Limbaugh et l’effet-Cablegate

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Il y a des réactions remarquables dans le cadre de l’affaire Wikileaks-Cablegate, dans la corporation des journalistes et commentateurs, les plus intéressants et les mieux informés, – c’est-à-dire ceux d’Internet. (Cablegate nous montre bien qui, aujourd’hui, mène l’information de presse. Assange a fait le travail que les “journalistes professionnels”, ou assermentés du Système, n’ont plus le caractère de faire.)

Nous allons prendre un exemple extrême, d’un homme dont on attendrait des imprécations de lynch et de mort contre Assange et Wikileaks, et rien que cela. Rush Limbaugh tient un talk-show radiodiffusé fameux, il est l’idole de l’extrême droite du parti républicain US, ses commentaires contre tout ce qui est considéré comme anti-US sont furieux et haineux à la fois. Le 3 décembre 2010, Sadhbh Walshe, du Guardian, passait en revue notamment les réactions de Limbaugh, concernant l’affaire Cablegate

«Rush Limbaugh opened his show on Monday with the following (listen here): “He's a little wuss, Julian Assange. Need to find this guy and string him up.”

»In the same breath, however, with barely a full stop to punctuate the thought, he says this: “Frankly, I find what's in this stuff interesting. I think it's more interesting than the news the networks come up with each and every day. Give me more of this stuff.”

»He goes on to point out the information we now have at our fingertips is worth its weight in gold. “Now, as I say, none of this is unknown – for example, the business that our friends, the Saudis, are paying for al-Qaida, that they're funding al-Qaida, that they offer support for al-Qaida, that they may as well be al-Qaida in some cases. Now, this is not surprising to anybody. It's just nobody has the guts to say it. Some of this stuff in these cables is actually fascinating. I want more of it. You know, this is the stuff that's true.

»He was particularly bothered by the hypocrisy displayed by the Saudis when it came to their desire that the US take out Iran. “We continue to sell $60bn of sophisticated armaments to Saudi Arabia; it's our largest such sale to anybody ever, and they're funding al-Qaida. And they're not prepared to go to war with Iran. We're selling them all this ammo and all these armaments, but they want us to go take Iran out. What kind of idiots …

»So, like many of us in the media and elsewhere, Mr Limbaugh was intrigued to suddenly have real and reliable information at his fingertips. “People in the email asked: ‘Why do you like these leaked cables so much, Rush?’ Because they don't lie in diplomatic cables. The odds are that what we're getting here is the raw truth. People don't lie in these cables. These are not trumped up speeches, they're not written for the teleprompter. I mean this stuff is better than People magazine.»

Puis, au dernier moment, se rattrapant et n’oubliant pas qui il est et quelle est sa fonction, Limbaugh revient sur son imprécation de départ (une balle dans la tête d’Assange) : «Now, the Wikileaks website is international law, so we just can't unilaterally shut the guy down, but, you know, back in the old days when men were men and countries were countries, this guy would die of lead poisoning from a bullet in the brain, and nobody would know who put it there.»

Notre commentaire

Ce cas nous paraît remarquable, notamment en raison de la personnalité impliquée, partiale, haineuse, sans le moindre goût ni capacité pour la nuance, qu’est Rush Limbaugh. Malgré les allures d’outrecuidance et d’outrance qu’il se donne, Limbaugh est parfaitement un homme du Système, conforme à la radicalisation constante de ce Système et, notamment, de son aile droite (ou même d’extrême droite) républicaine. On devrait attendre de lui une réaction comme celles qu’on retrouve chez divers parlementaires US et personnalités plus institutionnalisées que Limbaugh, qui demandent purement et simplement la tête d’Assange, sans autre forme de procès, et cette dernière remarque est loin de n’être qu’une image, – et sans autre remarque notable à ce propos.

Certes Limbaugh demande du sang, comme d’habitude, et dans sa manière leste. Mais, à côté, il s’étend longuement sur l’aspect absolument fascinant et roboratif de disposer des documents que fournissent Assange/Wikileaks où, cette fois, les gens (les diplomates US) parlent sans utiliser le conformisme et la langue de coton du virtualisme des directions politiques. Certes, les passages qu’il cite rejoignent ses propres orientations politiques, mais cela n’a rien pour surprendre ni pour vraiment choquer. L’essentiel, estimons-nous, c’est bien ce qui est finalement une réaction anti-Système de Limbaugh, – alors que Limbaugh est un clown extrémiste du Système, – dans le sens où Limbaugh semble soudain complètement rasséréné et particulièrement excité comme on l’est par la découverte de la vérité en découvrant ce qui est le contraire du mensonge qu’est le virtualisme, – dont il est pourtant lui-même partie prenante : «Frankly, I find what's in this stuff interesting. I think it's more interesting than the news the networks come up with each and every day. Give me more of this stuff. […] …Because they don't lie in diplomatic cables.»

Le cas est vraiment intéressant et illustratif, évidemment en fonction de la personnalité et du poids médiatique et politique de Limbaugh. Cela montre que l’homme, tout en conservant d’un côté ses positions extrêmes, extravagantes et grotesques, qui furent et sont applaudies du côté de la droite républicaine, dans les milieux de la droite de l’administration bushiste, “souffre” également des restrictions draconiennes que le virtualisme du Système fait peser sur les directions politiques par rapport à la réalité de l’information, et qu’il a fait peser notamment du temps de l’administration bushiste dont Limbaugh est un fervent partisan. Indirectement, Limbaugh se révèle dans ce cas comme un virulent critique de cette administration bushiste (et du Système) alors qu’il en est officiellement un fervent partisan. Mais tout cela se résume selon une autre formule : Limbaugh, dynamiteur extrémiste du système, reste aussi, malgré tout, par rapport à sa fonction, une victime du système dans la mesure où, à côté des munitions idéologiques qu’il y trouve, il se heurte à la réalité mystificatrice du virtualisme au service du Système, qui touche absolument tous les réseaux, toutes les bureaucraties, toutes les administrations, de quelque côté qu’ils viennent, qui sont sous l’empire du Système. Limbaugh, comme les autres, malgré ses comportements et son caractère détestables, est aussi une victime du Système.

Parmi ses nombreuses vertus dont la plupart sont involontaires et inconscientes, le couple Assange-Wikileaks met en évidence l’aspect absolument pervers du Système, qu’il s’agisse de son émanation de droite, de gauche, “droitdel’hommiste”, etc. C’est une des grandes vertus de cette énorme offensive qui frappe de tous les côtés et de toutes les façons que de montrer que le Système n’épargne rien ni personne, qu’il n’est ni de droite ni de gauche, qu’il ne se caractérise que par des mots d’ordre passe partout (type modernité), qu’il est attaché à une destruction totale de toutes les structures, y compris la structure assez piètre d’un Limbaugh privé d’informations vraies, bref que le Système est absolument l’ennemi de toute structure organisée du monde, de toute référence qui pourrait relever, même de très loin, de la Tradition originelle unificatrice de notre civilisation…. Le Système est absolument destructeur, contre-civilisation, absolument pervers et l’inversion même, et, peut-être, un jour, s’apercevront-ils tous en même temps, qu’ils soient de droite ou de gauche, de cette vérité maléfique épouvantable.


Mis en ligne le 7 décembre 2010 à 11H32