L’impuissance du centre

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L’administration Obama a décidé l’envoi de 1.200 soldats de la Garde Nationale sur la frontière du Mexique, pour lutter contre le trafic de drogue et l’immigration illégale. En même temps, le président va demander $500 millions au Congrès pour renforcer les mesures de surveillance et de contrôle. Toutes ces mesures, dont éclate la mesure ridicule par rapport aux efforts militaristes extérieurs, sont également présentées pour “contrer”, voire “discréditer” la loi anti-immigrants adoptée par l’Arizona. Ridicule pour ridicule, restons-y ; on mesure également à cette aune cette présentation des décisions prises, si l’on espère effectivement que ces mesures décourageront ceux qui soutiennent ce type de loi, qui va s’étendre à d’autres Etats.

Du Guardian, ce 26 mai 2010, quelques précisions.

«Barack Obama, is to send 1,200 National Guard troops to the country's border with Mexico to bolster security, an administration official said yesterday. The move pre-empts Republican plans to try to force a vote on such a deployment and comes as Obama seeks cross-party support for a sweeping overhaul of US immigration laws.

»The US president has also been trying to galvanise opposition to a tough new immigration law in Arizona that has strained the country's relations with Mexico… […]

»The plans were disclosed by the official after the president met Republican senators who pressed him on immigration issues including their desire for guard troops to be sent to the border. John McCain, defeated by Obama in the 2008 presidential race, and fellow Arizona senator Jon Kyl were among those arguing for a deployment and Republicans were planning to try to attach it as an amendment to a pending war spending bill.

»McCain gave a lukewarm response to news that additional guard troops were to be dispatched. Speaking on the Senate floor, he said there was a need for 6,000 troops in total, describing the situation on the border as “greatly deteriorated”. “I appreciate the additional 1,200 being sent … as well as an additional $500m but it's simply not enough,” he said.

»Homeland Security and Pentagon officials have been debating possible National Guard deployment for the best part of a year. Pentagon officials were worried that the US would be perceived as militarising the border and did not want guard troops to perform law enforcement duties. Members of the National Guard are civilians who train once a week and one month during the summer in units that can be mobilised for military duty or emergency relief. There are currently 344 National Guard troops working along the border.»

Notre commentaire

@PAYANT D’abord, il faut mesurer la dérision de ces décisions qui vont apparaître presque comme une insulte à ceux qu’elles sont censées rassurer. 1.200 hommes répartis sur 3.200 kilomètres de frontière alors que les soldats s’empilent en Irak, en Afghanistan et ailleurs pour on ne sait qu’elles batailles incertaines d’où sortira peut-être la défaite ressuscitée ; $500 millions alors que le conflit irakien coûtera en tout plus de $3.000 milliards et qu’on annonce que l’Afghanistan approche du cap des $2.000 milliards… Les sénateurs concernés, essentiellement de l’Arizona (McCain et Kyl), pourtant tout acquis au système, ont déjà pris bruyamment leurs distances en dénonçant l’aspect dérisoire de l’effort.

On dira que Barack Obama ne peut faire guère mieux, au vu des contraintes budgétaires qui pèsent sur lui. On observera qu’il peut faire toujours mieux, – et tant pis pour les contraintes budgétaires! – lorsqu’il s’agit de l’Afghanistan, du budget du Pentagone ou des banques de Wall Street. On notera en addendum que cette radinerie pour la frontière mexicaine rencontre assez bien l’indifférence et la pusillanimité du “centre” pour la catastrophe du Golfe du Mexique. Le tableau est complet, pour montrer le surprenant déséquilibre des appréciations du centre entre la situation intérieure et la situation de la population US d’une part, la situation extérieure et des forces ploutocratiques d’autre part. Même pour un gouvernement orienté dans le sens qu’on lui voit, ce déséquilibre est une erreur grave de la mesure des nécessités. Elle témoigne de l’inconscience complète du centre des effets que ce déséquilibre peut produire dans la population américaine, notamment dans l'appréciation de cette population de l’intérêt que le centre porte à ses composants (les Etats de l'union).

On observera, d’une façon complémentaire, combien la bureaucratie soutient cette attitude du centre puisque les militaires eux-mêmes freinent toute intervention à la frontière, ce qu’ils nomment une “militarisation”. Cela montre combien les structures mêmes du systèmes, comme sa direction civile, sont orientées vers une politique extérieure expansionniste et belliciste, – même si celle-ci conduit à des absurdités autodestructrices (voir l’Afghanistan), – et vers le soutien de toutes les forces qui y contribuent, aux dépens de tout intérêt pour la situation intérieure. La chose se marque d’une façon si voyante que, plus qu’être une politique conceptuelle et élaborée, il faut parler d’erreur due à l’absence de conscience des choses.

Cette situation contredit, une fois de plus, les thèses idéologistes qui affirment que le système recherche l’installation d’une structure fasciste aux USA, par la “militarisation” du pays. C’est exactement le contraire qui se manifeste ici. Le système raisonne en termes systémiques et non en termes idéologiques, comme cela devrait aller de soi. Il suit des impulsions mécanistes que les critiques idéologiques ne comprennent pas, et non des impulsions idéologiques comme ces mêmes critiques le supposent. Ces impulsions mécanistes sont complètement imprégnées par la tendance à l’expansion, selon l’idée de l’attirance aveugle du système pour l’expansion mécaniste, et tenant compte de la certitude où se trouve le système que sa puissance même lui permet de tenir pour acquis le contrôle de la situation intérieure, sans aucun effort constructif nécessaire ou/et sans la moindre mesure coercitive particulière. Il n’y aucun raisonnement, aucun parti-pris idéologique dans tout cela, et le résultat est le catastrophique enlisement dans des aventures extérieures promises à la défaite, tandis que la situation intérieure continue à se détériorer dans l’indifférence er l’inconscience générales.

Sur le plan intérieur, la médiocrité des mesures annoncées par Obama, accompagnant son absence de réaction constitutionnelle face à la loi adoptée par l’Arizona et qui devrait s’étendre à d’autres Etats, vont accentuer la poussée autonomiste et souveraine des Etats. C’est toujours dans le même sens qu’évolue la situation, construisant une psychologie générale de la population qui pousse à la considération de l’inutilité du centre, voire de l’antagonisme à son encontre. Le centre se montre de plus en plus faible, de plus en plus indécis, de plus en plus maladroit vis-à-vis de sa situation intérieure. Il réagit toujours à contretemps, toujours d’une façon inappropriée et trop faible. L’administration qui est censée le “diriger” ou, dans tous les cas, de le “coordonner”, est exactement à cette image et accentue toutes ces tendances. Le président Obama ne dépare rien dans ce tableau.


Mis en ligne le 26 mai 2010 à 08H25