence de soutien des alliés. Clark estime que le soutien du Royaume Uni en cas de guerre est très loin d'être assuré, contrairement à ce que croit Washington. Pour Clark, l'engagement inconditionnel de Blair fait illusion, derrière lui la situation au Royaume Uni est extrêmement délicate.) Clark estime les possibilités de guerre l'année prochaine à 65%-70%. « La guerre est probable, elle n'est pas certaine à 100%. Mais le discours de Bush sur l'“axis of evil” et son appel à un changement de régime lui laissent peu de place pour manoeuvrer. »
Cet argument (GW a été trop loin pour reculer) est en général celui qui est le plus souvent repris pour affirmer que GW ira jusqu'à la guerre. C'est le principal argument de Richard Perle : « [F]ailure to take on Saddam after what the president said would produce such a collapse of confidence in the president that it would set back the war on terrorism. » Un autre commentateur, Patrick J. Buchanan, adversaire de la guerre s'il en est, reconnaît l'argument de Perle comme très valable, et estime également que GW est bloqué dans sa logique de guerre : « But Perle has a point. The president and America will suffer a major loss of credibility in the Islamic world if he backs away from war, and it is the president's own fault – and that of his War Cabinet – that he, and we, are now far out on this limb. »
En d'autres termes, le « patient man » pourrait bien être victime de sa patience, pris entre une rhétorique guerrière développée depuis des mois, engendrant la nécessité de faire la guerre, et la perspective d'une guerre qui s'avère de plus en plus difficile à faire. Que cela ait été voulu ou pas, la présidence GW elle-même, la politique unilatéraliste qui la caractérise, ont leur sort commun engagé dans la question de la guerre contre l'Irak. La chose est devenue un quitte ou double.