L’hyper-zombification de l’“Anglosphère”

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L’hyper-zombification de l’“Anglosphère”

En passant, une petite revue de détail des forces de sécurité américanistes-occidentalistes, jusqu’aux embrassades entre la CIA et le MI6. • La wokenisation des forces armées progresse avec une régularité de géant, montrant qu’on estime que la woke-stratégie est la reine des batailles. • Pendant ce temps, les chefs de la CIA et du MI6 de l’Anglosphère nous font la surprise d’une rencontre au sommet des maîtres-espions. • Plus que jamais, le renseignement anglo-saxon roule pour nos illusions et nos simulacres : c’est sa façon d’être woke.

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D’abord, un coup d’œil documenté sur l’état des forces armées US. Larry Johnson, rentrant tard chez lui hier soir après une journée à l’extérieur, a rapidement passé en revue ses courriels et est tombé sur cet article qu’il veut nous faire lire. C’est un monsieur Will Thibeau qui en est l’auteur, en tant que directeur de l’‘American Military Project’ du ‘Center for the American Way of Life’, dont le but est d’« exposer, évaluer et éliminer systématiquement les manifestations de wokenisme dans le personnel, les programmes et les politiques de l’armée américaine »

Johnson nous indique les points-clef de l’article :

« La débâcle en Afghanistan a été dramatique, mais ce n’était qu’une petite partie d’un tableau beaucoup plus vaste. Les forces armées des États-Unis étaient autrefois l’envie du monde, en grande partie parce que nous avons sélectionné les meilleurs des meilleurs et inculqué à nos combattants une éthique militaire inébranlable. Cependant, l’éthique et la sélection sont en déclin constant, car le ministère de la Défense succombe à une idéologie dangereuse : celle des quotas de groupe, ou de l’égalité forcée des résultats pour les groupes d’identité en fonction de la race et du sexe.

» Les critiques de l’état actuel des choses dans nos forces armées gaspillent leur précieux souffle sur des problèmes dérangeants mais mineurs comme les listes de lecture, les spectacles de drag et les tendances TikTok. Ce document sert d’appel à la concentration et à la précision sur la prévalence des quotas basés sur la race et le sexe, et l’effondrement des normes professionnelles qui l’accompagne, dans la lutte pour reconquérir l’intégrité de l’institution militaire...

» Nulle part les conséquences de l’embauche de quelqu’un d’autre que ceux sélectionnés pour leurs qualifications professionnelles ne sont plus élevées que dans les guerres que notre armée pourrait bientôt mener. En mai de cette année, le Daily Caller a fait état des efforts de l’armée de l’air pour diversifier les écoles de pilotage. L’armée de l’air a créé des classes qui reflétaient la démographie raciale et sexuelle de la nation. Cette manipulation des talents les plus critiques de notre armée a produit des classes consécutives d’écoles de pilotage en dessous des niveaux soutenables, bien en dessous de la moyenne. Cette étude de cas brutale est un signe avant-coureur de ce qui va arriver dans une armée dont le principe d’organisation est la diversité plutôt que le mérite.

» La DEI est exactement cela dans l’armée : un principe d’organisation qui se manifeste spécifiquement dans la prévalence des quotas basés sur l’identité et l’effondrement des normes qui en découle. Les futurs responsables de la Défense, les législateurs et les Américains intéressés doivent avoir une compréhension claire du personnel actuel et du paysage politique pour apporter des changements significatifs...

» Selon le recensement américain de 2020, les hommes représentent 49,6 % de la population totale. Le rapport démographique militaire américain de 2022, quant à lui, compte plus de 82% des militaires actifs comme étant des hommes. Dans les classes d’officiers de toutes les branches de l’armée en 2022, un peu plus de 80% étaient des hommes, ainsi que 82,9% du personnel enrôlé.

