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65834 octobre 2022 (17H15) – Audiard aurait pu faire dire à un de ses acteurs favoris la remarque suivante : “Ce qui caractérise notre époque, c’est la vitesse supersonique, et la première à en profiter c’est la connerie”. Mais, de son temps, Audiard parlait d’une vitesse à peine supersonique, et plus généralement encore subsonique. Il parlait de la vitesse, par exemple, des missiles de croisière, qui évoluent à juste en-dessous de Mach 1. Aujourd’hui, nous sommes, – “Célérusses” (“c’est la faute des Russes”), – à l’époque de l’hypersonique, des missiles de croisière hypersoniques, volant à Mach 10-Mach 15. Eh bien, pour la matière dont il parlait, c’est la même évolution, donc une connerie dotée d’une énergie cinétique extraordinairement plus élevée :
« Trois fois plus lourd et presque douze fois plus rapide que le Tomahawk, le Kinzhal possède plus de 3×122 = 432 fois l'énergie cinétique en croisière d'un missile Tomahawk (~17,3 gigajoules, soit l'équivalent de 4 100 kg d'énergie explosive TNT). »
Eh bien, tout est dit : chez madame Truss, la chose est absolument hypersonique. Le journaliste australien Graham Hryce, dont je vais utiliser l’article qu’il fait paraître dans RT.com (‘What else ?’) la décrit ainsi, – et, miraculeusement, en la décrivant il ne fait que nous informer mieux et rapidement (hypersoniquement ?) sur la qualité de nos dirigeants actuels dont elle est simplement l’avancée hypersonique la plus remarquable :
« Il a toujours été évident que Truss est une politicienne de quatrième classe. Elle manque totalement d'intelligence réelle, d'empathie avec les électeurs et de jugement politique. Mais Truss n'est pas pire que le politicien moyen qui, de nos jours, atteint régulièrement de hautes fonctions dans les démocraties occidentales. »
Elle a donc réussi un exploit que je qualifierais aussitôt d’hypersonique : en un peu moins d’un mois, sitôt enterrée avec le plus grand respect et la plus nostalgique tristesse l’une des reines les plus longues de l’histoire de ce vieux et fier royaume, elle a saccagé la coque déjà remplie d’eau du vieux rafiot pourri qu’est devenue la Grande-Bretagne, la précipitant vers son destin nommé : “Rule Under the Waves, Britannia” :
« Même les fervents croyants en la stabilité des démocraties occidentales ont certainement vu leur foi ébranlée la semaine dernière par les extraordinaires crises économiques et politiques créées par la toute nouvelle première ministre britannique, Liz Truss.
» Dans la semaine qui a suivi la présentation d'un “mini-budget” par le chancelier Kwasi Kwarteng, trié sur le volet par le premier ministre, le 23 septembre, la livre anglaise s'est effondrée, le marché des obligations d'État a plongé, les taux d'intérêt et les taux hypothécaires ont augmenté, certains marchés hypothécaires se sont fermés, la Banque d'Angleterre a procédé à une intervention fiscale très inhabituelle pour empêcher l'effondrement de grands fonds de pension et le FMI a critiqué Mme Truss d'une manière habituellement réservée aux dirigeants de républiques bananières criblées de dettes.
» L'importance mondiale de ces événements et les perturbations économiques et politiques qu'ils ne manqueront pas de provoquer ne doivent pas être sous-estimées. Le commentateur politique Alastair Campbell, ancien conseiller de communication de Tony Blair, a décrit avec justesse la semaine dernière comme “la semaine où tout a changé”. »
Aussitôt ce fut l’hallali, comme c’est la coutume chez les ‘Anglos’, qui sont si fiers de leur pays mais ont la dent particulièrement acéré pour ceux (celles) qui arrivent en roulant des épaules et au premier pas dans la voie du pouvoir au plus haut niveau, arrive à glisser sur une gigantesque et hypersonique peau de banane qu’ils ont créée eux-mêmes, pour eux-mêmes.
