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8 juin 2006 — Les républicains ont remporté, aux USA, en Californie, une victoire électorale partielle qui leur met un peu de baume au coeur. Il s’agissait d’un vote dans le 50ème district de Californie, pour remplacer le député Randy Duke Cunningham, démissionnaire en novembre dernier, et depuis jugé et condamné à sept ans de prison (la condamnation la plus sévère pour corruption pour un parlementaire dans l’histoire des Etats-Unis, — il faut dire que l’“affaire Cunningham” vaut le déplacement).
Partout les électeurs (républicains) sont écoeurés de l’administration GW, ses mœurs, son incompétence, etc. Le Président explore, en fait d’impopularité, des situations jamais vues sinon du temps de Nixon juste avant sa démission. Les perspectives des élections mid-term sont, dans les prédictions des analystes et dans les enquêtes statistiques, rien moins qu’impressionnantes (négativement pour les républicains). L’élection partielle du 50ème district devait être, pour les démocrates, l’occasion de frapper un grand coup, d’ouvrir leur campagne par le coup d’éclat de la capture d’un district électoral imperturbablement républicain. C’est raté.
Résultats et images de campagne, d’après The Independent, ce matin :
« Together, the two parties spent about $10m, only to see the seat in California's 50th district follow a predictable demographic pattern. Mr Bilbray took about 49 per cent of the vote, to Ms Busby's 45. This was hardly an endorsement of either Mr Bilbray or the Bush administration — voters in the most conservative parts of the district expressed dismay, even disgust, at the direction the country is taking. Rather, it highlighted just how rigid the country's partisan battle lines and district boundaries are, and thus how difficult it is for any seat to change hands, no matter how unpopular the incumbent.
» “The challenge for Democrats is to affirm an agenda that is not only not the Republican agenda but also wins Republicans over to their side,” said Rob Richie of the Centre for Voting and Democracy, a thinktank which has tracked the diminishing competitiveness of US election races over the past two decades. “What this election shows is that, even in a relatively good climate for Democrats, a district that should be competitive can be surprisingly difficult to win.”
» Mr Bilbray was hardly an ideal candidate for the Republicans. He is a professional lobbyist, a dirty word these days because of the scandals involving Cunningham and a whole clutch of other congressmen linked to Jack Abramoff, a lobbyist convicted on multiple counts of corruption and fraud. He is also a moderate on issues like gay marriage and abortion, making him unpopular with the conservative Republican grassroots.
» In Escondido, the most conservative city in the 50th district, voter after voter made clear they had to hold their noses as they checked his name on the ballot. “I voted for Bilbray, but my biggest concern is that he will go back to exactly what he was before, the guy making the deals and ignoring the people he's supposed to represent,” Gordon Axelson, a civil engineer, said. Escondido Republicans also revealed a disappointment bordering on rage against the Bush administration on an array of issues from the president's moderate stance on immigration reform to his deficit spending to his failure to pacify Iraq. “I can't wait for him to get out of office,” Mr Axelson said.
(...)
» Angry as they were, these Republicans could not bring themselves to vote for Ms Busby, a school board activist on the liberal north San Diego county coast. Ms Busby had counted on a lopsided turnout to see her through to victory. In the end, though, she was sunk by a gaffe on the issue of immigration. It was probably no more than a verbal slip — she appeared to suggest illegal immigrants were welcome to vote for her — but it was enough to prompt a last-minute surge of Republicans and doom her to defeat. »
L’événement est simple, clair, net, avec les principaux facteurs qui le caractérisent également bien définis (auxquels on ajoutera celui de rappeler que le candidat républicain fit une campagne axée sur la question de l’immigration, en soutenant une politique d’extrême fermeté). D’autre part, tout cela confirme ce qu’on observe en formation et en développement de façon éparse depuis plusieurs années, et plus précisément depuis quelques mois.
Quelques remarques s’imposent donc naturellement:
• Effectivement, l’immigration est un sujet central dans les préoccupations des Américains aujourd’hui (même si le 50ème district, situé à 20 miles de la frontière mexicaine, est un cas plus marqué). La dernière remarque sur le destin de la candidate démocrate va dans ce sens : « In the end, though, she was sunk by a gaffe on the issue of immigration. It was probably no more than a verbal slip — she appeared to suggest illegal immigrants were welcome to vote for her — but it was enough to prompt a last-minute surge of Republicans and doom her to defeat. »
• La fermeté de la position des électeurs est remarquable. Elle marque une polarisation des attitudes et des choix vers les extrêmes. Dans ce domaine (l’immigration), l’électorat républicain est largement plus à droite que l’administration, et il reste fermement républicain malgré l’écoeurement palpable pour le comportement des élus et pour l’incompétence de l’administration GW.
• Le dernier point doit être souligné : l’écoeurement à l’égard de Washington, — et pourtant l’on vote pour des gens qu’on sait certainement corruptibles et sans doute d’ores et déjà corrompus. Cela signifie que le vote est de moins en moins une marque quelconque, — confiance ou défiance, — à l’égard de ceux qui sont élus. C’est une complète délégitimation du système, résultat de six années de “gouvernement” consacré aux intérêts privés, à la corruption et aux mensonges, aux projets stratégiques élaborés à partir de complots intérieurs de petits groupes idéologiques.
D’une façon plus générale, cette élection est une bonne photographie du paysage politique américain, du côté des citoyens. On peut y voir rassemblées toutes les tares et les obsessions du système, loin des arguments pompeux comme la guerre contre la terreur. Le legs de GW et du système dont il est encore (pour deux ans) l’homme-sandwich commence à se dessiner à gros traits. C’est la perpétuation d’une situation pseudo-politique polarisée aux extrêmes, qui a perdu le peu de caractère régalien de souveraineté qu’elle avait encore avant l’administration GW ; une situation où l’Amérique est fractionnée, divisée et hostile, sans arbitre ou un arbitre d’une telle faiblesse que c’est pire ; et une situation affectée de problèmes fondamentaux dont l’un l’est particulièrement parce qu’il a à la fois le caractère émotionnel et la substance (il porte sur l’identité nationale) qui font les grandes crises et qu’il ne peut faire que s’approfondir et s’aggraver dans les années qui viennent, — l’immigration certes.