L’inculpabilité et la saison des quatre vérités

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Lundi à Berlin, alors qu’on célébrait partout l’anniversaire qu’on sait, un haut fonctionnaire des Etats-Unis nous a dit les quatre vérités de son pays pour ce qui concerne l’Iran. La chose a sans aucun doute la vertu de la vérité, version américaniste, qui mérite un examen particulier.

Le haut fonctionnaire est Richard Boucher, assistant de la Secrétaire d’Etat pour les affaires d’Asie centrale et du Sud. Il visite le ministre allemand des affaires étrangères dont on sait qu’il est mal à l’aise à cause des rapports (nucléaires) entre Washington et la Nouvelle Delhi. Un journaliste objecte effectivement à Boucher, sur la question de l’Iran, que les USA suivent un “double standard”, — condamnant ici l’Iran et ses ambitions nucléaires jusqu’à menacer ce pays des foudres terribles de la puissance US, signant là un accord fondamental qui permet à l’Inde de progresser notablement dans le domaine nucléaire.

Boucher ne repousse rien de tout cela. Il s’en explique, s’en targue et s’en glorifie. Reuters nous expose l’affaire.

«The United States acknowledged on Monday it was employing a double-standard in its divergent approaches to India and Iran's nuclear programs, but said its policies were justified by the behavior of the two countries.

»“Is there a double-standard? Yeah. There should be,” said U.S. Assistant Secretary of State Richard Boucher, when asked whether a civilian nuclear cooperation deal between Washington and New Delhi might send the wrong message to Iran.

(…)

»“When you have a country that kicks out inspectors, violates its commitments, goes back on its obligations, tears up agreements ... they should be treated differently than a country that has a good record in non-proliferation ... and which wants to bring itself more in alignment with the international community,” Boucher said.

»He added that he did not believe Iran decided its policies based on how Washington dealt with India.»

La franchise est de rigueur, il n’y a rien à redire. C’est un cas magnifique d’“inculpabilité”, qui permet effectivement cette franchise magnifique. Les reproches que Boucher fait à l’Iran pourraient tous être repris combien de fois, et appliqués aux USA, jusque et y compris cet “alignement sur la communauté internationale”. L’Iran ne le pratique pas, paraît-il, alors que cet alignement est si évident pour les USA dans nombre de cas, par exemple lors de la crise libanaise (les USA seuls derrière Israël, — sauf, ah oui, on oubliait Blair). L’“alignement sur la communauté internationale” signifie, pour les USA, être aligné sur les USA. Les USA ne sont donc pas coupables en cette matière alors que, manifestement Votre Honneur, les Iraniens le sont.

Cas superbe d’inculpabilité, aussi superbe que la franchise qui en découle (ceci étant lié à cela). L’inculpabilité est à la base de ce comportement à la fois angélique et péremptoire. L’Amérique est la seule référence des lois et la nation qui se conforme le mieux aux lois dont elle est la référence ; elle est la nation qui dénonce chez les autres ces actes illégaux qui, avec elle, sont les manifestations nécessaires de la souveraineté ou de la sécurité d’une nation ; elle est la nation qui affirme le règne de la loi et qui proclame que, pour être sous la protection de la loi et en conformité avec elle, il faut un comportement dont elle seule est juge de sa justesse et de sa vertu.

L’Amérique proclame le règne de la loi universelle. Elle en est le législateur, le juge suprême, le procureur, le témoin à charge, et éventuellement l’avocat de la partie civile qui négociera un arrangement à l’amiable où, si la somme est rondelette, donnera quitus à l’accusé présumé coupable dès lors que ce dernier aura souscrit une assurance chez le courtier dont l’Amérique lui fournira l’adresse, — et dont l’Amérique est actionnaire à 51%.


Mis en ligne le 12 septembre à 17H23