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5341D’abord, la nouvelle donnée par Spounik-français nous rappelle, – ou nous apprend pour ceux qui, comme nous, l’ignorions, – que le président Trump a fait une rapide intrusion dans le domaine des missiles hypersoniques pour nous rassurer. L’Amérique travaille dans ce domaine, dans toute sa certitude pour être Great Again, – et puis, d’ailleurs et bien entendu, elle l’est déjà comme elle l’est toujours (Forever Great) avec ses missiles actuels, qui ne sont pas précisément de cette catégorie telle qu’elle est développée et déjà déployée par la Russie, – mais qu’importe :
« La semaine dernière, le président américain Donald Trump a admis que les États-Unis travaillent au développement de fusées hypersoniques, notant que les États-Unis cherchent à les ajouter à leur arsenal de missiles “gros, puissants, précis, mortels et rapides”. »
Puis, on en vient à l’essentiel du texte de Spounik-français, qui met une fois de plus les choses au point par la voix la plus autorisée du monde à cet égard. Il s’agit du général John Hyten (USAF), qui dispose de toutes les données de situation, technologiquement et stratégiquement, de son poste d’adjoint au président du Comité des chefs d’état-major, et venant du commandement Strategic Command, qui contrôle toutes les armes stratégiques (nucléaires) des forces armées des États-Unis. Ce type d’officier général à ce type de fonction n’a pas l’habitude de raconter des salades, comme un vulgaire président des États-Unis, devant une prestigieuse assemblée réunie par le non-moins prestigieux CSIS de Washington D.C., – d’ailleurs ce même Hyten répétant la même rengaine dans d’autres lieux prestigieux comme au Congrès, depuis l’été 2018.
Hyten est particulièrement, froidement réaliste, en confirmant que les USA ont, sur leurs concurrents (la Russie essentiellement) dix ans de retard dans le domaine des armes hypersoniques.
« L'armée américaine a échoué dans le domaine de la recherche et du développement des armes hypersoniques et il faudra des années pour que l'Amérique retrouve sa position de leader, a déclaré le vice-président de l'état-major interarmées, le général John Hyten, lors d'un discours prononcé vendredi au Centre d'études stratégiques et internationales[CSIS]à Washington DC.
» “Nous sommes maintenant enfermés dans une sérieuse compétition avec d'autres nations dans le domaine des armes hypersoniques. Nous étions en première ligne il y a dix ans. Nous avions deux programmes, deux prototypes... Ils ne fonctionnaient pas très efficacement. Qu'avons-nous fait après notre échec? Nous avons étudié les raisons de cet échec pendant des années avant d'annuler ces projets”, a déclaré Hyden.
» Il a appelé les parties concernées à accélérer la relance des efforts de développement et à tester les capacités spatiales en orbite plutôt que de rester les bras croisés et d’étudier[les causes des échecs de projets de toutes les façons abandonnées]”.
» Les États-Unis ont activement tenté de créer des missiles hypersoniques. En 2018, le Pentagone a commencé le développement de la fusée air-sol ARRW, tout en travaillant également sur un missile HCSW de longue portée pour l'US Air Force. Le coût de ces deux projets est estimé à près de 1,5 milliard de dollars. »
C’est effectivement en août 2018 qu’on a entendu, d’une façon officielle et solennelle, Hyten confirmer à partir de son poste de chef des forces stratégiques US l’existence de la force hypersonique russe, et l’impuissance où se trouvaient les USA face à ces forces. Dès cet époque, il assurait qu’une programmation d’urgence devait être développée pour que les USA entrent à leur tour dans la compétition. Mais presque deux ans plus tard, comme on le voit dans des extraits de cette déclaration, le développement d’engins hypersoniques ne progresse pas à grande vitesse aux USA, certainement pas au rythme où devrait l’être ce qui devrait être considéré comme un programme d’urgence. Les projets évoqués en sont toujours au stade du développement, sans garantie de succès, et les sommes allouées, au standard du Pentagone, sont peu importantes et ne marquent nullement le moindre caractère d’urgence.
On a déjà noté dès l’origine la difficulté de la communauté et de la bureaucratie de sécurité nationale autant que de la presseSystème à prendre “au sérieux” cette affaire, d’une façon générale par pur trait psychologique du suprémacisme et une attitude paradoxale vis-à-vis de la Russie, – à la fois mépris pour des capacités technologiques jugées inférieurs, à la fois “démonisation” des capacités d’influence et de subversion russes. Il y a même tout un milieu, notamment les hauts fonctionnaires idéologisées et les milieux type-neocon appuyés en sous-main mais efficacement par l’industrie de défense, qui nient l’importance de l’hypersonique, autant que les performances affichées par les Russes. On retrouve d’ailleurs des traces de ces conceptions dans divers articles et communications plus ou moins orientées, avec des thèses complexes sur la dissuasion sans mesurer que l’avantage et la supériorité russe sont d’abord dans le domaine fondamental de la communication et de l’influence stratégique qui déterminent aujourd’hui les avancées politiques fondamentales.
L’intervention de Hytren, qui reflète manifestement le jugement et la position de la haute hiérarchie militaire en raison du poste-clef qu’il occupe (le vice-président du JCS est l’homme-clef pour les grands programmes interarmes et les décisions d’orientation stratégiques fondamentales), montre que les efforts de cette haute direction militaire US ne donnent guère d’effets. C’est un phénomène qui apparaît de plus en plus nettement, celui du dysfonctionnement dans tous les sens et de toutes les façons, dans la communauté de sécurité nationale et dans la chaîne de commandement. (On l’a vu dans des domaines moins importants que le développement de l’hypersonique, avec un incident entre Trump et la Navy, ou bien à l’occasion de la lettre envoyée par le chef des forces US en Irak au Premier ministre irakien sur le retrait des forces US du pays.)
Le cas de l’hypersonique (de la lenteur du développement de l’hypersonique) est particulièrement inquiétant et inédit, car il s’agit cette fois d’un dysfonctionnement direct qui met en cause la capacité de l’autorité du haut commandement militaire à imposer ses orientations fondamentales à la bureaucratie (laquelle s’appuie sur les idéologues type-neocon et sur le complexe militaro-industriel qui ne veut plus que des profits à très court terme dans l’activité technologique, comme on le voit avec Boeing et l’affaire 737Max). Hyten parle désormais de façon routinière d’un retard de dix ans sur la Russie dans le domaine de l’hypersonique, de l’incapacité de la bureaucratie et de l’industrie de se détacher de ses échecs pour lancer des programmes nouveaux mieux conçus, etc.
C’est-à-dire qu’il met à nu, à l’occasion de ce qui est en train de devenir pour le Pentagone une véritable “crise de l’hypersonique” portant sur l’armement essentiel de la sécurité des États-Unis, la situation crisique fondamentale du Pentagone : un tourbillon crisique parvenu au cœur de lui-même, comme le tourbillon d’un ouragan, là où la tempête fait plus rien bouger, où règne le calme du parfait simulacre, où le bouleversement de la situation de crise parvient à l’immobilité de l’impuissance et de la paralysie complètes.
Mis en ligne le 18 janvier 2020 à 11H45