L’imposture au cœur de la politique étrangère de l’UE (suite)

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Le cas de Robert Cooper, ce fonctionnaire européen d’origine britannique et de confession neocon envers et contre tout, représente une situation spécifique au sein de l’UE qui commence à soulever certaines interrogations. Nous avons déjà évoqué ce “cas Cooper” il y a peu (le 21 mai 2010) et l’évolution de la chose mérite qu’on y revienne.

@PAYANT Lundi matin, peu après la nouvelle de l’attaque dans la nuit de la “flottille” humanitaire par un commando israélien libérateur mais un peu maladroit, la baronne Ashton a réagi en tant que chef de la politique extérieure de l’UE. Sa réaction fut bien plus que modérée et rejoint, en fait de pusillanimité, la réaction officielle US puisqu’elle se contente de déplorer les pertes humaines et de demander une enquête évidemment “impartiale” (les Israéliens nous le promettent). Bien entendu, Ashton n’a rien à voir avec ce communiqué. C’est Cooper (qui occupe, avec la fonction de Directeur Générale, une position hiérarchique dans l’organigramme sous la direction de Ashton) qui s’est chargé de l’affaire, «bloquant tous les apports et tous les avis, au profit de sa seule appréciation qui apparaît dans le texte officiel», – cela, selon une source européenne.

Deux semaines auparavant, c’est également Cooper qui avait été l’architecte de la réaction officielle de l’UE à l’accord de Téhéran entre le Brésil, la Turquie et l’Iran. La réaction, bien entendu, était défavorable. Cooper avait justifié en interne cette prise de position par le fait qu’il n’y avait rien à attendre de cette affaire essentiellement parce que la Turquie n’y était impliquée que très temporairement. Selon Cooper, la Turquie est, malgré l’apparence, entièrement acquise à son alliance avec Israël, notamment avec des liens stratégiques d’une très forte importance. (L’affaire de la “flottille” humanitaire a montré combien cet esprit est avisé et son jugement prospectif quasiment divinatoire.) Bref, Cooper avait sorti son catéchisme habituel et personne n’avait réellement tenté de lui faire barrage.

Il est possible que cette situation commence à agacer, sinon à inquiéter l’une ou l’autre autorité, l’un ou l’autre canal bureaucratique. Il est possible que le cabinet Ashton commence parfois à sentir une certaine frustration de voir ce fonctionnaire, avec ses théories extrémistes dont la seule vertu semble avoir été d'éclairer l’esprit de Tony Blair pour le raffermir dans sa marche vers vers la guerre contre l’Irak, prendre en main d’autorité la conduite de la politique extérieure de l’Union Européenne. (Certains signes montrent effectivement cette attitude du cabinet Ashton.)

Le cas est assez pendable mais, également, assez extraordinaire, autant par son illégitimité que par son caractère solitaire et accidentel. Notre source estime que Cooper n’a pas de réel soutien, y compris du Royaume-Uni. «Le Foreign Office contrôle complètement Ashton, non pas pour lui faire faire ou lui imposer une politique, mais pour faire en sorte, du fait de l’inexpérience de la personne, qu’à travers elle l’UE n’ait pas de véritable politique extérieure. Le but des Britanniques n’est pas que l’Europe ait telle ou telle politique, mais que l’Europe en tant que telle n’ait pas de politique, parce que le Royaume-Uni raisonne absolument en nation souveraine.» De ce point de vue paradoxal, Cooper, à la place où il se trouve et avec l’autonomie dont il dispose, gêne plutôt les Britanniques qu’autre chose. Cooper est un cas remarquable de production de l’imbroglio bureaucratique, dont a su profiter un homme habile à la manœuvre et habité jusqu’à la pathologie par ses convictions idéologiques.

La source citée nous rapporte également le témoignage d’un fonctionnaire européen de haut niveau, qui avait tenté, en a parte et devant un café, de convaincre Cooper de nuancer une de ses positions. «Il s’est trouvé devant un homme qui s’est transformé en un imprécateur furieux, rouge de colère, qui a brusquement rompu l’entretien en allant terminer seul son café à quelques tables de là…»


Mis en ligne le 2 juin 2010 à 16H01