» La branche qui présente la plus grande disparité entre les sexes est le Corps des Marines, où un peu plus de 90% des membres du service actif étaient des hommes. L’écart est encore plus grand dans les rangs les plus élevés : dans le Corps des Marines en particulier, plus de 96% des généraux les plus haut gradés étaient des hommes. La Navy affichait la deuxième plus grande disparité, avec plus de 93% de ses officiers les plus haut gradés étant des hommes. L’Air Force avait le pourcentage le plus faible de généraux masculins avec un grade 07-010, soit un peu plus de 88%.

» Des disparités similaires existent parmi les rangs les plus élevés en matière de race. Aux États-Unis en général, 75,3% s’identifient comme blancs, contre 68,8% des militaires en uniforme. Lorsqu’ils sont organisés en classes de soldats et d’officiers, les membres blancs de l’armée représentent 75,1% de tous les officiers et 67,4% de tous les membres du personnel.

» Dans les rangs les plus élevés des généraux, la catégorie de rémunération 07-010, plus de 87,9% dans toutes les branches s’identifient comme blancs. À ces rangs, seuls 12,1% se considèrent comme des minorités, les Afro-Américains étant les plus nombreux à 7,7%. Comparez cela aux 31,2% de la force dans son ensemble qui s’identifient à un groupe minoritaire et aux 17,3% de tous les membres du service qui s’identifient comme noirs ou afro-américains. »

Johnson complète cet extrait de l’article en donnant son appréciation par comparaison, entre la déségrégation de l’armée (la fin du racisme antinoir institutionnalisé) réalisée par le président Truman en 1948, et la poussée actuelle, soi-disant antiraciste mais en réalité faite d’un racisme inversé, antiblanc, et beaucoup plus agressif et institutionnalisé avec violence. Les résultats obtenus par la DEI sont alors nécessairement catastrophiques parce qu’il s’agit d’un racisme actif, qui a prévalence sur tout (notamment le mérite et les compétences). La situation de ségrégation, elle et malgré tous les geignements moraux et humanitaires qu’elle provoquait, était un fait acquis qui n’impliquait aucune interférence de recrutement, – sinon, cantonner les Noirs ensemble, dans des fonctions réductrices et dégradantes, et limiter d’autant les promotions.

« Les États-Unis ont bouclé la boucle depuis que le président Harry S Truman a émis le décret exécutif 9981, qui a déségrégé l’armée américaine. Cette mesure visant à mettre fin à la discrimination flagrante contre les Américains noirs préfigurait le mouvement des droits civiques des années 1960. Certains universitaires insistent sur le fait que Truman, qui a grandi sous l’influence de grands-parents qui étaient de fervents partisans de la Confédération et parlaient avec mépris des Noirs, n’a pris cette mesure que pour gagner les votes des Américains noirs. Malgré son propre passé de propos ouvertement antinoirs, il a ordonné l’arrêt de la discrimination contre les Noirs et l’armée a réagi en intégrant des unités auparavant ségréguées.

» La volonté d’imposer la DEI comme norme de promotion n’a rien à voir avec la lutte contre le racisme. C’est une politique fondamentalement raciste car elle traite les gens en fonction de leur apparence extérieure et les récompense en conséquence. C’est l’essence même du racisme.

» Je suppose qu’il y a un côté cynique et positif à la poussée en faveur de la DEI – c’est-à-dire que la qualité et les capacités de l’armée américaine sont dégradées dans tous les domaines, ce qui signifie qu’elle sera moins compétente, moins capable et plus vulnérable aux contre-attaques de la Russie, de la Chine ou de l’Iran. Bien sûr, il est également correct de noter que la performance globale dans les aventures militaires étrangères au cours des 60 dernières années a été lamentable. Si très peu de militaires américains ont été tués ou blessés dans ces mésaventures, ces actions militaires ont fait plus de deux millions de victimes civiles au Vietnam, en Libye, en Irak et en Afghanistan sans garantir la moindre paix ou règlement significatif. Le recours excessif à la force militaire, au détriment de la diplomatie, a affaibli la position des États-Unis dans le monde. Se concentrer sur la DEI ne changera rien à ce fait. »

... On, notera la remarque très ambiguë de Johnson :

« Je suppose qu’il y a un côté cynique et positif à la poussée en faveur de la DEI – c’est-à-dire que la qualité et les capacités de l’armée américaine sont dégradées...  » (“I suppose there is a cynical, silver-lining to the push for DEI — i.e., the quality and capability of the US military is being degraded ”)…

Cela signifierait in fine que Johnson est satisfait de cette évolution, qu’il ne voit que cela comme possibilité que les USA ralentissent ou cessent leurs interventions extérieures auxquels les contraint le ‘DeepState’.