« Pour ce qui est de Truss elle-même, Alastair Campbell a justement remarqué : “Elle est morte... grillée, toastée... » (Hryce)
« En tant que femme politique, Liz Truss est un cadavre ambulant : une première ministre non élue des conservateurs sans légitimité, sans autorité et maintenant sans partisans » (‘Daily Mirror’)
« Aucun de ses prédécesseurs n’a réussi à faire autant d’erreurs qu’elle en un mois au poste de Premier ministre » (‘The Guardian’)
« Madame Truss s’est engagée sur la voie de la folie pure » (Ambrose Evans-Pritchard, ‘Daily Telegraph’)
Face à cette tempête hypersonique, comment a réagi Liz Truss ? Comme d’habitude par ces temps hypersoniques, en ricanant, en affirmant “Célérusses”, en se fichant bien de savoir si la Baltique se trouve en Mer Noire ou vice-versa, en se planquant dans un bunker comme Biden en campagne électorale (tiens, lui, il veut vraiment briguer un deuxième mandat, ça va les gars ?) :
« Confrontée à ce désastre économique dont elle est entièrement responsable, – l’une de ses premières actions en tant que Premier ministre a été de limoger le directeur du Trésor, – Mme Truss a simplement doublé la mise et s’est retirée avec pétulance dans son bunker de Downing Street.
» Elle a tout de même émergé brièvement à la fin de la semaine dernière pour donner une série d'interviews radio désastreuses à des stations régionales de la BBC, dans lesquelles Truss a continué à vanter de manière robotique les avantages de l’économie de ruissellement et a tenté (sans succès) de rejeter l’entière responsabilité de la crise économique sur le président russe Vladimir Poutine et le conflit en Ukraine. »
Maintenant, quelques remarques plus générales de notre ami Hryce, sans vraiment d’originalité certes mais qu’il est bon de répéter, de marteler, de marteler encore. Vous savez, il n’y a plus aujourd’hui que quelques éléments et événements plus ou moins humains qui soient véritablement d’intérêt, mais ils sont énormes, colossaux, hypersoniques certes, tout le monde doit les voir et les (re)connaître, et notre rôle c’est de le répéter et de le répéter encore. Nous sommes dans le temps de la répétition parce qu’il n’y a plus qu’un seul événement en cours qui est la Fin des Temps, alias la GrandeCrise, et ses quelques formidables symptômes qui n’échappent à personne, même à ceux qui continuent à explorer dans les catacombes, une lanterne à la main, les derniers complots du jour.
Donc, bon, ceci de Hryce (ah ! Comment donc prononcer son nom ?!)
« C'est un signe inquiétant pour les démocraties occidentales en général, parce que des segments importants des élites mondiales qui les dirigent restent des adhérents fermes aux théories économiques néolibérales brutes et fondées sur l'avidité que Truss et Kwarteng embrassent de manière si rigide. Ces élites ne croient pas en le dogme du “noblesse oblige” et sont déterminées à renverser le consensus social-démocrate qui a prévalu au Royaume-Uni depuis Atlee jusqu'à l'élection de Thatcher.
» Indépendamment de cela, ce qui devrait préoccuper le plus les observateurs intelligents, c'est la fragilité démontrable d'un système économique qui plonge dans une crise grave quelques jours après la présentation d'un mini-budget, aussi malavisé et stupide soit-il.
» Malheureusement, la crise politique créée par Mme Truss est peut-être encore plus grave que la crise économique qu'elle a inconsidérément engendrée.
» Le dilemme politique immédiat est celui auquel est confronté le parti conservateur.
» L'intensité de la réaction négative aux événements de la semaine dernière est telle qu'il est déjà clair que les conservateurs ne peuvent pas gagner les prochaines élections et que Truss ne peut pas rester longtemps Première Ministre. »
… Et pourtant, elle restera jusqu’au bout, jusqu’à ce moment où l’on décidera qu’il faut maintenant pousser cette insupportable dans le précipice, parce qu’elle ne cède pas avec son front de taureau, c’est une hypersonique, une cheffesse de la cohorte des hypersoniques, une qui “meurt mais ne se rend pas”. (C’est une image, ça, ou un jeu de situation historique, parce qu’il n’est pas question de “précipice” ni de “mourir” pour elle, mais simplement de voiture de fonction et du miroir qu’on trouve dans la salle de bains de Downing Street, – à qui l’on peut demander : “Miroir, dis-moi que je dépasse la Thatcher de cent coudées”).