Sur cette remarque quelque peu sacrilège, nous passons à l’exposé d’une situation très spécifique quoique de même source : les dégâts catastrophiques que la tendance DEI & Cie (simulacre, conformisme, etc.). Suscitent dans la posture et l’argument intellectuel de hauts dirigeants dans l’Anglosphère, fussent-ils blancs et bien blancs.

CIA et MI6 font crétinisation commune

C’est en effet un produit de la wokenisation (une hyper-DEI, si l’on veut, avec le simulacre partout en plus) que nous voyons dans l’hyper-crétinisation des dirigeants de sécurité nationale de l’Anglosphère (US at UK dans ce cas). Nous voulons parler de l’article cosignée par les directeurs de la CIA et du MI6 dans la ‘Financial Times’, qui donna à ces deux importants personnages l’occasion d’un sommet sans précédent, représentant la crème absolue du renseignement et de l’évaluation stratégique américaniste-occidentaliste dont l’Anglosphère est la pointe avancée et exclusive, et qui s’énonce aujourd’hui à coups de phrases ronflantes et de formules tonitruantes sans nécessité d’action de quelque sorte que ce soit.

Ce “sommet” a beaucoup intéressé certains de nos commentateurs favori, dont Mercouris qui nous en parle encore hier soir en grands détails et sans oublier Bhadrakumar (autour de 35” sur la vidéo) :

« Je reviens à cette réunion des chefs de la sécurité, des chefs du renseignement, des chefs du renseignement britanniques et américains. C'était une réunion sacralisée mais sans la moindre substance, aucune nouvelle idée n'en est sortie, aucune proposition d'initiatives diplomatiques, et une tentative de monter les Russes contre les Chinois avec une histoire fantastique selon laquelle les Russes auraient menacé d'utiliser des armes nucléaires à l'automne 2022. Si vous lisez attentivement les commentaires de Bill Burns [CIA], vous verrez qu'en fait, les Russes n'ont jamais menacé d'utiliser des armes nucléaires à l'automne 2022. Certaines personnes à Washington ont apparemment pensé que pendant la période de l'offensive ukrainienne en septembre, certaines personnes à Moscou auraient pu avoir cette idée qui est évidemment complètement fausse.

[…] Sur le fond, sur la recherche d'une sorte de voie diplomatique pour sortir de la guerre, ils n'avaient rien à dire et Bhadrakumar souligne ce point dans ce contexte. L'extraordinaire premier article conjoint des chefs du renseignement de la CIA et du MI6, paru dans le Financial Times de samedi, montre que sous les jeux de mots et l'hyperactivité verbale, la stratégie anglo-américaine est dans une impasse. Bill Burns et Richard Moore [MI6] ne peuvent même pas se résoudre à articuler les objectifs de Biden, tout en admettant que maintenir le cap est plus vital que jamais.

» Burns et Moore ont laissé entendre que les opérations terroristes secrètes menées par le chef du renseignement militaire ukrainien sont les options qui restent maintenant dans cette “guerre” par procuration. C'est vrai, soit dit en passant, et c'est une possibilité très inquiétante. C'est bien ainsi, et Bhadrakumar s’exclame : « Quelle chute shakespearienne pour une superpuissance ! », - et bien sûr je suis d'accord... »

En plus de l’imposant article cosigné par les “deux personnages importants” pour le FT, nous eûmes droit à tous les ingrédients courants d’un sommet : on s’assoit sur le même divan, entre amis et sans cravates, et l’on glisse d’importantes appréciations exclusives aux petites plumes qui bourdonnent autour d’eux. Dave DeCamp, de ‘Antiwar.com’, nous convie à la magie de l’offensive ukrainienne de Koursk sans omettre de nous préciser que son effet fut une poussée majeure des Russes dans le Donbass.