Il est bel et bon que tout cela se passe dans l’île indomptable où la Luftwaffe s’est cassée les dents au temps d’avant les transgenres. Les Anglos, sur cette terre de passion et d’excès impitoyables sous des apparences de rangement implacablement ironiques, les Anglos ont toujours tout fait avant les autres, surtout les choses catastrophiques, les choses déséquilibrées et qui basculent, et toujours, et désormais à hyper-grande vitesse, hypersonique (malgré que les sous-hommes en réclament la paternité, ces “Cépaslérusses”) ; ah, ces Anglo-Saxons vecteurs de l’harmonie dans le désordre, de la bienveillance dans la cruauté et du néant dans l’éternité ! Ainsi Truss est-elle une avancée dans le néant de la médiocrité peut-être bien d’au-delà du « dernier homme » de Nietzsche, qui est bien entendu une femme comme il fallait s’en douter. Elle nous présente la politique réduite à ses miettes inconsistantes, à ses particules sous-élémentaires, à ses poussières indifférentes, et tout cela dont la cause autant que les effets, autant que les remèdes, – “Célérusses”.
De madame Truss elle-même, après tout, il n’y a pas de quoi rire. Sa nullité totale, presqu’aussi parfaite que la beauté d’Aphrodite naissant de l’eau par la grâce de Botticelli, sa nullité en un mot est autant la nôtre. D’une certaine façon, Macron la vaut bien comme prototype du modèle, et idem pour la très-belle Première ministre finlandaise (celle-là m’a impressionné) dansant ce qu’on nommait jerk dans mes vieux temps, et modernisé depuis certes, avant d’adhérer à l’OTAN. Il s’agit d’un modèle en voie de certification, dont Truss sera la référence presqu’au-delà de la Fin des Temps.
Il semble que rien ne nous arrête dans l’enfoncement de nous-mêmes, chaque fois qu’on croit distinguer l’aboutissement, distinguant encore un sous-sol où s’effondrer plus bas, et tout cela si vite ! Hypersonique, vous dis-je.
Monsieur Hryce écrit :
« La crise politique qui s'intensifie actuellement au Royaume-Uni a mis en lumière un certain nombre de défauts inhérents au système politique qui fonctionne actuellement dans la plupart des démocraties occidentales. »
Moi, je dis qu’il y a une merveilleuse adéquation entre les diverses chutes, comme une sorte d’effondrement où tout s’effondre au même rythme, dans le même enthousiasme. Madame Truss est une sorte d’effondrement qui équivaut à celui des mœurs, de l’intelligence, de la politique, de la culture, de la mode, des postures, des narratives, des borborygmes et des masques anti-Covid. C’est tellement bien fait, tellement justement coordonné, que, nonobstant le respect que nous devons au Décret Divin qui nous précipite et puisqu’il s’agit bien de cet effondrement-bouffe que nous méritons, l’ironie doit absolument être de mise, l’ironie de la dérision... Si je ne ris pas de madame Truss qui “rit de se voir si Thatcher en ce miroir”, par contre je ris en toute ironie de l’aventure qui nous arrive à partir de nos ambitions extraordinaires à l’intention de nous-mêmes et de notre considération incroyable pour nous-mêmes…
Ainsi, je le confesse platement, me revient à l’esprit ce souvenir de haute culture, de la chanson d’Henri Salvador de mes années de jeune homme, que je ne goûtais guère alors, peu incliné vers ce comique troupier :
« Faut rigoler, faut rigoler, avant qu’le Ciel nous tombe sur la tête ! »
… Simplement, avec une mise à jour, updated comme on dit :
« …pendant qu’le Ciel nous tombe sur la tête ! »
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