«  Le directeur de la CIA William Burns et Richard Moore, le chef de l’agence de renseignement étrangère britannique MI6, ont pris la parole lors d’un événement public conjoint sans précédent à Londres samedi, où ils ont salué l’invasion de l’oblast de Koursk par l’Ukraine.

» Moore a déclaré que l’invasion de Koursk était “typiquement audacieuse et hardie de la part des Ukrainiens, pour essayer de changer la donne” et a déclaré qu’elle avait “appris aux Russes ordinaires ce que c’est que cette guerre ”.

» Burns a déclaré que l’opération de Koursk était une “réussite tactique significative” qui a remonté le moral en Ukraine. Alors que les combats se poursuivent à Koursk, les forces russes ont réalisé des gains plus rapides dans la région ukrainienne du Donbass depuis le lancement de l’invasion de Koursk. »

Et que dit donc Bhadrakumar, déjà cité, de cette fameuse offensive qui est effectivement en train de prendre une place sacrée dans le Grand Livre des hauts faits d’armes de l’Anglosphère, – bien que, c’est bien connu, ni les Anglais ni les américanistes n’aient participé en quoi que ce soit, sinon la transmission télépathique d’une intuition foudroyante, à ce très-haut Fait d’Arme. Bhadra parle le 8 septembre de cette affaire :

« Le président russe Vladimir Poutine a pris l’Occident à contre-pied en réagissant à l’offensive ukrainienne de Koursk, il y a un mois, qui a été largement célébrée comme un point de basculement dans le conflit. Le conflit est effectivement à un point de basculement aujourd’hui, mais pour une toute autre raison, dans la mesure où les forces russes ont profité de la folie du déploiement par l’Ukraine de ses brigades d’élite et de blindés occidentaux dans la région de Koursk pour atteindre une position indétrônable ces dernières semaines sur les champs de bataille, ce qui ouvre la porte à de multiples options pour l’avenir.

» Au contraire, l’Occident se trouve dans un “Zugzwang”, une situation que l’on retrouve aux échecs, dans laquelle on est contraint de déplacer un pion alors qu’on préférerait passer son tour. »

Les deux services sont connus pour s’attribuer à eux-mêmes et à l’unanimité la palme du plus grand brio et de la puissance sophistiquée de tous les services de renseignement de la terre. Le “sommet”, le premier du genre, a donc fait grand bas-bruit chez les espions du monde entier. On ne dira pas que la montagne a accouché d’une souris, car cela ne sied guère à des services de cette pétulance, mais par exemple que le dinosaure s’est éteint comme une bougie pour nous laisser voir que l’espèce avait disparu il y a 60 millions d’années.

Donc, comme pour les dinosaures, cette “guerre” d’Ukraine est, pour la modernité et le monde américaniste-occidentaliste, le plus fabuleux simulacre de l’histoire des hommes et de leurs prédécesseurs. Reste à débrouiller l’énigme de savoir jusqu’à quelle mesure d’ivresse des profondeurs ces gens croient à la narrative qu’ils nous racontent, et jusqu’à quelle profondeur ils croient que ceux qui les écoutent y croient également.

On comprend bien sûr qu’on s’empresse de saisir ce “sommet” des maîtres-espions et de l’enfiler, comme une perle rare et la plus belle de toutes, sur le collier ukrainien qu’ils nous demandent de porter. Ils vont très vite et font très fort. On en vient à se demander si le jeu en vaut la chandelle, d’ainsi risquer la réputation de ces “deux importants personnages”. Si l’on se place du point de vue wokeniste, à l’image des forces armées américanistes, le simulacre vaut bien le risque ; l’on comprend alors qu’il y a vraiment de fortes chances que jamais l’Anglosphère ne cédera sur la question ukrainienne, qu’elle en fera la promotion jusqu’à la mort. Même un Trump ne changera pas cela et le ‘DeepState’ préfèrera l’affrontement dans les rues.

 

Mis en ligne le 10 septembre 2024 à 15H20